Le président de la République signe deux décrets présidentiels portant mesures de grâce    Huit troupes africaines au 14e Festival du théâtre de Béjaia, en octobre    Agression sioniste contre Ghaza: le bilan s'alourdit à 57.268 martyrs    L'Algérie d'aujourd'hui s'engage dans une approche renouvelée face aux différents enjeux et défis    63e anniversaire de l'Indépendance: des moudjahidine, grands invalides de la Guerre de libération nationale et ayants droit honorés    Sahara occidental occupé: les médias sahraouis parviennent à briser le blocus marocain    L'opération de transfert de Tassili Airlines vers Air Algérie soumise aux principes d'équité et de transparence    Alger accueille mardi un forum de haut niveau pour la promotion du commerce et de l'investissement intra-africains    Algérie-Venezuela: Cherfa insiste sur l'importance d'accélérer la création d'un Conseil d'affaires bilatéral    Jijel: 4 morts et 35 blessés suite au renversement d'un bus    Le président de la République préside la cérémonie annuelle de remise de grades et de médailles    Le président de l'APN reçoit une délégation de la République du Nicaragua    L'Algérie dispose de capacités logistiques et d'infrastructures sportives pour accueillir tout événement mondial    Qualifs Mondial 2025: l'Algérie accueillera le Botswana le 5 septembre à Tizi Ouzou    63e anniversaire de l'indépendance: des moudjahidine de Sidi Bel-Abbes se souviennent des scènes de liesse populaire le 5 juillet 1962    Coupe d'Algérie/USMA-CRB: une finale de prestige entre deux spécialistes    Ghardaïa: le M'naguer fait son apparition sur les étals des marchands de fruits et légumes    Résultats du baccalauréat: appel à recueillir les informations auprès des sources officielles    Retour de la théorie de la «toile d'araignée»    Les raisons de l'écart du cours du dinar algérien entre le marché officiel et celui du marché parallèle : quelles solutions ?    CRB – USMA : Deux clubs pour un trophée    Zouhir Ballalou se félicite des résultats d'une étude ciblée    Prolongation du délai de soumission des candidatures    « Si nous venons à mourir, défendez notre mémoire »    L'Algérie plaide à New York pour une action sérieuse en faveur de l'Etat palestinien    Entrée de l'usine de dessalement de l'eau de mer « Fouka 2 » en phase de production à pleine capacité    Des pluies orageuses attendues mercredi sur des wilayas de l'Est    Un été sans coupures    Il est nécessaire de limiter le droit de veto au sein du Conseil de sécurité    Ça démarre ce 5 juillet, les Algériennes face aux Nigérianes !    Le CNC sacré champion national de water-polo dans quatre catégories    Ooredoo mobilise ses employés pour une opération de don de sang    220 victimes déplorées en juin !    A peine installée, la commission d'enquête à pied d'œuvre    «L'Algérie, forte de ses institutions et de son peuple, ne se laissera pas intimider !»    Le président de la République inaugure la 56e Foire internationale d'Alger    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Sansal, l'Orwell algérien
La chronique africaine de Benaouda Lebdaï
Publié dans El Watan le 10 - 10 - 2015

Critiqué par les uns, honni par d'autres, il peut être rejeté avec virulence pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Boualem Sansal ne laisse pas indifférent.
De telles postures négatives envers le romancier, telles que l'on a pu les lire ces derniers temps dans la presse et sur les réseaux sociaux, ne seront pas le sujet de cette chronique, pas directement en tout cas, car ce n'est pas le lieu pour les énumérer. Mais ce qui paraît insoutenable, ce sont certains commentaires sur son dernier roman intitulé 2084 ou plus précisément sur le romancier lui-même, car ce qui est jugé ce n'est pas son texte mais certaines de ses prises de position ou décisions. Ces reproches font qu'on le condamne, quel que soit le roman qu'il publie, qui ne sera pas lu par certains mais commenté.
Par exemple, il lui est reproché d'avoir écrit 2084 et non un roman sur les dangers de la globalisation, ce qui est tout de même surprenant comme critique. Pourtant, 2084 est un texte que tous les Algériens devraient lire. Sélectionné pour le Goncourt, ce roman est loin d'être une commande dans la mesure où l'histoire écrite s'appuie sur une expérience vécue par le romancier durant la décennie noire, période traumatisante pour toute une génération d'Algériens et d'Algériennes.
