Dans ses romans, Amin Zaoui tire parti de plusieurs langues, notamment des divers «dialectes» auxquels a été frotté un écrivain comme lui : oranais, d'une certaine époque, non sans culture, mais surtout ayant vécu dans beaucoup de milieux, avec toujours la même passion pour le langage de chacun : «bédoui» mixé à l'algérois, au «citadin», à l'argot «algéro-français», par exemple. De ces paroles, des dissonances qu'ils permettent, du discours prétendument oral dans lequel il les prend, il crée cette parole qui, s'écartant des règles et défiant toute anticipation, est à tout moment inséparable de celui qui la parle. Ce langage, choisi par Amin Zaoui, est un moyen de régler, d'ordonner, de donner forme et signification à l'immense patrimoine que constitue l'histoire «linguistique/millénaire» de l'Algérie. Nous constatons que ce langage lui fait manipuler, d'une même pratique, tradition et innovation. Cela aboutit à faire saisir au lecteur la culture comme un tout non seulement passé, mais présent : une totalité à la fois ordonnée et simultanée qui englobe une littérature bien à nous sur les plans linguistique et identitaire : par exemple, Amin Zaoui donne au mot français «viril» plusieurs sens : «ettérrès» (bédoui oranais), «ef'hal» (arabe dialectal), «argaz» (berbère). Même dans ses romans écrits directement en langue française, on observe cet effort créatif continu qui tend à rapprocher les différents langages algériens. Dans des contextes bien précis, le langage d'Amin Zaoui est parfois celui d'un lieu identifiable au roman lui-même : Festin de mensonges (en français) ou Le huitième ciel (en arabe) par exemple. En outre, Zaoui met beaucoup de soin à donner au lecteur l'impression d'une communication orale. Chaque lecture nouvelle qui entre dans le jeu de l'écriture de Zaoui reconstitue dans l'instant plus proche et plus immédiate qu'aucune autre la présence d'un parler écrit qui de moment en moment se perpétue. Chez notre écrivain, le passage d'un mot à un autre, d'un groupe au suivant a toujours quelque chose de l'oscillation d'une aiguille marquant par son mouvement l'incessante réaction qui témoigne d'une vie.