Cette antique et belle petite ville est en train de perdre son âme; esprit de Taghaste, es-tu là? Souk Ahras est une wilaya où l'on vit au rythme des conventions et des arrangements tacites conclus entre des lobbies magmatiques où s'enchevêtrent milieux financiers, affairistes et personnes influentes d'un côté, et une faible autorité de façade de l'autre. Dans des secteurs aussi importants que celui de l'habitat, les projets tardent à être concrétisés et les attributions ne reflètent guère la satisfecit affiché, chaque fois qu'il est possible, par les responsables. La toute dernière a dégénéré en émeutes à Sédrata. Au chef-lieu où la pression est plus forte, le pire peut arriver. Les créateurs des bidonvilles affichent haut leurs ambitions et narguent tout le monde, et les formules AADL et LPA, conçues comme voie de sortie pour des contingents de salariés moyens, n'ont pas encore produit les effets escomptés. «Rien que des promesses pour une attribution qui n'a fait que trop duré», estime Mohamed, un quinquagénaire qui passe,- depuis son expulsion de la pièce qu'il louait-, toutes ses nuits à l'hôtel. Les recycleurs de l'immobilier aiguisent encore leurs dents et préparent les listes pré-établies comme ce fut le cas en 2010. Dans le domaine de l'emploi, en l'absence de statistiques fiables et de communication, l'heure est plutôt aux supputations. «A chaque fois qu'on affiche une annonce pour le recrutement au niveau d'une quelconque institution publique, nous misons au préalable sur quelques noms de candidats et c'est justement ces mêmes noms qui sont retenus, bizarre !» nous lance un jeune diplômé. Dans le secteur de la jeunesse et des sports, les deux équipes de football, en l'occurrence celle d'Ahmed Loulou et l'ESSA doivent effectuer des déplacements vers Bouchegouf, dans la wilaya de Guelma, pour jouer contre les équipes hôtes. «Nous demandons l'ouverture immédiate d'une enquête judiciaire sur les 70 millions de dinars alloués au stade Ahmed Loulou», tonne un supporter local. Les routes de Souk Ahras, toutes redevables au suivi de feu Mouloud Tahri, sont partiellement affectées par les éboulements, le passage des poids lourds et surtout le manque d'entretien de la part des instances concernées. C'est surtout le cas pour les communes de Ouled Driss, Aïn Zana et les périmètres urbains de Sédrata et H'nencha. L'exploitation des enfants à des fins lucratives dans divers secteurs, les accidents mortels de travail, et le non-respect de la législation du travail de la part des employeurs sont les résultats d'une hibernation sans précédent du côté des instances de contrôle. «Elles font le bonheur d'une nouvelle caste d'employeurs capables de tout récupérer avec l'argent», a remarqué un syndicaliste du secteur du textile qui a dévoilé des procédés préjudiciables chez les représentants des instances de contrôle locales. Le projet d'une cour de justice réclamée à cor et à cri depuis plus de vingt ans par la population, approuvé depuis des lustres par les hautes instances, est inlassablement renvoyé aux calendes grecques par les hommes de l'ombre. «Vous trouverez la réponse à ce déni de droit dans les archives des déclarations du président de la République relatives au fléau de la corruption qui gangrène le secteur de la justice ainsi que celles de l'ex-ministre et garde des sceaux» , a déclaré un justiciable de la commune de Heddada. Une année après leur investiture, les élus communaux présentent un bilan svelte et traînent, selon une source digne de foi, des dizaines d'affaires de dilapidation de deniers publics dont les détournements du foncier dans le cadre de la loi 15/08, relative à la régularisation de l'habitat illicite. Ni l'administration ni la justice n'en font cas. Contrairement aux autres wilayas, aucune affaire n'a été répertoriée et aucun édile n'y a été impliqué. Là, le blocage est complet.
