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François Malye : «Les exécutions capitales sont des actes d'Etat»
Il est Coauteur de François Mitterrand et la guerre d'Algérie (livre et film)
Publié dans El Watan le 13 - 11 - 2010

François Malye est grand reporter au Point, où il est notamment chargé de dossiers historiques.
Il a signé, en août 2001 (Le Point n°1511) avec un autre journaliste, Philippe Houdart, une enquête intitulée «Les guillotinés de Mitterrand».
- Qu'est-ce qui vous a conduit à vous intéresser à cette période de la guerre d'indépendance de l'Algérie où François Mitterand était ministre de la Justice ?
Cela remonte à 2001 avec la publication du livre de Aussaresses sur la torture. Sur les condamnés à mort, on avançait des noms, des chiffres, mais rien de précis. J'ai obtenu par dérogation d'accéder au registre des grâces de tous les condamnés à mort qui ont été exécutés. J'ai fait le compte avec les noms, les dates des exécutions, les numéros de dossiers des 45 exécutés pendant la période où Mitterrand était ministre de la Justice. Ce qui m'a frappé, quand j'ai vu les dossiers, c'est leur faible épaisseur. J'en ai fait un article, «Les guillotinés de Mitterrand» (Le Point n°1511 du vendredi 31 août 2001, ndlr). Après, je me suis documenté. En 2008, j'ai fait la rencontre de Benjamin Stora et on a décidé d'écrire un livre sur Mitterrand et la guerre d'Algérie. J'avais encore beaucoup de documents. Il a fallu retrouver aussi d'autres archives. On a eu les archives du Conseil supérieur de la magistrature, ce qui m'a permis de faire des recoupements, de valider les informations que j'avais déjà et d'en savoir beaucoup plus sur les causes de ces exécutions. A ma grande surprise, sur ces 45 exécutions, je n'ai trouvé qu'un groupe de 4 condamnés qui avaient commis un massacre horrible dans une ferme, près d'Oran. On réalise qu'à partir de mai 1956, il y a une volonté de frapper fort et de casser le FLN. D'où les deux premières exécutions capitales, en juin 1956. Ensuite, les exécutions vont aller crescendo avec un mois terrible, février 1957, en pleine Bataille d'Alger où, là, clairement, le ministre de la justice et l'Etat appuient les parachutistes. Pour retrouver ce nombre de 17 guillotinés en un mois, il faut remonter à l'occupation ou à la Terreur.
- Qu'avez-vous ressenti quand vous avez eu ces documents sous les yeux ?
Un effet terrible. Quand j'ai vu ce document de refus de grâce signé par François Mitterrand, je n'y croyais pas. Ces documents sont un matériau formidable et les Algériens devraient s'en emparer. Je ne suis pas persuadé que du côté algérien, les jeunes générations savent combien de nationalistes ont été exécutés, qui ils sont, pourquoi ils été guillotinés. Ce sont aussi des outils de réconciliation. On ne peut pas laisser le monopole de l'histoire à un camp. Ces militants exécutés sont réellement des héros, c'est incontestable.

