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«Pas un seul Arabe !»
La chronique de Maurice Tarik Maschino
Publié dans El Watan le 27 - 03 - 2014

Créé en 1953 pour perpétuer la mémoire de la Shoah, l'organisme israélien Yad Vashem a publié une liste de 23 000 personnes — «les Justes parmi les nations» — qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, ont sauvé des juifs de la déportation. Parmi ces
23 000 Justes, «il n'y a pas un seul Arabe. Pas un seul. Pas un musulman de France, du Maghreb ou du Moyen-Orient». Stupéfait par cette absence, et découvrant, lors d'un documentaire diffusé par France 3, que des juifs doivent leur salut à des musulmans, un jeune journaliste et écrivain, Mohamed Aïssaoui, est parti à la recherche de ces Justes et vient de publier le résultat de son enquête : L'étoile jaune et le croissant.
Résultat des recherches qui ont duré près de 3 ans et ont amené l'auteur à consulter les archives les plus diverses dans les lieux les plus variés — commissariats, bibliothèques, Musée des égouts de Paris… — comme à rencontrer de nombreuses personnes susceptibles de l'éclairer, le livre de M. Aïssaoui est absolument passionnant. Loin de se présenter comme un rapport administratif, il prend la forme d'une enquête à laquelle le lecteur s'associe, qu'il s'agisse d'assister à un entretien avec le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, l'humoriste Philippe Bouvard, dont la mère, juive, fut proche du premier recteur, Kaddour Benghabrit, ou encore de découvrir Salim (Simon Chemoune) Halali, l'un des plus célèbres chanteurs des années cinquante, qui vécut pendant l'Occupation dans la Grande Mosquée de Paris.
Au total, comme le précise Derri Berkani dans un reportage sur La Mosquée de Paris : une résistance oubliée, diffusé en 1991 par France 3, «1732 personnes sont passées par la Mosquée entre 1940 et 1944, où les conduisaient des ouvriers algériens, membres clandestins des FTP — Francs-tireurs et partisans. La plupart de ces juifs étaient des enfants, qui s'abritaient pour une ou deux journées dans les sous-sols et les combles. Leur nombre correspondrait à celui des tickets de rationnement distribués». Chiffre incomplet, car beaucoup d'autres ont été sauvés : la Mosquée délivrait de faux certificats d'identité, qui mentionnaient la confession musulmane de l'intéressé, de faux certificats de conversion à l'islam, comme elle adressait à des catholiques des juifs qu'ils faisaient passer à l'étranger.
Construite comme l'hôpital franco-musulman de Bobigny par un architecte juif, la Grande Mosquée fut un centre de résistance. Les Allemands le soupçonnaient, mais ils ne purent jamais le prouver. Grâce à l'habileté du premier recteur, Kaddour Benghabrit, un personnage hors normes, né à Sidi Bel Abbès en 1868, parfait bilingue et d'une vaste culture.
D'abord magistrat, puis conseiller du gouvernement marocain, chef du service de l'interprétariat, plus tard ministre plénipotentiaire du roi du Maroc, il crée en 1922 la Grande Mosquée de Paris, en devient à 58 ans le premier recteur et reçoit, dans ses jardins, son restaurant, son centre culturel, de très nombreuses personnalités. Poète, romancier, musicien et très mondain, il organise de nombreuses soirées dans la Mosquée, qui devient, dit l'actuel recteur Dalil Boubakeur, «un Palais des Mille et Une Nuits… Si Kaddour jouait au grand seigneur… C'était assez éloigné de la rigueur religieuse». Les Allemands furent-ils dupes, impressionnés ? Ils ne trouvèrent rien à reprocher à ce recteur mélomane — qui sauva de nombreux juifs, entre autres une musicienne, Georgette Zerbib, qui vécut quelques jours à la Mosquée, puis fut transférée clandestinement à Toulouse.
Ses recherches conduisirent Mohamed Aïssaoui au Maghreb et, tout d'abord, au Maroc, dont le roi, Mohammed V, eut une conduite exemplaire : il refusa que les juifs marocains portent l'étoile jaune et, au représentant du gouvernement de Vichy, qui en avait fait préparer 200 000, il demanda d'en ajouter une cinquantaine : pour lui et les membres de sa famille. «Les juifs marocains sont mes sujets, rappelait-il souvent, et comme tous les autres sujets, il est de mon devoir de les protéger.» Un Musée du judaïsme existe à Casablanca, et l'actuel roi du Maroc, Mohammed VI, manifeste la même ouverture d'esprit que son grand-père : «Dans quel pays arabe ou du Moyen-Orient, demande Mohamed Aïssaoui, peut-on voir que le conseiller du roi est un juif, tel André Azoulay ?»
L'auteur de L'étoile jaune et le croissant espérait trouver des informations à Alger : il fut déçu. «Un si jeune pays amputé de sa si longue histoire ! Quel gâchis ! Rien ne semble être préservé ici. Ni le passé ni l'avenir… Il y a comme une volonté invisible et obsédante d'effacer les traces. ‘‘Vous savez, on se méfie toujours quand il y a une recherche sur les juifs. Souvent, on préfère ne pas donner suite''». Malgré tout, M. Aïssaoui apprit, en regardant un documentaire de Serge Lalou, que le grand-père de ce réalisateur avait été maire de Laghouat dans les années 1920 et que, dans sa famille, «deux livres sont transmis de génération en génération : une Thora en arabe et un Coran en hébreu». En terminant son enquête, M. Aïssaoui présente à Yad Vashem une dizaine de personnalités arabes dont tout prouve qu'elles méritent d'être déclarées «Justes devant la nation». C'est beaucoup demander à un Etat qui, chaque jour, massacre des Palestiniens.

1- Mohamed Aïssaoui, L'étoile jaune et le croissant, Folio/Gallimard, 2013.


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