Un projet qui a fait objet d'une série de rencontres et de recommandations. Mais sans lendemain. C'est d'ailleurs la déception chez les experts qui s'interrogent sur les raisons du blocage. Certains expliquent ce décalage entre le terrain et la volonté affichée par les pouvoirs publics de réaliser ces villes nouvelles par les «incohérences structurelles et managériales». Des incohérences qui ont fait qu'au jour d'aujourd'hui les villes nouvelles n'arrivent pas encore à émerger. Sur les cinq projets en chantier, à savoir Sidi Abdallah, Bouinan (Blida), Boughezoul (Médéa), El Menéa (Ghardaïa) et Hassi Messaoud (Ouargla) seul ce dernier arrive à convaincre, nous dira un urbaniste. «A l'exception de la ville nouvelle de Hassi Messaoud qui est dotée d'une vision claire, tout le reste est à revoir», notera notre expert. Cela pour rappeler que les moyens de mise en œuvre des ce projets concentrés, faut-il le souligner, (en dehors de Hassi Messaoud) autour de l'Algérois tardent à être assurés. C'est le cas, à titre d'exemple, du technopôle de Sidi Abdallah, premier projet lancé par le gouvernement dans le but de désengorger l'aire métropolitaine algéroise. Mais où beaucoup reste à faire. Car, hormis le cyberparc implanté et qui abrite des start-up et les quelques chantiers de logements AADL, pas d'autres réalisations à signaler dans cette ville nouvelle à implanter sur 2000 hectares. Absence de cadre organisationnel Si, officiellement, ces villes ont été créées entre 2004 et 2008, les travaux de réalisation sont toujours à leurs débuts. La principale raison évoquée par les experts a trait à l'absence d'un cadre organisationnel, financier et managérial adapté, d'un côté, au contexte national, et, de l'autre, à l'exigence de la maîtrise de l'expansion urbaine. Un manquement soulevé en février 2014 à l'occasion de la rencontre nationale sur les villes nouvelles. Qu'a-t-on fait depuis ? Pour l'heure, rien n'a filtré autour de cette question. «On n'a pas communiqué sur ce dossier depuis une année», regrette notre urbaniste Qu'en est-il également de la mise en œuvre des propositions des experts ? Des propositions qui, pour rappel, se résument en plusieurs points. Il s'agit, entre autres, de la promotion d'un partenariat intersectoriel (ministères, collectivités locales, organismes financiers, d'études et de recherche…), de la mise en place d'un dispositif fiscal et parafiscal pour l'attractivité des territoires des villes nouvelles, de la révision du mode d'évaluation du foncier et son adaptation aux réalités socio-économiques. Alors que toutes ces questions ne sont pas réglées, le ministère de l'habitat, de l'urbanisme et de la ville est préoccupé beaucoup plus par les différentes formules de logements (AADL, LPP, LSP..). Il communique très peu sur ce dossier. Abdelmadjid Tebboune avait juste noté en 2014 la nécessité de créer d'autres nouvelles villes (en plus des cinq sus-citées) une fois le schéma national de l'aménagement du territoire (SNAT) révisé. Mais, là aussi, le retard est criant. Faisant déjà face à une série de contradictions alimentées selon le constat dressé par le Conseil national économique et social (CNES) par des «tensions sociales, sociétales, rurales et urbaines», le territoire national n'arrive toujours pas à connaître le rééquilibre prévu dans le cadre du SNAT dont la stratégie s'appuie à titre indicatif sur l'émergence de pôles d'activité, la création de zones intégrées de développement industriels (ZIDI), l'organisation des Espaces de programmation territoriales (EPT) et enfin les villes nouvelles. Le retard accusé sur ce dernier volet n'est pas sans effet sur le SNAT de manière globale. Boughezoul, des chantiers sans tissus social et économique L'Algérie est donc loin de ce qui se fait à l'échelle mondiale en matière de villes nouvelles. Alors que sous d'autres cieux l'on dispose de capitales culturelle, administrative et économique, chez nous la capitale et les grandes villes continuent à étouffer. Et pourtant, les expériences et les exemples d'aménagements menés à travers le monde (Brésil, Mexique, France, Pologne) ont prouvé leur efficacité. En Algérie, le plus vieux projet est toujours au stade embryonnaire. C'est l'image que donne Boughezoul. Hormis le grand panneau situé au grand rond-point de la ville annonçant la bienvenue, Boughezoul n'offre rien d'une ville. Les automobilistes empruntant régulièrement la route nationale numéro 1 reliant le nord au sud du pays n'ont vu aucun changement. Située à 170 km d'Alger et s'étendant sur une superficie de 6000 hectares, cette ville n'a pas encore vu ses chantiers totalement achevés (viabilisation, hydraulique, à l'exception de quelques projets d'habitations. Sinon, pour le reste, aucun service à assurer. Nous l'avons d'ailleurs constaté sur place. Le territoire est complètement désertique. A qui sont destinés alors ces logements en construction ? Car, pour attirer les gens vers cette ville, faudrait-il qu'il y ait un tissu économique et social. Lequel «permettrait, selon le sociologue Rachid Sidi Boumediène, consultant, de débattre directement des mesure nécessaires pour y implanter et réussir des pôles de compétitivité». Ce dernier relèvera dans une étude à ce sujet que Boughezoul continuera à offrir pendant encore quelques années seulement «des chantiers, mais pas de structures habitables». Cependant, son potentiel économique en tant qu'opération d'aménagement et de construction «sera éclatant». Et ce, à la lumière de toutes les réalisations en perspective, si bien sûr rien ne viendra encore chambouler le programme. Avec la crise pétrolière et la baisse des recettes d'hydrocarbures, il risque d'y avoir d'autres ajournements, même si les experts s'accordent à dire qu'il y a obligation d'aller vers les villes nouvelles à l'heure actuelle avec toute la complexité que présente ce dossier.