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«En Algérie, un changement radical est peu probable»
Nicolas Beau. Ancien journaliste au Canard enchaîné
Publié dans El Watan le 24 - 03 - 2011

- Tu viens d'écrire un livre sur la corruption de l'épouse du président Ben Ali, intitulé La Régente de Carthage, y a-t-il un lien de causalité avec ce que d'aucuns appellent la Révolution du jasmin ?
Le lien existe évidemment entre excès de corruption et affaiblissement de son assise. Ce qui devrait faire réfléchir le palais royal marocain et les décideurs algériens qui, eux aussi, comme Ben Ali, ont fait main basse sur leur pays. En Tunisie, ces dernières années, la dérégulation des commissions occultes et les appétits grandissants des amis et de la famille de Ben Ali –notamment de sa propre épouse, Leïla Trabelsi – ont contribué à isoler le régime. L'ambassadeur des Etats-Unis à Tunis n'a pas hésité, dans un télégramme révélé par WikiLeaks, à qualifier l'entourage du président déchu de «quasi maffieux». Surtout que la bourgeoisie tunisienne, qui s'était accommodée du régime, a basculé dans une forme de résistance face aux prétentions hégémoniques des amis de Ben Ali sur le terrain économique.
Au sein même du parti au pouvoir sous l'ancien régime, le RCD aujourd'hui dissous, beaucoup s'opposaient discrètement, dans l'hypothèse d'une disparition de Ben Ali, à une transition gérée par Leïla Trabelsi que nous avons qualifiée, avec ma co-auteure, Catherine Graciet, de «régente de Carthage». C'est dire que l'image du régime tunisien s'était totalement dégradée.
- Est-il difficile de recueillir des témoignages dans le système policier tunisien complètement verrouillé ?
La Régente de Carthage est, d'une certaine façon, un ouvrage collectif. Nous avons été beaucoup aidés par des opposants au régime qui, de passage à Paris, nous contactaient pour dénoncer les frasques de Ben Ali et des siens. Avocats, magistrats, syndicalistes de l'UGTT ou simples citoyens, nombreux ont été nos alliés. Sans parler des exilés tunisiens comme l'ancien ministre de l'Intérieur de Bourguiba, Ahmed Behnour, ou l'homme d'affaires Khemaïs Toumi, qui ont mis beaucoup d'énergie à favoriser notre projet. Ainsi avons-nous pu récupérer un rapport sur l'économie tunisienne d'une cinquantaine de pages, commandé par nos amis à d'excellents économistes et qui remet totalement en cause les satisfecit béats du FMI et de l'ambassade de France. Une autre source d'information est venue des mercenaires et hommes de main des clans au pouvoir, qui ont eu l'heureuse idée de se détester cordialement entre eux. Eux aussi nous ont apporté de nombreuses informations. Cela dit, compte tenu de la difficulté de recouper nos informations en Tunisie, où nous étions interdits de séjour, il nous a fallu supprimer un certain nombre d'éléments que nous avions à notre disposition. Nous avons préféré un petit livre de 180 pages à 95% crédible plutôt que de grossir artificiellement le contenu avec des informations non vérifiées qui, souvent d'ailleurs, figuraient sur le Net.
- Les conditions objectives d'un ras-le-bol généralisé n'est-il pas le véritable terreau qui a rendu possible ce mouvement populaire ?
Le mot-clé de la révolution tunisienne est la dignité. Ce qui renvoie en effet à l'humiliation ressentie par tout citoyen face aux prétentions grotesques d'un pouvoir dévoyé, qui repeignait les balustrades en violet, la couleur du régime. Un régime à l'image du père Ubu. La persécution de l'appareil sécuritaire était particulièrement flagrante dans les régions éloignées de Tunis, comme Sidi Bouzid ou le Kef. Les potentats locaux couvraient la petite corruption des flics et des gendarmes, exaspérant les jeunes en butte à d'innombrables tracasseries.
- Cette quête de dignité revendiquée et exprimée par l'immolation du martyr Bazizi n'est-elle pas en décalage avec les revendications économiques classiques enregistrées dans tous les pays, quelles évolutions sociétales tentent-elles de nous indiquer ?
