Une belle éclaircie dans la grisaille qui prédomine, souvent de façon sanglante, dans le monde arabe. L'Egypte vient d'inaugurer en grande pompe, et c'est hautement respectable, un second canal de Suez qui, outre qu'il désengorgera le fameux canal de Ferdinand de Lesseps, permettra au pays de se créer une sérieuse source de devises. Ce n'est pas tant l'aspect technique qui retient l'attention, mais la performance. Le maréchal Abdelfattah Al Sissi avait lancé le chantier il y a de cela une année, avec la promesse que la nouvelle voie d'eau serait inaugurée en août 2015. L'engagement avait été accueilli avec dédain par l'opinion, «une fanfaronnade arabe de plus», disait-on. Car le projet était réellement pharaonique. Qu'on en juge : 8 milliards de coût pour un pays qui souffre dramatiquement de la crise économique, 72 km à creuser, une technologie totalement égyptienne. Il y avait de quoi avoir des doutes vu l'état du monde arabo-musulman en déchéance, où même les mosquées sont construites par les chrétiens et l'Occident honnis. Contre toute attente, le pari a été tenu. Le nouveau raïs a fait braquer positivement les feux de l'actualité sur l'Egypte. Et les peuples arabes devraient en tirer quelque part une petite fierté. Oublié pour un temps l'injuste embastillement des démocrates égyptiens qui ont combattu l'hégémonisme des islamistes de Mohamed Morsi, qui ont voulu plonger le pays dans les ténèbres, grâce auquel le maréchal Al Sissi est devenu Président. Oubliées les violations systématiques des droits de l'homme, les grands procès, la répression tous azimuts. En ce XXIe siècle, les Egyptiens ont édifié leur quatrième pyramide. Ils ont rappelé au monde Gamel Abdel Nasser qui avait nationalisé le canal de Suez en 1956, un crime impardonnable à l'époque pour le colonialisme européen. Il a voulu le punir comme il l'a fait contre le Premier ministre iranien Mossadegh, qui avait osé nationaliser le pétrole en 1952. L'Egypte a été agressée par trois pays : la France, la Grande-Bretagne et Israël, mais Nasser était sorti politiquement vainqueur de la confrontation. Avec le déclenchement de la Révolution algérienne, le Tiers-Monde venait de s'imposer comme acteur majeur sur la scène internationale. Ce nouveau canal peut être considéré comme un hommage à Nasser et la continuité de son combat. Cette réalisation prouve que la léthargie de l'Arabe n'est pas une fatalité et qu'il est en mesure d'affronter, lui aussi, les défis technologiques.