Pour calmer une jeunesse décidée à ne laisser à personne la possibilité de lui confisquer sa « révolution du jasmin », le gouvernement de Mohamed Ghannouchi multiplie les gestes de rupture avec le passé. Projet de loi d'amnistie générale, y compris pour les islamistes, suppression de la police politique des universités, « en application du principe de l'inviolabilité des campus», mise en marche dès aujourd'hui des trois commissions, la première, pour préparer «d'ici six mois» les élections, la seconde pour enquêter sur la répression policière et la troisième sur la corruption, autorisation d'une manifestation devant le siège du RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique), dont les « biens mobiliers et immobiliers» ont été confisqués et la proclamation d'un deuil national de trois jours « en mémoire des victimes » de la « révolution du jasmin », traque policière de la famille de Zine El Abidine Ben Ali et de son épouse Leïla Trabelsi, interpellation de 33 membres du clan Ben Ali, ouverture d'une enquête pour «acquisition illégale de biens», «placements financiers illicites à l'étranger » et «exportation illégale de devises», mise sur le marché de «La régente de Carthage » d'un brûlot sur la façon dont Leïla Trabelsi a fait main basse sur des pans entiers de l'économie du pays, réunion du Conseil des ministres dans le palais de l'ancien Bey et non à Carthage, sont autant de gestes allant dans le sens d'une démocratisation de la Tunisie. En vain. Sept jours après la fuite Ben Ali, avec au moins ses 400 de proches en Arabie Saoudite qui a offert 10.000 euros pour l'étal de fruits et légumes de feu Mohamed Bouazizi, l'hostilité de la rue contre le RCD et ses symboles ne faiblit pas. Aux cris de « RCD out ! », des milliers de jeunes ont défilé hier le long de l'avenue Habib Bourguiba. Ils jurent de poursuivre leur mouvement « jusqu'à la dissolution du gouvernement » et du RCD. Déterminisme qui fait dire à certains qu'une vacance du pouvoir plane sur le pays. D'autant que l'opposition n'inspire pas confiance et que les islamistes qui ont besoin de reconstituer leurs réseaux, ont opté pour un profil bas. Du moins jusqu'au retour de Rached Ghannouchi, leur guide de Londres.