Le faible taux d'étudiants handicapés dans l'Université algérienne est, selon les pédagogues, la conséquence d'une discrimination qui s'ébauche à un âge assez précoce. Cette flagrante et non moins scandaleuse ségrégation éducative a été à mainte fois établie par des experts, rapports à l'appui, dans l'objectif de sensibiliser les décideurs sur le sort de cette frange vulnérable de la société algérienne. Peine perdue, car il semble qu'il existe pire que des soupçons d'incompétence aux ministères de tutelle, une volonté malsaine de maintenir cette frange dans sa condition. La preuve, plusieurs cas avérés de mauvaise foi, si ce n'est de démissions tacites. Ainsi, les deux seules installations d'envergure aménagées pour les étudiants non-voyants dans l'enceinte même de l'université d'Alger 2, ainsi qu'au sein de la Bibliothèque nationale s'avèrent être de charitables dons d'associations affiliées aux sociétés de Rotary et d'autres multinationales d'hydrocarbures étrangères. Quant à l'effort supposé être consenti pour une meilleure intégration des handicapés dans l'enseignement supérieur, la démission semble être totale ; aucun appui d'ordre logistique ou budgétaire n'a été consenti par l'autorité algérienne pour conforter l'initiative des cellules CASAM, encore moins la peine de communiquer autour - tout comme la majorité de l'opinion publique, le plus grand nombre d'enseignants et de chefs d'établissement universitaires en ignorent même l'existence. Le travail des CASAM, cellules d'accompagnement, de sensibilisation, d'appui et de médiation aux étudiants handicapés dans l'université algérienne, a été intégralement financé par l'Union européenne. Depuis 2012, aucune relation formelle avec le ministère de l'Enseignement supérieur n'a pu être officialisée. Pour revenir aux constats du programme d'enseignement dit inclusif - par opposition au système sélectif qui sanctionne fatalement les plus vulnérables - élaboré par les cellules CASAM à titre expérimental dans seulement trois établissements universitaires sur la centaine que compte le pays, il en ressort que le déni de droit d'accès à un enseignement décent pour les enfants souffrant de handicaps fait que cette frange ne réussit quasiment pas, sinon péniblement, à franchir le seuil du baccalauréat ; pire, une fois à l'université, cette frange d'étudiants enregistre un taux important de décrochage avant l'aboutissement du cursus universitaire. Samedi dernier, 14 mars, des citoyens souffrant de handicaps, dont un groupe de non-voyants diplômés de l'enseignement supérieur, ont été violemment malmenés sur le parvis du ministère de la Solidarité, Journée nationale des personnes handicapées. Il ne faut pas aller chercher bien loin une quelconque symbolique. La date en question fut institutionnalisée par le président Bouteflika dès l'entame de son premier mandat (Loi n 02-09 du 8 mai 2002), du temps de son frénétique branle-bas médiatique et qui légiférait tantôt sur un coup de tête, tantôt par calcul politicien insidieux. Paradoxalement, cette nationalisation de la Journée des handicapés - tout comme d'autres nationalisations dont l'opportunité est sinon artificieuse, du moins très sournoise - fut notamment instituée dans l'intention d'échapper à l'exposition de la Journée internationale - 3 décembre - où l'Algérie fut «traditionnellement» épinglée pour son non-respect des droits de l'homme et particulièrement les privations et le mépris à la limite inhumain dont souffrent ces citoyens les plus vulnérables. Les handicapés revenus douze ans après réclamer les tristement fameux décrets d'application de la loi de 2002 relative à leur «protection» furent, en toute invraisemblance, ignominieusement brutalisés. Ainsi, au terme de son quatrième mandat au sommet de l'Etat, l'éventaire législatif du président Bouteflika, sauf bien évidemment celui relatif à sa reconduction, s'est avéré pour les larges franges qui y avaient cru pour un temps des lois attrape-nigaud, et au registre des désabusés des promesses électoralistes trompeuses, vient somme toute s'inscrire la grogne des handicapés - près de deux millions d'individus. «Les handicapé en ont assez de cette honteuse politique de maintien dans l'indigence, nous ne voulons plus être considérés comme un bassin électoral aisément manipulable, une conscience est en train de naître dans les rangs des plus instruits pour protéger nos semblables de cette vulnérabilité socioéconomique, mais aussi et plus encore notre droit à l'instruction», renchérit un sociologue non-voyant, diplômé en chômage de l'université d'Alger 2.