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Sophonisbe dans tous ses états
Regard. Questions sur l'art et l'histoire
Publié dans El Watan le 03 - 10 - 2015

Pour ce qui est du théâtre, «Constantine, capitale de la culture arabe» a consacré une large place à la Numidie. En effet, près d'un dixième des spectacles sur la quarantaine au programme de la manifestation portent sur ce sujet. Le fait n'est pas anodin. Ce pan de notre histoire, contrairement à ce qu'il en est chez nous, a été et demeure en Europe l'objet des créations les plus diverses depuis le XVIIe siècle, que ce soit au théâtre, au cinéma, à l'opéra ou dans l'art pictural.
Sur les huit pièces retenues par le département théâtre de l'événement, deux évoquent Jugurtha, alors que six autres, dont une chorégraphie, portent sur le trio Sophonisbe-Syphax-Massinissa. S'il y a lieu de s'en réjouir, un bémol s'impose : l'histoire antique de notre pays est complexe. Elle a été accessoirement écrite, car c'est d'abord de l'histoire de Rome qu'il est question à travers les écrits antiques. Cette histoire de Rome en Numidie a été écrite non par des historiens au sens moderne du terme mais par des annalistes ou chroniqueurs soucieux de la gloire de Rome et gommant tout ce qui lui est défavorable dans une approche propagandiste. Ceci, tous les spécialistes en conviennent.
Et dans cette histoire orientée apparaît un personnage central, Sophonisbe, fille du roi de Carthage. Elle est donnée pour amoureuse de Massinissa mais épouse Syphax par devoir politique afin de servir les intérêts de sa patrie. Pis, Syphax est présenté comme un vieillard, alors qu'il est mort à l'âge de 48 ans. Sophonisbe l'aurait mis sous sa coupe au profit de Carthage grâce à sa beauté et aux… caresses qu'elle lui prodiguait. Rien, moins ! Le paradoxe dans cette assertion, c'est qu'elle correspond mal à la dimension d'un Syphax reconnu par ailleurs comme un puissant aguellid de son temps, ayant fédéré sous son règne une multitude de turbulentes tribus vivant sur un vaste territoire allant de la frontière marocaine à Cirta et qui, le premier en Numidie, a battu monnaie, ce qui est le signe d'un Etat fort, la Massaesylie.
En définitive, la deuxième guerre punique (-218/-201) s'est achevée au détriment de Carthage et de Syphax et à l'avantage de Rome et de Massinissa. Ce dernier prend sous sa protection Sophonisbe, mais les Romains la lui réclament parce qu'ils craignent qu'elle le retourne lui aussi contre eux ! Evidemment, aussi intrépide et stratège chef de guerre qu'il fut, Massinissa demeure pour eux un barbare. En outre, en lui imposant de leur remettre Sophonisbe, ils le traitent en supplétif et non pas en allié ayant droit à des égards. Pour échapper à l'ignominie romaine, Sophonisbe se donne la mort.
L'image que renvoie cette histoire n'est pas en cohérence avec la légende d'une Sophonisbe qui s'est soumise à son propre anéantissement plutôt que de subir l'outrage que les Romains se préparaient à lui faire subir. Sans son geste fatal, elle n'aurait pas autant marqué les esprits depuis des siècles. Il paraît donc peu vraisemblable qu'une reine d'une telle noblesse d'âme puisse être rangée au rang d'intrigante sans scrupule. De la sorte, dans cette histoire tronquée, marquée par la partialité et le romanesque, il est fait l'impasse sur les réels tenants et aboutissants du conflit, à savoir la volonté de leadership sur la Numidie opposant Syphax à Massinissa, puis Rome à Carthage sur la Méditerranée.
Ce qui gêne en fait, c'est cette histoire qui a servi de base à toutes les créations artistiques depuis le XVIIe siècle. Dans les pièces de théâtre, les traits sont encore plus forcés, les deux protagonistes numides y apparaissent plus comme les personnages d'un mélodrame que des hommes d'Etat aux prises avec les rets de l'histoire et de la destinée à l'instar, par exemple, de ceux des tragédies shakespeariennes. C'est dire sous quels auspices s'inscrivent les huit productions à l'affiche de «Constantine, capitale de la culture arabe», à un moment où en notre pays, une vision discutable concentre l'ancestralité en Numidie du côté de Massinissa.
Sid Ahmed Benaïssa, qui met en scène El hob el mafqoud (L'Amour perdu), très largement inspirée des tragédies de Mairet et de Corneille, précise n'être pas un historien et que ce qu'il l'a intéressé dans le texte de Abdelkrim Ghribi, c'est le personnage de Sophonisbe. Sollicité à son tour, l'auteur justifie son choix par le fait que l'amour serait le moteur de l'histoire, d'où d'ailleurs le titre de sa pièce. Lors de sa dernière répétition à Maghnia, le spectacle est apparu perfectible s'il se délestait d'un plein d'emphase.
Tout se passe entre des duos débitant des tirades qui virent au monologue, les comédiens sur-jouant plutôt qu'incarnant des personnages. Mais surtout L'Amour perdu est fâcheusement tiraillé entre théâtre documentaire et tragédie. Liqae fi Cirta (Rencontre à Cirta), un texte de Chahla Harkat mis en scène par Azzedine Abbar pour le compte du théâtre de Skikda, a lui aussi pour personnage central Sophonisbe apparaissant comme une infernale manipulatrice.
Qu'en sera-t-il avec Massinissa et Sophonisbe, une adaptation de la pièce de Mairet par Hassas Naïma, dont la mise en scène a été confiée à Hamida Aït El Hadj par le TR Tizi Ouzou ? Dans la pièce de Mairet, Sophonisbe est aussi pitoyable que Massinissa et Syphax qu'elle trahit au profit du premier sans même plus tenir compte des intérêts de Carthage, Massinissa se donnant la mort après le suicide de Sophonisbe ! Le projet de Slimane Habès (lire ci-contre) détone par rapport aux autres.
D'abord, il s'intitule Sophonisbe's, un curieux pluriel qui invite à la réflexion. Habès affirme ainsi : «Personnellement, je n'adhère pas à l'histoire telle que rapportée par les Romains autour d'une rivalité de Massinissa et de Syphax à propos de Sophonisbe. Cela, c'est du mélo surdimensionné, alors qu'il est tout à fait secondaire. Et puis, au-delà de cette tragédie des guerres puniques, ce qui m'intéresse c'est de rappeler que l'histoire se répète et que les mobiles des guerres actuelles sont identiques à ce qu'ils furent. Au bout du compte, l'empire qui règne actuellement est le même que celui d'antan, sauf que les armes ont changé. Je suis certain que la stratégie, elle aussi, n'a pas varié.» C'est dire s'il y a matière à questionnement.
A cet égard, Ali Abdoun, l'assistant de Sid Ahmed Benaïssa, a très opportunément suggéré à Mohamed Yahiaoui, chef du département théâtre pour «Constantine, capitale de la culture arabe», l'organisation, avec les huit productions, d'un mini-festival qui aurait pour particularité de donner également lieu à des journées d'étude réunissant des historiens, des universitaires et des artistes en vue de débattre du rapport entre l'art et l'histoire. L'idée aurait séduit. Vivement que ce projet aboutisse !


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