Décès de la moudjahida Ouissi Aouali à l'âge de 86 ans    "L'Algérie, un partenaire stratégique dans la coopération africaine", thème d'un séminaire à Alger    Goudjil reçoit le président de l'Assemblée nationale de la République du Congo    Tour d'Algérie-2024 : retour du MC Alger après une longue absence    Nâama : décès du moudjahid Brahimi Laïd    Mois du patrimoine : portes ouvertes sur le laboratoire de conservation et de restauration du patrimoine culturel au Musée du Bardo    Algérie-Congo: signature d'un protocole-cadre de coopération parlementaire    Sport scolaire : Belaabed reçoit le président de l'ISF    Le droit de massacrer, de Sétif à Gaza    Ghaza: des spécialistes en communication dénoncent la "désinformation manipulatrice" de la presse occidentale    Le 9e Festival national de la création féminine du 9 au 17 mai à Alger    Merad appelle depuis Khenchela à l'intensification des efforts pour protéger les forêts contre les incendies    Signature d'un mémorandum d'entente pour la commercialisation des produits d'ACS en Mauritanie    Agression sioniste contre Ghaza: l'UE appelle à un cessez-le-feu immédiat    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'élève à 34.735 martyrs    Espagne: le Maroc fustigé pour non-coopération dans la lutte contre le trafic de drogue    Ligue 1 Mobilis : Les présidents de clubs souhaitent un aménagement équilibré du calendrier    Abdelhak Benchikha de retour, et des interrogations    Coupe d'Algérie 2023-2024 : les résultats complets des finales    Belkacem Sahli réitère son intention de prendre part aux présidentielles du 7 septembre    Recensement de l'agriculture à Mostaganem Réunion de préparation avant le jour «J»    La révolution des nouvelles technologies de l'information au sein d'un monde super-médiatisé et le rôle du journaliste et de l'intellectuel    «Je suis une femme de terrain pas des réseaux sociaux»    Déplacements périodiques et inspection des projets    Enfin un toit pour 4.122 familles    Des milliers de manifestants pro-palestiniens dénoncent le soutien de l'Allemagne à Israël    Répression Comment le système judiciaire esclavagiste américain renfloue les caisses des oligarques    « Ils menacent d'envahir Rafah, nous leur promettons l'échec et la défaite »    «Pour des produits adaptés aux besoins des citoyens»    Le Zimbabwe accueillera le premier Forum de l'ONU    La Lune, ses influences, son pouvoir magique…    L'ANR appelle à une forte participation aux présidentielles du 7 septembre prochain    Natation/Championnats d'Afrique Open: l'Algérie décroche six nouvelles médailles, dont trois en or    Le wali honore la presse locale    A Monsieur le président de la République    Recueillement à la mémoire des martyrs de l'attentat terroriste de l'OAS du 2 mai 1962    Grand prix de cyclisme de la ville d'Oran : Nassim Saïdi remporte la 28e édition    La protesta estudiantine occidentale face aux lobbies sionistes.    ALORS, MESSIEURS LES DIRIGEANTS OCCIDENTAUX : NE POUVEZ-VOUS TOUJOURS PAS VOIR LES SIGNES ANNONCIATEURS DUN GENOCIDE A GAZA ?    Megaprojet de ferme d'Adrar : « elmal ou Etfer3ine »    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80    Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«La première cause de la crise : La surdétermination politique de l'économie
Nadji Khaoua . Economiste, membre du FEMISE (Marseille)
Publié dans El Watan le 30 - 05 - 2016

Le professuer Khaoua est le représentant de l'Algérie au Forum euro-méditerranéen des instituts de sciences économiques (FEMISE-Marseille), un réseau regroupant plus de 90 membres des instituts de recherche en économie et représentant les 37 partenaires du Processus de Barcelone.
