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«L'Etat, la famille et l'école sont en perte de vitesse»
Ahmed Rouadjia. Sociologue et enseignant à l'université de M'sila à propos de la violence urbaine :
Publié dans El Watan le 05 - 03 - 2015

Sociologue de formation et enseignant à l'université de M'sila, Ahmed Roudjadia s'est très tôt intéressé aux problèmes d'adaptation de la population logée dans les grands ensembles de la périphérie des villes.
-Le trafic de drogue s'est installé dans les nouvelles cités d'habitation. Les jeunes profitent de l'absence des services de police ou provoquent carrément des tensions (émeutes, bagarres, vols, etc.) pour écouler leur «marchandise». De simples dealers ou consommateurs, les jeunes se structurent et pourraient à terme s'organiser dans des gangs. On évoque même l'émergence d'un embryon d'une «mafia» locale. A quoi est due la situation actuelle ? A l'absence de l'Etat? A la déstructuration de la société ?
Votre question en comporte plusieurs et en appelle de ce fait plusieurs réponses. La première est que le trafic de drogue, petit et grand, n'est pas chose nouvelle en Algérie. Déjà, avant les années quatre-vingt-dix, la consommation des drogues aussi bien «douces» que «dures», était courante parmi les jeunes exclus du système scolaire et affectait aussi une bonne frange des jeunes issus de la nomenklatura.
La seconde réponse est que «les bandes organisées» de jeunes dealers existaient aussi, quoique de manière discrète, dans les divers quartiers populeux des grandes villes du littoral ( Alger, Oran, Annaba…) et dans celles de l'intérieur ( Constantine…). La troisième réponse est que la drogue, sa consommation comme sa revente, va de pair avec la délinquance juvénile, elle-même générée par la pauvreté, la fragilité matérielle des familles et par l'affaissement de l'autorité parentale et de l'Etat, toutes choses qui ouvrent par ailleurs la voie aux formes «déviantes» ou à la «déviation» par rapport à «la voie droite».
Les jeunes avaient d'abord débuté leur consommation par le «zambreto» (un mélange de parfum, d'alcool à brûler et d'autres substances nocives…), le vin et la bière, en passant par le haschich et les psychotropes, avant de découvrir des drogues plus «dures», comme les injections et les comprimés dits «bleus», etc.
Aujourd'hui, la consommation et le trafic des stupéfiants prend une nouvelle forme : celle de leur commercialisation fondée sur la quête du «profit», qui suppose l'existence d'un marché et d'une clientèle sûre et fidèle…Or ce marché et cette clientèle existent justement dans les quartiers «lépreux» des grandes villes où se concentrent des populations misérables, confinées aux marges des centres urbains, comme la cité Ali Mendjeli de Constantine.
La nouveauté par rapport à la fin des années quatre-vingt, et malgré la fermeture des frontières terrestres algéro-marocaines, réside dans l'émergence d'une nouvelle «race» de passeurs constituée de gros barons de la drogue, hommes puissants et expérimentés, qui inondent certains quartiers de nos villes de ces produits nocifs pour la santé des populations ciblées par ces trafiquants. Ce sont ces mêmes personnes qui, depuis le Maroc, en passant par l'Algérie, pourvoient une partie de l'Europe du Sud de ces produits toxiques dont la demande s'accroît aussi parmi les jeunes de ce continent. Enfin, les drogues et leur consommation ne sont pas l'apanage de la société algérienne.
Elles relèvent d'un phénomène mondial qui n'épargne quasiment aucun pays de la planète. Dire que la présence en masse de policiers et de gendarmes dans les quartiers périphériques touchés par ce trafic de drogue pourrait mettre fin à ce type de «négoce» relève à coup sûr d'une démarche à la fois naïve et «sécuritaire»… Car le traitement de ces fléaux, leur vraie antidote, ne réside pas dans le recours à la force, qui ne peut être sollicitée qu'en cas de troubles à l'ordre public, mais dans une politique fondée sur la création de l'emploi, générateur de richesses et dans la lutte contre les inégalités sociales, la corruption tentaculaire, et dans l'usage rationnel du capital humain qui, en Algérie, se trouve plus qu'ailleurs dilapidé par une gestion imbécile des ressources du pays.
-La politique urbaine telle qu'elle est adoptée ne favorise-t-elle pas les différentes formes de déviances ?
