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La Tunisie attrayante et touristique en danger de désintégration
Le parti Ennahda opte pour l'islamisation à petites touches de la société
Publié dans El Watan le 18 - 04 - 2012

Le parti de Rached Ghannouchi a décidé, le 25 mars dernier, de renoncer à la charia comme source de législation. L'Assemblée constituante franchit ainsi un obstacle majeur dans la rédaction du nouveau texte fondateur de l'Etat.
Yassine ne porte aucun signe ostensible de religiosité, et pourtant, ce sexagénaire retraité, rencontré dans un café maure à Lafayette, quartier du centre-ville de Tunis, a voté pour Ennahda et s'obstine à défendre le parti islamiste contre le vent de critiques. «J'ai voté Ennahda pour essayer autre chose. Ce que le parti subit actuellement, c'est du sabotage, on ne veut pas le laisser travailler. Aucun gouvernement ne peut faire des miracles en une année, Ben Ali a brisé le pays et personne ne peut le redresser tout de suite.» Abdeslem Bounour, chauffeur de taxi dans la capitale, a, lui aussi, donné sa voix à Ennahda, mais contrairement à Yassine, Abdeslem regrette amèrement son choix : «Ils ne font que travailler pour les prochaines élections. Ils sont venus seulement pour le ‘‘koursi'' (symbole du pouvoir, ndlr).
Un Algérien est mort en défendant le drapeau tunisien profané par des hooligans lors d'un match en France, alors que chez nous, un voyou salafiste a descendu le drapeau (lors des évènements de l'université de Manouba) pour le remplacer par la bannière salafiste, et le gouvernement n'a pas réagi, c'est inacceptable et c'est l'image qui résume la situation de notre pays.» A l'image de ces deux personnages, la rue tunisienne est partagée, un an après la chute de Ben Ali. Pour ou contre Ennahda ? Pour ou contre les islamistes ? Tout le débat s'est cristallisé autour de ces questions, qui, par extension, touchent à l'enjeu explosif, celui de la nature de l'Etat. Absente hier lors de la révolution qui a poussé la dictature Ben Ali à la porte, l'irruption de la religion dans la sphère publique et la tentative, parfois violente, d'islamiser le politique, attisent les haines et occupent constamment le quotidien au pays du Jasmin.
Fitna dans la famille islamiste
Cinq mois après sa victoire remportée haut la main aux élections législatives et la prise du pouvoir, le parti de Rached Ghannouchi a décidé, le 25 mars dernier, de renoncer à la charia comme source de législation. L'Assemblée constituante, où siègent aussi le CPR du président Moncef Marzouki et Attakatol de Mostefa Benjaâfar, président de l'Assemblée constituante, franchit ainsi un obstacle majeur dans la rédaction du nouveau texte fondateur de l'Etat. Les Tunisiens respirent aussi, et des capitales occidentales n'ont pas hésité à exprimer leur soulagement (1).
A quoi obéit cette décision pour le moins surprenante et qui paraît révolutionnaire ? S'agit-il d'une évolution idéologique au sein du parti, ou bien cela découle-t-il d'un pragmatisme tactique dicté par la conjoncture ? Selon Zied Krichène, rédacteur en chef du quotidien Le Maghreb et intellectuel spécialiste de l'islamisme tunisien, la décision d'Ennahda est purement tactique. «Ils n'ont pas réuni leurs idéologues et cadres pour discuter et changer de référents théoriques, ils ont juste évalué la nature des rapports de force pour comprendre que la Tunisie d'aujourd'hui ne permet pas d'appliquer la charia. Ce n'est pas un reniement de soi ou un renoncement au projet de dawla islamiya, c'est du calcul.» Mais qu'importe pour les islamistes purs et durs.
Chez une partie de la direction et de la base de Ennahda, certains ont fait entendre leur désapprobation. Et comme prévu, au sein de la nébuleuse salafiste, les plus radicaux sont allés jusqu'à déclarer «impie» la direction du parti. Le divorce est consommé, est-on amené à constater, entre Ennahda et l'aile radicale de l'islamisme tunisien. Cheikh Abou Mondher Chenguiti, membre de la commission légale du forum des partisans de la charia (moultaka ansarach' charia), regroupant les salafistes djihadistes tunisiens, a, le premier, ouvert les hostilités contre Ghannouchi et son parti. «C'est devenu un parti laïc qui arbore des habits islamiques», a-t-il déclaré au lendemain de l'annonce faite le 25 mars. Avant lui, Seif Allah Benhassine, alias Abou Iyadh, s'en est pris violemment à Ali Laârayedh suite à l'interview accordée par ce dernier au journal français Le Monde.