- Pourquoi avoir focalisé sur Mitterrand ?
Il y avait d'autres membres au gouvernement, évidemment, mais aucun n'a terminé président de la République de gauche. La deuxième raison, c'est que François Mitterrand a aboli la peine de mort. Comment celui qui abolit la peine de mort pouvait-il se déclarer, 25 ans plus tôt, favorable à 80% des cas d'exécution ? Il ne s'agit pas de juger François Mitterrand mais de comprendre son cheminement, surtout après la révélation de l'épisode de Vichy. L'épisode algérien a très peu été évoqué. J'ai voulu comprendre pourquoi Mitterrand a adopté une ligne dure au sein du gouvernement de Guy Mollet ; il veut devenir président du Conseil à la place de Guy Mollet. Il est à ce moment-là au summum de son métier. Il est ministre d'Etat, il est ministre de la Justice. Il a 40 ans et l'expérience d'une dizaine de portefeuilles ministériels.
- Mais est-ce qu'on peut dire pour autant qu'il doit porter seul la responsabilité du maintien de la peine de mort ?
Devant la radicalisation du gouvernement de Guy Mollet, certains ministres ont démissionné, comme Pierre Mendès-France et Alain Savary. François Mitterrand reste fidèle à un gouvernement qui torture, qui exécute. Les autres membres de ce gouvernement n'ont pas survécu.
- Dans vos recherches, avez-vous retrouvé des déclarations ou des écrits de Mitterrand sur cette période ?
Il y a très peu d'archives, curieusement. Avant 1954, François Mitterrand a senti qu'il allait y avoir une insurrection. En revanche, sur la période où il était ministre de la Justice, il n'a pas cessé de mentir, d'arranger les choses. En tout cas, il n'a rien écrit sur l'Algérie. Il écrit un livre sur la décolonisation en 1957, il parle de tous les pays d'Afrique, de la Tunisie et du Maroc, sauf de l'Algérie. Même plus tard, en 1990, quand il est interviewé par des reporters belges, il dira toujours «non, non, je ne regrette pas», tout en lâchant parallèlement : «Si j'ai commis au moins une faute c'est celle-là.»
C'est ce qu'il dit à Jean Lacouture, mais il n'a rien écrit sur sa période de ministre de la Justice, et pour cause ! C'était indéfendable. Quand il était au pouvoir, il y avait une omerta sur son passé.
- Au nom de la raison d'Etat doit-on tout justifier, y compris la peine de mort ?
Tous les Etats ont légitimé leur raison d'Etat en période de rébellion. Ce n'est pas une particularité française. Le plus terrible, c'est le manque de vision politique à l'époque, la méconnaissance du nationalisme algérien, le fait d'avoir éliminé d'une façon ou d'une autre tous ceux qui pouvaient représenter un dialogue et donc une incapacité à trouver un interlocuteur. Dans l'histoire moderne, une colonie de peuplement comme celle de l'Algérie, c'est rarissime. On est face à une équation historique particulière, en Algérie. C'est une situation qu'aucun pays n'a eu à affronter.
- Comment expliquez-vous qu'on n'ait pas suffisamment parlé des exécutions capitales ?
Le débat, en France, porte tout le temps sur la torture et jamais sur les exécutions capitales. On ne connaissait pas les exécutés, à part Zabana. On a été obsédés par la torture parce que la torture a représenté ce que la Gestapo avait fait dans le pays. J'ai toujours été sensibilisé à la peine de mort et surtout sensibilisé au fait que ceux qui la subissaient étaient anonymes. Les 222 qui ont été guillotinés pendant la guerre, on ne les connaît pas.
- Comment expliquez-vous que Mitterrand ait aboli la peine de mort ?
Robert Badinter explique dans le livre que, devenu premier secrétaire du PS, Mitterrand a recueilli l'héritage de Jaurès et de Blum, et donc il est devenu de fait abolitionniste. Dans le film, il nous dit que Mitterrand a changé.
- N'est-ce pas aussi pour se racheter, comme certains l'ont dit ?
C'est l'une de mes hypothèses. Mais l'hypothèse sans doute la plus vraisemblable, c'est un simple calcul politique. Un autre point dont personne ne parle, c'est le retard de la France en Europe : la peine de mort était abolie dans la plupart des pays, depuis 1949 en Allemagne, 1969 en Grande-Bretagne. Mais le plus étonnant dans l'élection de François Mitterrand, c'est moins l'abolition de la peine de mort que le vote des pieds-noirs et l'appel de Salan à voter pour lui et la réhabilitation des généraux putchistes après. Les rapatriés ont contribué à l'élection de François Mitterrand.
- Le livre et le film sur François Mitterrand ne sont-ils pas une réponse à ceux qui, en France, veulent réécrire l'histoire coloniale de la France en Algérie ?
La guerre d'Algérie est une sale guerre et c'est ce qui pousse les Français à se voiler la face. On entend toujours les mêmes sur la guerre d'Algérie : les extrémistes, les ultras. Beaucoup se taisent, ne se manifestent jamais et souffrent en silence. C'est surtout à eux qu'il faut penser ; les autres, les ultras, ce n'est pas très intéressant mais ils ont un réel pouvoir de pollution du problème dans la société française. Mais si on ne parle pas de l'Algérie en France, c'est parce qu'on nous a menti sur la guerre d'Algérie et parce que c'est une plaie encore ouverte. C'est terrible pour les Français ; il ne faut pas sous-estimer leur douleur, ce n'est pas la même que celle des Algériens, mais il y a une vraie souffrance. On s'est trompé sur toute la ligne, on n'a pas compris. Et c'est un peu la principale responsabilité de ces gouvernements de la IVe République et surtout celui de Guy Mollet, de n'avoir rien compris au mouvement indépendantiste algérien.
- L'occasion n'est-elle pas là pour reconnaître tout cela, le dire et après tourner la page s'il le faut ?
Non, parce qu'on n'a pas tout dit sur la guerre d'Algérie. Il faut encore des années. Les archives sont encore cadenassées. La Seconde guerre mondiale s'est soldée, pour les Français, en gros depuis le procès Papon. Je pense que les Algériens devraient faire aussi quelque chose, c'est dommage qu'il n'y ait pas de dictionnaire de tous les militants nationalistes qui ont été exécutés, cela manque cruellement à la mémoire.


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