C'est connu depuis bien longtemps, le groupe pétrolier français Total s'occupe de ses affaires et il a beaucoup à faire pour conserver son rang mondial ; il ne fait donc pas de politique. N'en fait-il pas réellement, même d'une manière que l'on qualifierait d'indirecte ? Ses relations d'affaires avec le Maroc n'auraient, sur ce plan-là, aucune incidence, si elles ne s'étendaient pas au territoire du Sahara occidental que tout le monde sait sous occupation marocaine. A tous ceux qui plaidaient l'ignorance ou, plus grave encore, inventaient de nouveaux concepts, comme celui qui consiste à dire que le Maroc est l'autorité de fait pour faire leurs affaires, l'ONU avait opposé un avis juridique, déclarant, avec suffisamment de clarté pour que cela soit bien compris, que le Maroc n'a jamais été une puissance administrante et qu'il est une force d'occupation. C'était en 2001, alors que le plan de paix de l'ONU était bloqué dans son application et que le Maroc tentait de lui substituer ce qu'il appelait alors une troisième voie, mais sans le moindre succès. De nombreux Etats, notamment en Europe, en ont pris acte pour retirer leurs compagnies de ce territoire, ne pas se faire les complices d'un pillage et, par extension, d'une injustice puisque la seule présence de ces intérêts constitue une reconnaissance directe du fait accompli colonial. C'est du moins ce qu'escomptent les autorités d'occupation. Le Parlement européen a bien fait campagne contre les différents accords de pêche liant l'UE et le Maroc, intégrant les eaux territoriales sahraouies, jusqu'à obtenir leur annulation. Pourtant, apprend-on depuis peu, le groupe pétrolier français revient au Sahara occidental, y détenant «le plus grand de l'ensemble des blocs des compagnies pétrolières impliquées au Sahara occidental occupé aujourd'hui» avec cette précision que «le bloc de Total est de la taille du Portugal» et que la compagnie «a réalisé de juillet 2012 à juillet 2013 les études sismiques les plus avancées et plus onéreuses que jamais». Sauf que tout cela se fait en violation du droit international, comme l'en accuse l'ONG Western Sahara Resource Watch, qui considère Total comme l'un des plus grands obstacles au règlement du conflit du Sahara occidental. Le propos ne semble nullement exagéré, car, au-delà de son caractère colonial, cette ONG y ajoute l'intransigeance dont le Maroc fera preuve désormais, ce qui est déjà un fait puisque le plan de paix qui n'a pu être adopté sans son accord est bloqué. «Quel intérêt aurait le Maroc à résoudre le conflit tant que son partenariat avec Total conduit vers des découvertes pétrolières au Sahara occidental», se demande-t-elle fort justement. Cela ferait de lui une puissance pétrolière, sauf qu'il n'y a aucun droit. C'est cela le pillage et c'est également cela l'injustice faite au peuple sahraoui. La réponse se trouve dans les moyens d'action de l'ONU. Elle en est tout simplement dépourvue, alors qu'il s'agit pour elle d'appliquer ses propres résolutions.