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Eugène Ebodé. Ecrivain camerounais : «Aller du réel à l'imaginaire»
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Publié dans El Watan le 21 - 04 - 2012

Les préoccupations esthétiques du romancier et son amour pour l'Algérie.
-Vous venez de publier Métisse palissade, et quand on termine votre roman, l'on se dit que vous êtes un vrai conteur, est-ce que cette désignation vous convient ?
Parfaitement ! Mon ancrage est double : il est adossé à l'oralité africaine, qui requiert la mobilisation du cercle des approbateurs-auditeurs, et a recourt à la narration oniromancienne. Cette deuxième référence vient du fait que je ne peux penser l'écrit sans l'étape du songe. C'est entre lui et le moment où je me réveille que mes textes prennent complètement forme. C'est la première fois que je me risque à le dire. Tout l'équilibre que j'essaie de conserver dans mes textes est compris dans cette règle que je me suis donc imposé : aller du réel à l'imaginaire comme s'il s'agissait d'un continuum, d'une évidente traversée du même monde. Autrement dit, ce qui m'intéresse, c'est l'abolition des frontières entre le réel et l'invisible, le mystérieux. Je dois dire que cet héritage-là vient de la manière dont les contes africains étaient articulés. Du moins, ceux que j'écoutais quand j'étais petit.
-Dans ce nouveau roman, vous parlez beaucoup de métissage ; comment le définir dans un monde qui tend de plus en plus vers le repli sur soi ?
Contrairement aux idées reçues et aux éléments pris comme des évidences, mon itinéraire familial est métis. Mon père était Eton, ma mère Ewondo, deux Bantous qui cultivaient néanmoins des différences à travers leurs modes d'administration des biens du sacré ou des biens matériels. Mon père était iconoclaste et ma mère jalouse des traditions. Mais chacun parlait son dialecte. Les enfants, très logiquement, ont tous adopté la langue de la mère. Elle était le diffuseur de la norme langagière puisque femme au foyer. Mon père était infirmier et passait son temps dans l'officine pharmaceutique où il travaillait. Vu d'ici, on pense que c'est le mâle, machiste par excellence, qui l'emporte et impose sa loi. J'ai cependant grandi dans une mixité enrichissante entre un père salarié et une mère à la maison, puis commerçante et débrouillarde.
Le salaire de notre père ne suffisait plus pour nourrir les enfants. J'en ai rendu compte dans mon roman La Transmission en faisant sonner les joutes verbales anciennes entre père, utilisant la langue française dans une stratégie de domination, d'écrasement, et mère, lui apportant une vigoureuse contradiction en lui tenant tête, en répliquant dans sa langue éwondo. Ceci m'a permis de comprendre que le métissage est quelque chose d'impromptu, d'inattendu. Il chevauche les cadres restreints et communs, enjambe les figures imposées pour déboucher sur une addition et non une soustraction. On ne voit dans les mariages mixtes que la soustraction, la peur diffuse de la perte de quelque chose. Une perte confuse, biaisée, accouchant de regards obliques, niais ou glacés...
-Justement, on voit les limites de ce métissage dans votre roman, avec l'échec de la relation du couple mixte formé par Edouard et sa femme française...
Les limites ne sont pas dues au métissage en tant que tel, car tous les couples sont mixtes et nos généalogies complexes. C'est la proposition souterraine d'ouverture à l'autre, de brassage, d'écoute de l'autre qui se heurte à une impossibilité. Celle-ci est d'abord vague, passe par l'alimentation, transite par le refus de donner la parole à l'autre et explose dans l'altérité radicale qui est la mort sociale, l'exécution de l'autre. C'est la raison pour laquelle l'idée de la mort de toute expérience métisse véritable est symbolisée par la maison située entre Gardanne et Aix-en-Provence. C'est là, dans ce «caveau», que l'écrivain Edouard Ella, personnage principal du livre, va «constamment mourir» pendant des vacances familiales.
Cette maison-là représente le refus, l'élimination de celui qui est perçu comme un corps étranger sur lequel on a tenté une greffe, mais qui a échoué. Là, en effet, on voit à l'œuvre la mise à mort du métissage. D'ailleurs, l'écrivain présente «son assassin» et ne mâche pas ses mots pour nommer ce qui doit l'être. S'agissant du couple lui-même, l'écrivain noir et son épouse blanche et française n'ont pas surmonté la palissade invisible, cette fausse muraille que dressent les entourages et les sceptiques qui n'envisagent leur union que comme une impasse, une affreuse parenthèse. Ce faisant, les entourages renforcent les orgueils souterrains et les crispations identitaires. Ils embrument, opacifient l'avenir.