En effet, les propriétés géométriques de l'espace urbain algérien post-indépendance favorisent certaines formes de «déviance» mais n'expliquent pas tout. La surcharge des villes, consécutive à l'exode rural, à la démographie galopante, à la centralisation administrative des grandes villes, comme les chefs-lieux de wilaya et à l'émergence d'ensembles d'immeubles préfabriqués selon la politique de «l'urgence» qui fait fi de l'art urbain, de l'agencement harmonieux des ensembles et des parties, qui ignore les espaces verts et les lieux de rencontre et de convivialité, ne saurait générer autre chose que tristesse, déprime et tentation pour la violence…
Le souci de la politique de l'aménagement du territoire n'a pas été le confort ou l'épanouissement de l'individu «citoyen», mais l'urgence à lui offrir «un logis», lui permettant de s'abriter du chaud et du froid, et c'est déjà un acte louable de la part d'un Etat dont on a toujours reproché, parfois à tort, à ses gouvernements successifs de n'avoir pas fait l'effort requis pour loger «gratuitement» tout le monde. Malgré ce «gratuit», les «déviances» comme les violences urbaines n'ont fait qu'augmenter d'année en année et les raisons, comme je l'ai dit, sont diverses et ne sauraient être imputées à une seule cause…
-Ne risque-t-on pas d'assister à plus ou moins long terme à une ghettoïsation des nouvelles cités, dont les populations sont un mélange de résidants venus des quartiers populaires du centre. Les autorités, qui vident l'hypercentre urbain, ne visent-elles pas à créer des zones pour riches et d'autres, à la périphérie, pour les pauvres ?
On «ne risque pas d'assister», mais on assiste déjà à la ghettoïsation sous formes d'ilots, de cités dites «dangereuses» dans le centre de toutes les grandes villes du pays. La cité Diar Echems, à El Madania, en plein cœur d'Alger, et qui a été à maintes reprises ces dernières années le théâtre d'émeutes violentes, illustre bien la «faim» d'être logé mais aussi la présence d'un ghetto non pas à la périphérie de la ville, mais en son centre.
Le quartier des Eucalyptus à Alger comprend aussi une multitude d'îlots misérables, et ceux de Climat de France, situés en amont de Bab el Oued, en sont un autre exemple qui démontre la persistance des ghettos dans les grandes villes. Le même phénomène s'observe à Constantine ( cité Daksi, cité Ali Mendjeli…).
A Msila, la cité dite des «500 logements» se trouve juste en face de l'une des entrées principales de l'université. C'est une cité relativement pauvre, habitée par des familles respectables et honnêtes, mais qui attire néanmoins des petites bandes de jeunes désœuvrés, lesquels recourent au chapardage, au vol et aux agressions physiques contre les biens et les personnes. Ici, le suicide et les tentatives de suicide des jeunes désespérés, sans perspectives, ne sont pas rares.
-Les jeunes des quartiers, âgés d'une vingtaine d'années tout au plus, et souvent en déperdition scolaire, n'ont pas d'alternative que de fricoter avec les dealers ou des trafiquants au long bras. Quel rôle doivent jouer l'Etat, la famille ou l'école pour «récupérer» les délinquants?
Ce n'est pas forcément l'échec scolaire qui incite les jeunes à la drogue. Car il y a des jeunes-beaucoup de jeunes-, qui échouent dans leur scolarité, sans qu'ils soient nullement tentés par la consommation ou la revente de la drogue.
Et que dire de ceux qui réussissent merveilleusement dans leur scolarité, qui sont même surdoués, mais qui versent cependant dans la délinquance et dans la drogue non pas dans la drogue «douce» mais dans drogue «dure» ? Les enfants des riches ou plutôt des nouveaux riches qui se droguent ne souffrent pas d'échec scolaire, mais d'un déficit psychologique lié essentiellement à l'excès des richesses mal acquises, à l'absence fréquente du père, ou à son laxisme, alors que les enfants des couches défavorisées qui se droguent, eux, souffrent, d'un déficit de richesse et d'encadrement éducatif de la part de la famille, elle-même en situation de précarité et de perte d'autorité.
Parfois enfants favorisés et défavorisés vivent à la même enseigne.
Car les enfants de riches s'en sortent mieux que les enfants pauvres, grâce aux moyens matériels dont ils disposent. L'Etat, la famille et l'école, dans notre pays, sont en perte de vitesse, et apparaissent à l'observation comme agissant en ordre dispersé. Aucune cohérence stratégique, ni aucune concertation ne semble se faire entre les trois instances en question pour trouver une parade adéquate à cette montée de la délinquance polymorphe qui gagne de plus en plus des pans entiers de la jeunesse du pays.
La meilleure réponse à cette situation alarmante serait une réforme drastique du système éducatif national, qui demeure prisonnier du rafistolage idéologique, et surtout d'un contenu où l'élément religieux et patriotique au sens le plus étriqué s'impose au détriment de la rationalité et de l'esprit critique qui sont au fondement des civilisations qui ont réussi leur «décollage» économique et culturel.


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