Pour ce maître de recherche dont les travaux portent sur l'économie des territoires dans les pays d'Afrique du Nord, dont l'Algérie, et qui est également membre de l'Arab council for the social sciences (ACSS- Beyrouth), la clé décisive à même d'aider notre économie à se dépêtrer des hydrocarbures «est dans le politique, ses acteurs et leurs objectifs en tant qu'individus ayant un pouvoir de décision et en tant que groupe matérialisant l'exercice du pouvoir de l'Etat».
L'économie algérienne est une économie de rente par essence où, et cela est bien connu, les hydrocarbures assurent plus de 35% du PIB, 97% des exportations et 60% des ressources fiscales. Bien des années sont passées et la situation n'a pas changé d'un iota. Quelle explication à cet état de fait ?
A mon avis, il s'agit de revenir à une définition basique de l'économie : produire des biens et services en vue de répondre aux besoins de la demande. A travers l'acte de production, des ressources sont investies en amont et des revenus sont distribués en aval.
Ces relations et l'acte de production qui les justifient et leur permet d'exister se déroulent en consommant du temps, selon une logique réfléchie et pensée au préalable par les décideurs (Etat, acteurs économiques, population), dans un ensemble coordonné et obéissant à une discipline que balise la loi sous ses différentes formes (législations du travail, fiscale, financière, du commerce extérieur, etc.). Cette loi doit être appliquée de manière équitable pour tous, sans aucune distinction entre les acteurs.
Dans l'histoire économique contemporaine, des pays au départ non développés et non modernisés, avec très peu de ressources et de moyens, comme la Corée du Sud durant les années cinquante et soixante, en respectant ce schéma de base et en l'imposant souvent par la force de l'Etat à tous leurs acteurs, ont réussi en l'espace de deux décennies à faire passer leur pays d'une situation d'arriération et de pauvreté vers la situation actuelle où la Corée du Sud est une des plus modernes et puissantes économies du monde.
Bien entendu, cette transformation réelle et relativement rapide à l'échelle des nations s'est effectuée sous la direction d'un Etat fort, considéré à l'époque comme dictatoriale mais néanmoins patriotique et équitable dans l'application de sa politique.
Le court intermède (de 1973 à 1978) de la politique du président Houari Boumediene ressemble par certaines de ses dimensions à cette politique volontariste visant la construction d'une économie moderne et productive. Malheureusement, elle a été vite reniée et détruite avec sa mort brutale. Ainsi, l'économie de l'Algérie ne produit pas significativement (voir à ce propos notre dépendance souvent totale pour plusieurs biens et services, et souvent pour les plus simples à assurer localement). Pour revenir à votre question, l'Etat n'est pas incapable de construire une économie moderne qui répond aux besoins de la population, diminue la dépendance vis-à-vis des productions étrangères, crée de la richesse et de la valeur et des emplois permanents.
L'Etat, que représentent des individus comme vous et moi, n'a pas la volonté de le faire. Il s'agit essentiellement d'une question de vision sous-tendue par une politique réfléchie et coordonnée associant librement les catégories sociales, qui, en fonction des ressources disponibles, trace un cap à tenir, définit des objectifs et s'y tient, fixe une réglementation et l'applique équitablement à tous les acteurs, individus et groupes quels que soient leur rang et leur position sociale ou politique.
Malheureusement, cette volonté et cette vision manquent. L'attrait des différentes dimensions de la rente tirée de l'exportation de matières premières fossiles non renouvelables, les hydrocarbures, est plus fort que le souci chez le politique du devenir des générations futures, et le mal-être de la majorité de la population actuelle.
D'après vous, si cette crise se poursuivait, l'Algérie qui est l'un des pays les plus importants et naturellement riches du pourtour méditerranéen courrait-elle un risque d'appauvrissement ? Ou bien, existe-il encore des marges de manœuvre pour amortir son impact au plan social, surtout lorsqu'e lon sait que les aides publiques de l'avant-crise qui étaient, faut-il le noter, assez généreuses, étaient en réalité destinée à acheter la paix sociale ?