Si un changement de régime a été rendu possible en Tunisie, c'est d'abord en raison d'une dignité perdue du peuple tunisien. La situation économique, en effet, était moins grave qu'au Maroc et en Algérie, même si les taux de diplômés chômeurs à l'intérieur du pays touchaient un jeune sur deux. Les revendications sociales avaient été plus fortes lors des révoltes de Gafsa, il y a deux ans. Cette fois, la crise économique a certainement contribué à l'explosion, elle n'en fut pas, à mon avis, le déclencheur.
- L'Occident en général et la France en particulier ne veulent pas de la démocratie dans les pays musulmans, car il est plus facile de négocier des contrats juteux avec des dictatures, surtout quand il y a des commissions et des rétro-commissions. Sont-ils crédibles aujourd'hui ?
La diplomatie française, totalement déficitaire et aveugle, aura beaucoup de mal à rattraper le temps perdu. Plus grave, ces tout derniers jours, beaucoup traînaient les pieds à Paris pour aider la jeune démocratie tunisienne. Sur le thème «les islamistes vont récupérer le bébé», nous n'avons pas l'envie ni les moyens d'aider des barbus à consolider leur pouvoir. Terrible faute intellectuelle qui justifia l'aveuglement de la France pendant déjà trop d'années.
- L'annonce du «gel des avoirs» (numéraires et immobiliers) des dictateurs dans les pays occidentaux les absout-elle des actes de complicité dont ils ont été l'élément moteur de réalisation durant les années de dictature ? L'éthique a-t-elle encore un sens dans les relations entre Etats ?
L'annonce du gel des avoirs des proches de Ben Ali est un aimable cache-sexe qui ne trompe personne. Les clans prédateurs tunisiens n'avaient que très peu de biens et d'avoirs en France. Ben Ali n'aimait pas les voyages en général et n'appréciait guère la France. Ses vrais amis étaient El Gueddafi, Berlusconi et certains émirs du Golfe. C'est là qu'il faut saisir les avoirs de l'ex-président, notamment à Dubaï.
- La publication d'un livre dénonçant la corruption doit-elle s'arrêter dès sa parution ou faut-il mener d'autres actions pour mettre les politiques face à leurs responsabilités ?
Une bonne nouvelle : la Tunisie intéresse à nouveau les médias français. Leur présence est essentielle dans un pays privé de presse libre pendant un demi-siècle. Il faut en effet informer l'opinion française des succès et des difficultés de la transition tunisienne, ne serait-ce que pour obliger notre gouvernement à concrétiser son soutien. Pour ma part, je prépare pour fin avril un petit opuscule sur le fiasco des relations franco-tunisiennes.
- Y a-t-il un risque de contagion (effet domino) et la «république» marocaine ne va-t-elle pas naître dans la violence, après le discours de fermeté prononcé par le roi Mohammed VI, il y a quelques jours ?
Je crois qu'il faut être très prudent sur la fameuse onde de choc qui secouerait le monde arabe. Les mobilisations populaires vont bousculer les régimes en place, modifier les plaques tectoniques et provoquer, ici ou là, des réaménagements des pouvoirs. Mais, de là à croire qu'on va assister à des changements de régime en profondeur, cela paraît particulièrement contestable. Ainsi en Algérie, l'existence de certains contre-pouvoirs dans la presse ou dans la vie syndicale, les 150 000 morts des années noires qui restent dans toutes les mémoires et la manne pétrolière qui permet de panser certaines plaies rendent un changement radical peu probable. En revanche, le Maroc me paraît le pays le plus exposé à un changement radical «M6, dégage», «M6, rends l'argent» : voici les graffitis qu'on peut lire aujourd'hui à Marrakech dont les hôtels n'ont été remplis, cet hiver, qu'à 20%. A quand des frappes contre les ryadhs de BHL et Dominique Strauss-Kahn dans cette ville abandonnée au tourisme sexuel ? Une fois de plus, les élites françaises sont étrangement silencieuses face à la misère grandissante des Marocains et face aux excès vertigineux de la corruption du palais. Seuls, à Paris, les services de renseignement soulignent depuis plusieurs années que le Maroc est le maillon faible de la lutte antiterroriste. Mais qui les écoute ?


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