Un quart de siècle après Octobre 1988, la vie politique en Algérie n'a connu ni bouleversement ni évolution dans le sens de la démocratisation. Au sein du sérail, le bouillonnement est à son comble, mais rien n'indique que cela va menacer l'équilibre hégémonique du système qui régente la vie nationale. Il y a 25 ans, c'étaient les «gradés» qui prenaient au collet le Président. Aujourd'hui, les rôles semblent inversés. Les Algériens suivent avec détachement ces péripéties qui vont, encore une fois, dessiner l'avenir politique du pays sans consultation de la société civile, en ayant recours aux élections uniquement pour valider le résultat des courses – ou des luttes – au sommet de l'Etat. Tant d'années de luttes citoyennes, de sacrifices, d'efforts de guerre pendant la décennie rouge, puis noire, pour aboutir à un champ politique dévasté, une démocratie à terre, au mieux sur un fauteuil roulant. La classe politique la plus visible passe son temps à appeler à une reconduction ou à une prolongation d'un règne qui dure depuis près de quinze années. Au vu de la santé présidentielle, ce n'est plus du soutien, c'est de la lévitation. La compétence, la probité et le dévouement à l'intérêt général ont rarement constitué des conditions d'accès aux hautes fonctions de l'Etat. Aujourd'hui, même le dossier médical n'est plus pris en compte. Les projecteurs sont également et étrangement braqués sur des acteurs politiques éjectés du système, mais qui continuent d'espérer, en secret, un retour miraculeux aux affaires. Pour sonder leurs intentions, il faut les croiser dans les mariages ou les enterrements. Les formations politiques qui s'inscrivent dans l'opposition démocratique ont été passablement ravagées par des années d'adversité sournoise et implacable. A présent, elles consacrent leur énergie à restructurer leurs rangs et retrouver le souffle perdu des luttes politiques. Préparés à affronter les répressions les plus brutales, à ne pas céder devant le terrorisme islamiste, des pans entiers des forces politiques nées dans l'opposition se sont retrouvés désarmés devant l'appât de la rente. Rompu à l'art de la manipulation et de la récupération, le régime, dans ses rares moments de détresse, n'a pas manqué de sortir l'arme fatale : l'argent. Pays trop riche pour connaître la démocratie ? Le système semble en tout cas déterminé à ne rien céder de son pouvoir tant que les réserves financières du pays débordent. Alors que le feu de la révolte prenait dans tous les pays frontaliers, il y a deux ans, il a suffi au pouvoir en place d'engager une longue série d'augmentations salariales pour éloigner le spectre du soulèvement populaire. Ignorant les aspirations de son peuple ainsi que l'évolution du monde, le régime algérien veut désormais repousser ses propres limites physiologiques.