Aussi bien le risque d'appauvrissement plus profond que l'alternative pratique de construction d'une économie moderne et de plus en plus efficiente sont les deux possibles comme tendances dominantes antagoniques. Rien n'est définitivement tranché à l'échelle de tout un pays, a fortiori lorsqu'il s'agit d'un pays aux ressources immatérielles (l'histoire) et matérielles (le territoire, la population et sa jeunesse, etc.) comme celle de l'Algérie. La clé décisive est dans le politique, ses acteurs et leurs objectifs en tant qu'individus ayant un pouvoir de décision et en tant que groupe matérialisant l'exercice du pouvoir de l'Etat. Le deuxième acteur est la population et ses différentes catégories sociales qui s'expriment à leur manière et dont il s'agit de savoir décrypter les messages et les choix.
Par exemple, on peut lire l'élargissement social de la volonté d'émigrer par tous les moyens, y compris en quittant ses proches et en risquant sa vie, comme un rejet profond du système politique et de ses pratiques rentières privatisées et de l'absence d'éthique de ses membres, qui semblent ignorer les vertus de la démission des responsabilités publiques lors de remises en cause de leurs compétences ou de leur probité dans l'exercice de leurs fonctions.
Par la persistance de leur présence aux hautes charges publiques et politiques, souvent des années durant et même des décennies pour certains, ils confirment que l'Algérie et ses patrimoines leur appartiennent, le reste de la population n'a aucun droit de regard ni sur leurs politiques ni sur leurs actions. La persistance de ce type de conception du politique et des charges publiques est le plus grand risque, non seulement pour l'économie mais pour le pays entier.
On parle de plus en plus du recours à l'endettement extérieur. Est-il encore temps d'éviter ce scénario ? Si c'est oui, comment manœuvrer ?
En théorie, l'endettement extérieur n'est ni bon ni mauvais en soi. C'est sa destination et son usage qui importent.
S'agit-il du financement d'une copie actualisée de la fameuse politique dite «autorisation d'importation» des années 1980 et destinée par le pouvoir politique d'alors à couvrir ses échecs économiques et à obtenir une certaine paix sociale, quel qu'en soit le prix pour l'économie du pays ? Ou bien s'agit-il de financer les segments productifs de l'économie, que ces segments soient privés ou publics ?
Avant tout, la construction de notre économie passe en premier lieu par la priorité absolue à la production de biens et services, c'est-à-dire de valeurs. Cependant, je reste quant à moi très sceptique quant à la possibilité de ce choix, car il est éminemment politique et nécessite au préalable une reconfiguration du politique, selon une triple exigence : patriotisme, compétence et justice équitable et indépendante.
Rappelons nous que plus d'une des plus fortes économies modernes sont parmi les plus endettées, par exemple l'Italie, la France, les USA, la Belgique, les USA, etc., où dans tous ces exemples la part relative de la dette détenue par des créanciers internationaux dépasse les 90% du PIB. En fait, la dette concerne en premier lieu l'acteur direct de l'économie, l'entreprise dans une économie moderne et efficiente. L'Etat en tant que tel s'endette quand ses entreprises sont embryonnaires ou peu productives et qu'il doit prendre à son compte une partie de leurs charges, comme les coûts des infrastructures et les coûts sociaux par exemple.
L'Algérie est, malheureusement de manière structurelle, dans cette dernière configuration, où l'Etat pallie le peu de dynamisme des acteurs directs de l'économie. La question à ce niveau serait de savoir pour quelle efficience ? Pour quel résultat en matière de croissance ? Quelques données récentes peuvent être citées à ce titre, dont les dépenses d'équipements : de 807 milliards de DA en 2005, 1973 (2008), 1807 (2010), 1974 (2011), 2275 (2012), ces dépense ont atteint 2494 milliards DA en 2014.