Tout ceci rend idiot, car ces crispations n'inspirent que des tremblotements stupides, des aigreurs masquées, des conversations hachées et sans intérêt dans le huis clos du «caveau». Au fond, j'ai écrit ce roman pour une «républicanisation» des esprits. J'ai trempé la plume dans la plaie, comme aurait dit Albert Londres, pour lutter contre la lepennisation des esprits et le goût des barricades.
-Les enfants qui suivent le délitement du couple découvrent «l'Africaine», la nouvelle compagne du père. Que représente ce personnage ?
Elle existe, l'Africaine. Je l'ai d'abord rencontrée dans l'entre-deux compris entre le songe et le réveil. Le songe d'une sortie du caveau, ce lieu d'abrutissement et de la mort sociale, et le réveil à la dure réalité qui nous rend complice de notre épuisement, de notre engourdissement si nous ne mouftons pas. Or, il faut moufter, c'est-à-dire protester et bouger. Métisse palissade est de ce point de vue une invitation à la «mouftance» ! L'Africaine a donc permis le redressement. Elle est dans le roman ce personnage à la fois blanc de peau mais noire culturellement. Elle est métisse. Elle est réellement Africaine dans la perception du monde et Européenne et blanche «d'apparence», comme dirait un président de la République en déconfiture et quasi-retraité de la vie politique. J'ai aussi un faible pour cette Africaine, car elle est une invite à «sortir du cercueil», comme le dit un autre personnage du roman...
-Justement, Edouard l'écrivain désigne Romuald Falton comme son futur meurtrier. C'est un personnage qui vous permet d'évoquer l'Algérie. Pourquoi ce référent à notre pays ?
J'ai d'abord découvert l'Algérie par les livres, par ses écrivains et aussi par l'histoire de la décolonisation. Quand j'ai mis les pieds en Algérie en 2009, à l'occasion du Panaf, le festival panafricain, j'ai été saisi. J'ai un immense amour pour ce pays et ceci n'est pas seulement géographique, mais a un rapport avec ses habitants. Jamais je n'ai été accueilli, même dans mon pays natal, comme je l'ai toujours été en Algérie. J'ai un rapport affectif, c'est vrai, mais j'ai voulu contribuer, de manière romanesque, au cinquantenaire de l'indépendance. Me trouvant à Alger à la Toussaint, j'ai vu arriver de nombreux Français à l'hôtel El Aurassi. Ils se ruaient au cimetière de Saint Eugène. Dans leurs yeux mouillés, il y avait toujours la fascination, l'éblouissement et une lueur pâle, inavouable, comme un tabou imprononçable. J'ai essayé de rendre compte dans mon roman de cet éblouissement et de cette pâleur que le philosophe Derrida a nommée la «nostalgérie». Je ne prétends pas avoir tout compris, mais j'ai approché cette fêlure française à travers le personnage de Romuald Falton.
-Enfin, vous parlez aussi de la littérature algérienne en citant des écrivains comme Kateb Yacine et Rachid Boudjedra. Vous ont-ils apporté quelque chose dans votre écriture ?
Principalement deux choses : la volonté boudjedrienne de lever les tabous et la capacité yacinienne à recomposer le romantisme sur une base extatique, fulgurancielle, magistrale... Dans Le Polygone étoilé, Kateb Yacine a cette phrase qui me semble renvoyer à un supplément à l'aventure romantique : «Pas-de-Chance est un ami des Lettres et des Arts. Je suis son secrétaire». J'ai aussi trouvé chez les auteurs algériens comme Yasmina Khadra, Assia Djebar, Mohammed Dib, Salim Bachi ou Kébir Mustapha Ammi, une prodigieuse aptitude à reconfigurer le roman à une époque où son horizon s'affaisse en Occident, ne résistant que par l'imposture et la posture. D'une manière générale. Mais il existe de grands écrivains et romanciers en France.
Prenez Rimbaud et vous serez emballés par la mutation de la chronique dans le roman, ainsi qu'il a entrepris de le faire avec ses Chroniques sur le règne de Nicolas Ier. Prenez le roman anti-nihiliste de François Meyronnis et vous aurez une cinglante réponse à la «macchabéïsation» du monde, décrite par Houellebecq, derrière laquelle se camoufle une pensée ringarde qui n'ose pas affirmer ses aigreurs et exhiber de vieilles, très vieilles pantoufles. Prenez Marie Ndiaye et vous aurez une écriture du renflouement et de la haute couleur jaune, comme le disait Van Gogh à propos de la puissance colorielle qu'il cherchait à exprimer dans son art pictural. Prenez Jean-Noël Pancrazi, un Algérien de Batna, et vous entendrez souffler le sirocco et vous verrez éclore, comme des nénuphars au milieu de phrases à la longueur majestueuse du Nil, les fleurs de l'âme...


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