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Madame De Staël, la révolution et après
Quand l'esprit vient aux femmes
Publié dans El Watan le 27 - 10 - 2005

Elle aurait pu se contenter d'être la fille de son père, le fameux Necker, le grand ministre des finances de Louis XVI. Mais sa mère tenait salon et ne se contentait pas d'y servir des petits-fours à des amies en mal de mondanité.
Mondaine, Mme Necker recevait le meilleur du monde de l'époque, des encyclopédistes qui assuraient au siècle finissant une lumière exceptionnelle. Née ainsi sous une double et bonne étoile, Germaine Necker aurait pu se contenter de naître, et c'était tout, pour avoir tout. Mais voilà ! Cette fille avait la tête bien faite, et en écoutant les illustres invités de sa mère, sa tête jeune s'acclimata sans problème aux débats les plus sérieux. Germaine Necker faisait partie des derniers privilégiés d'un monde à mourir. Fille du dernier grand ministre de Louis XVI, fille d'une dame qui tenait le dernier salon du XVIIIe siècle, Germaine Necker disposait d'un avenir, parce qu'elle détenait un privilège que la révolution de 1789 ne pouvait pas lui confisquer : des idées jamais arrêtées, ce qui ne l'empêchait pas - au contraire-, d'en arrêter quelques-unes bien senties et bien à elles, sur la lancée d'un apprentissage mondain et philosophique. Grandir en même temps que les pensées d'un Diderot ou d'un D'Alembert ne laisse pas indemne. Il ne restait plus à Germaine Necker qu'à rencontrer l'homme de sa vie pour parachever l'œuvre humaine si bien commencée. La question du bonheur, il faut la solder et vite. Ce n'est pas le mariage avec celui qui la fit baronne de Staël qui pouvait combler Germaine Necker ni même ses liaisons, dont la dernière avec le malheureux Benjamin Constant acheva de faire entendre raison à un cœur qui croit naturellement aux choses de l'amour vrai et durable. L'échec amoureux garda intacte chez cette femme la volonté de penser. Et en cette conjoncture révolutionnaire et troublée, elle eut le bonheur de rencontrer un partenaire à sa taille. C'est un général, Bonaparte, doublé d'un empereur, Napoléon qui sera l'homme de la vie de Madame de Staël. Ces deux-là se sont vite détestés. Pourtant l'essentiel devait les réunir. Ils étaient tous deux des révolutionnaires convaincus avant que l'un d'eux (devinez lequel ?) ne s'avise de proclamer que la révolution était finie, et qu'il était temps de commencer à faire l'histoire de la France. L'autre (vous avez deviné laquelle) ne s'est pas longtemps faite des illusions sur le petit général des armées révolutionnaires présenté comme l'homme providentiel. Quand il s'agit de providence, l'histoire sourit aux ambitieux, et tandis que Bonaparte se taillait une destinée politique et dictatoriale, la jeune Germaine se tenait raide, dans la posture de la femme qui pense juste et bien, dans la foulée des grandes mutations du siècle. Première escarmouche. En 1803, Bonaparte se fâche. Il n'apprécie pas que Madame de Staël remette en cause l'ordre établi, même s'il ne s'agit que de littérature. Pas question pour celui qui rêve d'un pouvoir absolu de condamner l'âge classique qui soude si bien la littérature et les institutions politiques au nom de la raison et de la raison d'Etat. Auteur d'un premier ouvrage, La littérature considérée dans ses rapports avec les institutions, Madame de Staël est chassée, oui ! Chez ces gens-là, on chasse selon le bon plaisir. Et si la baronne avait été intelligente, elle aurait dû comprendre que le jeu devenait serré avec un Bonaparte doté d'une armée et d'une ambition dévorante. Seulement, voilà, cette baronne-là était intelligente sans être un laron prêt à s'acoquiner avec un pouvoir despotique et avantageux pour ses valets. Naïve, elle croyait que l'écrivain a un rôle à jouer et que les idées peuvent triompher auprès des hommes d'action, dans un monde ouvert au progrès humain. Belle naïveté qui déshonore le Prince qui commet l'irréparable. Deuxième escarmouche plus grave que la première. Napoléon fait tomber la sentence d'exil et ne sait pas qu'il rend un énorme service non pas seulement à sa victime mais aussi à nous tous qui recevons aujourd'hui encore l'héritage de Madame de Staël. Madame de Staël découvre ce que personne ne pouvait connaître avant que le monde n'éclate sous le coup de la révolution de 1789. Avant, on parlait de l'Europe comme d'un Centre, et dans ce Centre, il y avait la France rayonnante. Le Centre n'existe plus, le tout s'est transformé en parties. L'Europe, ce sont des pays différents, l'Italie ne ressemblant pas à l'Angleterre de Byron qui n'a rien à voir ou presque, avec l'Espagne ou l'Allemagne de Goethe. Aucun ne ressemble à son voisin, et chacun a ses génies littéraires. Tiens donc ! la France puissante et classique ne détiendrait donc pas le monopole du Beau. Et si le Beau n'existe pas dans l'absolu, il ne saurait qu'être relatif. Première trouvaille de Madame de Staël qui va révolutionner ainsi la critique littéraire et rendre possible une discipline nouvelle et vraiment humaine : la littérature comparée. Merci, monsieur Napoléon Bonaparte. Sur sa lancée européenne, Madame de Staël ne s'arrête pas en si bon chemin de théorisation de la relativité. Et comme pour donner raison au dictateur fâché, on débouche avec elle sur le terrain du politique, et on tombe sur des notions foudroyantes de modernité : peuple et nation. C'est quoi, en effet, ces Russes qui défendent pied à pied, leur territoire contre l'envahisseur français ? C'est quoi ces Espagnols qui résistent à la botte française, unis comme les cinq doigts d'une seule main souvent nue ? C'est ce qu'on appelle un peuple qui se rassemble, parce qu'il a conscience d'appartenir à une même nation, par-delà les différences de classes et les intérêts personnels. Avec ou sans Bérésina, avec ou sans la défaite madrilène, bien au-delà des aléas des batailles gagnées ou perdues, il faut voir ce qui est en train de naître ici ou là, à ce moment-là, dans l'Europe en guerre : des nations qui inventent ce qu'il y a de mieux en matière de nationalisme, la résistance spontanée au nom de la liberté. Merci, Madame de Staël. Née sous une bonne étoile, la fille de son père et de sa mère n'a pas laissé filer la chance d'épouser la dynamique de l'Histoire en refusant une union consacrée par le politique. Tandis que Bonaparte Napoléon assurait à la révolution des années de régression, Madame de Staël impulsait à la pensée une formidable avancée. Après tout, ces deux là étaient peut-être faits pour s'entendre s'il s'agissait pour eux de démontrer qu'en matière de rigidité, mieux vaut celles des principes que de l'uniforme.

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