Le ministre de l'Intérieur, issu de Ennahda, avait soutenu dans ces colonnes que «le modèle de société qu'ils (les salafistes, ndlr) prônent, constitue un danger. Cette approche, cette vue très étroite a un problème avec le passé, un problème avec la modernité, et risque toujours de déboucher sur des guerres. […]C'est aujourd'hui le plus grand danger pour la Tunisie et je sais que je vais devoir mener une grande bataille», a-t-il souligné. Abou Iyadh, cofondateur du Groupe combattant tunisien (GCT), classé en 2002 sur la liste des groupes liés à Al Qaïda, ne s'est pas fait prier pour réagir. «Vos déclarations relatives aux salafistes constituent la fin de votre carrière politique. Vous assumez la responsabilité d'une fitna qui pourrait éclater prochainement. […] Je dis que le peuple est musulman malgré vous et malgré les ennemis de l'Islam», a-t-il crié devant la foule venue prendre part à la manifestation pro-charia organisée le 25 mars dernier par les salafistes.
La daâwa n'est pas la politique
Cette guerre s'est propagée sur la Toile où les salafistes ont déversé leur fiel contre Ennahda et ses dirigeants. Par sa décision, le parti islamiste au pouvoir a-t-il réussi à isoler les irréductibles ? Une stratégie, en tout cas, qui vise à atteindre cet objectif. Ennahda veille, en effet, à distinguer les salafistes djihadistes des salafistes quiétistes, courant jugé modéré et désintéressé de la politique. Ghannouchi a même avoué avoir rencontré des membres de ce courant pour les encourager à faire preuve de patience et d'œuvrer pour la prédication dans des organisations légales. Mieux, Laârayedh a révélé aussi avoir proposé au salafistes la création d'un parti sur le modèle d'En Nour égyptien.
Les progressistes qui ont applaudi la décision d'Ennahdha ne font pas confiance cependant à cette démarche de récupération. Dans une tribune publiée sur les colonnes du quotidien Le Maghreb, le politologue Hamadi Redissi avance que «la distinction entre salafisme quiétiste et salafisme djihadiste est inutile. [...]. Et qui peut distinguer entre les deux dans le tumulte des manifestations contre l'Etat civil
moderne ? Le projet démocratique est menacé à cause du retard de Ennahdha pour trancher la question».Ainsi, le parti Ennahda semble pris entre le marteau et l'enclume de sa propre famille idéologique, qui le pousse aux extrêmes religieux, et d'une société qui s'impatiente en restant attachée à son mode de vie moderne et aux valeurs défendues par la révolution. Pourra-t-il satisfaire les uns et les autres tout en réalisant sa stratégie d'islamisation à petites touches de la société ?
L'expérience du pouvoir semble, en tout cas, à mille lieues des plans tirés sur la comète du temps de l'opposition. En choisissant de gouverner, Ennahda a-t-il commis une erreur
stratégique ? Le premier bilan est en tout cas laborieux. Aucune vision économique, aucun plan social, laxisme face aux dégâts des salafistes et des erreurs en politique étrangère, notamment la position vis-à-vis de la Syrie qui fait jaser la rue. Chaque jour, le parti de Ghannouchi y laisse des plumes, et le pire est à venir peut-être. D'ailleurs, à la veille de l'ouverture de la saison estivale, le gouvernement Ennahda est devant un test sérieux. Les Tunisiens qui vivent de cette ressource vitale appréhendent des actes de violences qui gâcheraient la saison. Ennahda est-il prêt à faire barrage aux troubles-fêtes et défendre le gagne-pain de la population ?

(1)Le Washington Post a rapporté, dans l'une de ses éditions, parue début avril, que la visite à Washington d'une délégation tunisienne a tenu à expliquer que Ennahda ne cherche pas à appliquer la charia même si la majorité de la population soutenait cette option.


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