L'annonce a été faite, mercredi, par le ministre de la Justice, Tayeb Louh, à l'ouverture de la session de printemps de l'Assemblée populaire nationale : «Un individu a fait l'objet d'une enquête à Béjaïa et a été placé en détention préventive. Il est soupçonné d'être la personne apparue dans une vidéo diffusée par une chaîne étrangère, en compagnie de Abdelhamid Abaaoud, l'instigateur des attentats de Paris qui ont fait 130 morts en novembre dernier». Dans une vidéo diffusée en boucle en novembre dernier par France 24, on voyait clairement Abdelhamid Abaaoud échanger quelques mots avec la personne qui le filmait. A ses côtés, à la place du chauffeur, une personne souriante qui, selon la justice algérienne, serait Zouhir Mehdaoui, détenu actuellement à la maison d'arrêt de Oued Ghir, dans la wilaya de Béjaïa. La famille du mis en cause avait démenti, à travers la presse nationale, «toute implication de son fils dans des réseaux terroristes» et indiqué qu'il ne s'agit que d'une «ressemblance entre deux personnes». Le concerné, Zouhir Mehdaoui, 29 ans, est originaire de Tamokra, près d'Akbou, dans la wilaya de Béjaïa. N'ayant pas réussi dans ses études qu'il arrête à la 9e AF, il exerce d'abord le métier de soudeur avant de décider de quitter son village pour la Turquie ; il rejoint la Grèce en 2011, où il séjourne pendant 7 mois. En situation irrégulière comme des milliers de jeunes Algériens empruntant le chemin d'exil vers l'Europe, il opte pour Bruxelles en 2013. C'est là qu'il rencontre son épouse, une jeune musulmane avec qui il a eu une fille, Liya (3 ans) et un garçon, Oubayda (14 mois). Selon sa famille, Zouhir Mehdaoui menait une vie normale en Belgique où il était, selon elle, fonctionnaire à la mairie de Bruxelles et entraîneur de kung fu dans la même ville. Syrie Avant de rentrer pour la deuxième fois en Algérie, le 9 février dernier, Zouhir rencontre d'abord les responsables du consulat d'Algérie pour s'informer sur cette histoire dont il est accusé. «Les responsables du consulat à Bruxelles l'ont rassuré, ils lui ont dit qu'il n'y avait aucun mandat de recherche lancé contre lui en Algérie, affirme la famille du mis en cause dans un quotidien. S'il est allé les voir, c'est parce qu'il avait entendu dire que des jeunes de son village avaient informé la gendarmerie l'avoir reconnu dans une vidéo montrant Abaaoud.» Arrivé dans son village natal pour revoir ses deux frères, sa sœur et sa mère qui venait d'être opérée, c'est lui-même qui s'est rendu à la gendarmerie pour être entendu sur procès-verbal. Le lendemain, Zouhir Mehdaoui reçoit une convocation de la justice d'Akbou pour se présenter devant le procureur général. Il est mis directement en détention préventive pour enquête. «Zouhir a déposé auprès de la justice tout un dossier démontrant qu'il ne connaissait ni de près ni de loin Abaaoud et qu'il n'avait rien à voir avec Daech et l'extrémisme qu'il renie d'ailleurs, affirme la famille à Ennahar. Il a présenté des preuves, les numéros de ses amis, l'adresse de son domicile en Belgique, son numéro de sécurité sociale, un CV, ses comptes facebook et Twitter.» En somme, le seul point commun avéré jusque-là entre Zouhir Mehdaoui et Abdelhamid Abaaoud est qu'ils ont vécu tous deux dans la même ville, Bruxelles. Mais est-ce suffisant ? «Les yeux de la personne qui accompagnait Abaaoud sont marrons, ceux de Zouhir sont bleus. De plus, il porte des lunettes de vue et ne possède pas de permis de conduire. Comment se peut-il que ce soit lui», s'interrogent ses proches, qui ne nient pas, dans une réaction publiée par El Khabar, que «Zouhir est pratiquant, faisant partie du courant salafiste». L'avocat du jeune homme, qui demande sa libération provisoire, affirme dans la presse qu'il attend la décision de la justice, qui sera rendue le 8 mars. Pour lui, le dossier est construit «sur le doute et rien ne prouve l'implication de son client dans tout ce qui lui est reproché». Mehdaoui, qui devait rentrer à Bruxelles le 1er mars voit son départ reporté. Pour le ministre de la Justice, l'enquête se poursuivra, pouvant même recourir à la coopération avec certains pays dans le cadre d'accords internationaux ou bilatéraux. Mais ce qui peut constituer l'élément révélateur et qui n'est pas évoqué par le ministre de la Justice, c'est que la vidéo pour laquelle Zouhir Mehdaoui a été arrêté a été tournée en Syrie où se trouvait Abaaoud à l'époque, selon la même chaîne, et non en Belgique. L'affaire est pendante.