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Abd Al Rahman Jabarti, le notable et l'expédition
Grandeur et descendance
Publié dans El Watan le 11 - 05 - 2006

Je n'y étais pas, mais lui, paraît-il, se trouvait ce jour-là dans sa bibliothèque. Celle qu'il a héritée de son père et où des livres de toutes sortes veillent debout, attentifs et curieux de savoirs et de culture accumulés pendant des années.
Ce jour-là, comme à son habitude, l'homme est en train de lire, attaché à l'étude. Un peu de mathématiques et un peu d'astronomie et de philosophie. L'esprit est encyclopédique, à l'aise sur des territoires que les spécialisations finiront par cloisonner. Dehors, il fait beau, puisque Bonaparte réussit son débarquement du premier coup. Le vent était favorable à l'expédition d'Egypte qui prend de court les Egyptiens. L'homme, qui lisait dans sa bibliothèque, dispose de peu de temps pour plier bagage et se réfugier à la campagne comme beaucoup de ses compatriotes. Peu après, il reviendra chez lui, rassuré par le discours du général français qui promet de bien traiter les notables du Caire. L'Egyptien se réinstalle chez lui, nullement dérangé par l'occupation étrangère. Au contraire. Il observe et prend des notes qui feront l'objet d'une publication : Journal d'un notable du Caire durant l'expédition d'Egypte - 1798- 1801. Abd Al Rahman Al Jabarti est donc l'un de ces notables du Caire qui seront bien traités par un conquérant fidèle à ses promesses. Les Egyptiens ? Quantité négligeable. L'envahisseur ne vient fouler la terre des Pharaons que pour damer le pion aux Anglais qui, semble-t-il, y auraient des intérêts. On ne sait pas trop lesquels. La perfide Albion saura par contre défendre les siens et ne pas faire mentir l'adage qui conseille d'attaquer. La flotte française est torpillée à Aboukir, la coupant de ses arrières, tandis que sur terre, la résistance acharnée de la citadelle de Saint-Jean- d'Acre interdit l'accès vers Constantinople. L'expédition d'Egypte tourne au désastre dont le bouillonnant général parviendra tout de même à tirer des bénéfices impériaux, aidé par son charisme personnel et l'imagerie populaire. Les Egyptiens ? Ils ne devaient compter pour rien dans un événement qui pourrait bien n'être au final qu'une affaire franco-française. Le jeune pouvoir révolutionnaire avait bien tenté de donner un os à ronger à un roquet ambitieux et dangereux. C'était compter sans les dents longues du lion, général en chef des armées républicaines. Ciblant les Anglais, censée régler un problème de politique interne, l'étonnante expédition d'Egypte aurait bien pu continuer à se passer des Egyptiens, si les éditions Albin Michel n'avaient eu la bonne idée de mettre sur le marché, la traduction du livre de Abd Al Rahman Al Jabarti. Le point de vue d'un Egyptien, que personne n'avait demandé jusque-là - tant l'affaire semblait entendue du côté des historiens français -, vient à propos réaffirmer la nécessité de relativiser les points de vue en matière de vérités bonnes à dire ou à taire. Le témoignage de Jabarti est intéressant. C'est celui d'un notable qui condamne, aux côtés des ulémas, le « peuple », ces « voyous de la banlieue du Caire » qui se soulèvent contre les Français le 21 octobre 1798. Bonaparte réussit son coup en consacrant la fracture sociale entre les gens d'en bas et une élite que l'occupation militaire ne dérange pas. Le conquérant invoque le Coran, il fait creuser des canaux, il publie des journaux, il fonde un institut. Il donne l'impression de vouloir rester toute sa vie dans un pays auquel il ne veut que du bien. La baïonnette, oui ! mais aussi des géomètres, des minéralogistes, des archéologues, des dessinateurs, des mathématiciens, un poète, un seul mais bien réel. Il n'y a là que du positif. Preneur, Jabarti se fait admettre dans le cercle des envahisseurs. Il observe et prend des notes. Lorsque les Français occupent la place, l'Egyptien insiste sur leur sens de l'ordre et de l'organisation. Maître de l'espace, l'étranger en fait bon usage en lançant des chantiers, en fortifiant des murs, en laissant les musulmans pénétrer jusque dans les endroits les plus réservés d'une grande bibliothèque, la politesse et le sourire en prime. La compétence et l'efficacité font partout merveille. Dans le quartier des médecins et des physiciens, c'est encore plus merveilleux. Voilà que deux liquides bouillonnent dans un verre, et qu'après la dissipation d'une fumée de couleur, il ne reste qu'une pierre jaunâtre qui devient bleue ou rouge quand on refait l'expérience avec un autre liquide. C'est magique ! Au spectateur ébahi, le savant français propose un autre numéro ; il met sur une enclume une très petite quantité de poudre blanche et il frappe dessus d'un léger coup de marteau. C'est comme si on avait tiré un coup de carabine. Les Egyptiens sursautent. Les Français rigolent. L'élite locale ne comprend rien à ces tours de passe-passe, dignes des plus grands sorciers. C'est là qu'on peut sentir une blessure, parce qu'alors, dans son journal, le notable du Caire apparaît comme un enfant qui ne fait que prendre des notes sans chercher à comprendre. Ajâ'ib ! c'était le titre en arabe de l'ouvrage de Jabarti. C'était un bon titre. Traduit en français, Le journal d'un notable du Caire nous donne à lire une défaite. Celle-là même que Naguib Mahfûz, plus tard, mettra en ouverture de L'Impasse du mortier, devenant un Passage des miracles en langue française. Toujours se méfier des traductions et des intentions des traducteurs. Ni miracles ni passage. Dos au mur. L'Egypte millénaire est dans l'impasse. Celle où se trouvait déjà Abd Al Rahman Al Jabarti, gentiment moqué par des savants français. Le spectacle du monde change d'acteurs et d'organisateurs. Ne restent dans la salle que des spectateurs époustouflés par l'adresse des illusionnistes sur la scène du monde. Ne restent que des notes et des discours. Curieuse, j'aurais aimé savoir ce que Jabarti lisait au moment du débarquement français. L'esprit chagrin, j'aurais préféré ne pas savoir que l'Egyptien se trouvait à ce moment-là dans la bibliothèque de ses ancêtres.

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