Le romancier s'est inspiré du célèbre roman de George Orwell 1984 qui décrit l'horreur d'une vie sous la dictature totalitaire de Big Brother. Sansal transpose l'idée pour mettre en scène une dictature religieuse. L'intertextualité est à l'œuvre dans ce roman qui fait référence au texte d'Orwell puisque le pays fictionnel, Abistan, est né en 1984. Si les intégristes religieux avaient pris le pouvoir, voilà ce que le pays aurait vécu, c'est l'histoire contée avec gravité et humour aussi. Boualem Sansal, par le truchement du personnage principal, Ati, décrit les affres d'une vie sous la dictature religieuse et de son chef Abi.
Ceux qui se disent que cela n'arrivera jamais devraient lire ce roman, même si le romancier tente ironiquement de rassurer le lecteur dans son avant-propos : «C'est une œuvre de pure invention, le monde de Bigaye que je décris dans ces pages n'existe pas et n'a aucune raison d'exister à l'avenir. Dormez tranquilles, bonnes gens». Pourtant, l'histoire est glaçante dans cet empire imaginaire qui devient planétaire. Ati fait partie de cet empire dictatorial où le peuple ne doit penser qu'à la religion du matin au soir, ce qui fait qu'il ne pense plus dans une contrée où il n'y a plus de possibilité de choix. Ati interné pour maladie chronique dans un sanatorium, le Sin, découvre sa non-religiosité et rêve de liberté.
Il part donc à la recherche d'un groupe de renégats qui vivrait hors de la pensée unique imposée d'une société intégriste basée sur la dénonciation, le mouchardage, l'espionnage des uns par les autres et par les V, genre de vigiles des mauvaises mœurs et pensées. Ati traverse des péripéties qui révèlent des situations ubuesques, des scènes qui relèvent du réalisme magique où le ridicule et l'absurde se mêlent au tragique dans un empire gouverné par des lois inhumaines.
L'administration prend des proportions traumatisantes, comme ces dossiers qui partent à «l'intérieur de la titanesque machine pour un long voyage, plusieurs mois, des années, à la suite de quoi ils étaient envoyés dans les sous-sols de la cité où ils subissaient un traitement spécifique, on ne sait lequel». S'en suivent des disparitions et des assassinats inexpliqués. La création de milices pour la stricte application de la loi divine et du gouvernant garant de la pérennité d'un tel empire est la réalité d'un peuple qui ne pense plus par lui-même.
Ati rencontre un de ces garants du temple qui s'appelle Toz et qui commence aussi à douter. Il entraîne Ati à l'arrière d'un bâtiment et lui fait visiter un musée secret où il collectionne des objets d'un temps révolu, comme une chaise longue, strictement interdite. Un musée qui montre ce qu'étaient «l'impiété et l'illusion» : des équipements de loisirs, un cinéma, une patinoire, un vol de montgolfière et de parapente, un stand de tir et un cirque...
C'est «le miel de cette époque» qui a disparu à jamais après le Grand Nettoyage. Ati réalise qu'un ancien monde a bel et bien existé. Ati veut retrouver cette frontière mythique pour échapper au système oppressant de l'Abistan, lequel repose sur trois principes : la guerre c'est la paix ; la liberté c'est l'esclavage ; l'ignorance c'est la force. Ce système est renforcé par trois autres principes : la mort c'est la vie ; le mensonge c'est la vérité ; la logique c'est l'absurde.
La légende de la frontière, symbole de liberté pour Ati, existe toujours chez certains réfractaires qui tiennent secrets leurs pensées frondeuses. Après la disparition d'Ati, un autre Ati irait à la recherche de la frontière rêvée, celle de tous les possibles et la trouvera. Boualem Sansal signe avec 2084 un roman d'une grande intensité, avec un niveau de langue inégalé, à la manière de l'écriture djebarienne. La lecture mérite que l'on aille jusqu'au bout pour pénétrer un monde où les noms de personnes sont étranges, où les noms de lieux sont des chiffres et des lettres, un monde qu'aucun Ati ne souhaite voir venir, mais qui pourrait le devenir. Le personnage d'Ati nous raconte l'horreur psychologique d'un tel empire maléfique.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.