Face à ces données, on s'attendrait naturellement à l'augmentation de la production, des niveaux de revenus, des emplois permanents créés, du volume des exportations, du volume de la fiscalité recouvrée, etc. En théorie, et en réalité dans tous les pays modernes et dont la gouvernance est sérieuse et veille elle-même à l'éthique dans son action politique, l'investissement public dans les infrastructures est considéré comme un formidable outil pour booster l'entière économie, tout en améliorant le niveau moyen de bien-être. En Algérie, les résultats sont tout autres.
La question qui émerge alors, au vu de ces chiffres, est de savoir le pourquoi réel de cette situation. En l'état actuel des choses, ce questionnement nécessitant pour y répondre une analyse ex-post (un bilan) des actions entreprises dans toute la chaîne concernée par secteur d'activité, reste un vœu pieux, les institutions qui nous dirigent étant connues par leur réticence à remettre en cause les actions de leurs dirigeants à tous les niveaux, que ce soit dans le secteur économique ou dans les institutions y compris, et surtout politiques.
Le dirigent sait tout mieux que tout le monde, il n'a pas besoin de recourir aux expertises des spécialistes, sauf à celles intéressées des thuriféraires sans éthique qui approuvent le maître, attendant que quelques miettes leur soient jetées en récompense. Si on fait une comparaison à l'international de ce qui ce fait en Algérie en matière économique et de ses impacts sur la croissance, les données obtenues sont encore plus parlantes et montrent sans doute possible la première cause de notre crise économique systémique : la surdétermination politique de l'économie pour orienter une partie des ressources publiques vers l'accaparement privé.
D'autres indicateurs méritent d'être évoqués et ils concernent l'investissement et son impact sur la croissance dans différents pays : en Chine, le taux d'investissement est de 45,5% (3e rang mondial) et le taux de croissance/habitant de 9,8% (4e rang mondial) contre respectivement 18,7 (3e rang) et 7,7 (13e rang) pour la Turquie, 18,6 (121e rang) et 3,4 (72e rang) pour l'Egypte, 30,6 (14e rang) et 2,6 (14e rang) pour le Maroc, 24,2 (49e rang) et 2,7 (90e rang) pour la Tunisie alors qu'en Algérie le taux d'investissement est de 29,7 (17e rang mondial) et le taux de croissance/habitant est d'à peine 1,8% soit le 107e rang mondial.
Toutes ces données appellent plusieurs remarques qui, toutes, ramènent à l'essence politique de la crise de l'économie en Algérie. Premièrement, la proportion relative de l'investissement effectué en Algérie est loin d'être exceptionnelle, comme le présente à chaque occasion le discours des politiques.
Deuxièmement, l'impact de ces investissements en matière de croissance est le plus faible comparé aux pays cités, certains d'entre eux étant les pays périphériques de la région MENA et Afrique du Nord. Troisièmement, une question s'impose en conclusion à ces chiffres :
quelles sont les causes réelles de cette inefficience ? Se limitent-elles seulement à des causes techniques ? Ou bien, ne dévoilent-elles pas une gouvernance spécifique basée sur l'accaparement privé, sous différentes formes, des ressources publiques, comme essence de la crise systémique de l'économie ?
Le pays est-il exposé à d'autres types de risques susceptibles de rendre les choses bien pires ?
L'économie de l'Algérie croît d'environ 2% en moyenne par an depuis des années. Dans le même temps, les évaluations les plus crédibles indiquent qu'au moins 3% de son PIB représentent le coût des destructions que subissent les réserves des ressources naturelles et l'environnement.
Dans ce coût relatif, il faut relever les dommages humains (maladies, handicaps, décès, etc.) que l'économie évalue en journées de travail perdues (critère OMS), mais en fait représentant des pertes humaines et des destructions de milliers de vies irremplaçables. La problématique environnementale cache dans notre pays une réalité effroyable, où la nature est soumise aux appétits insatiables d'acteurs dont le seul moteur est le profit financier immédiat.
Cette problématique à laquelle peu d'économistes et aucun programme d'enseignement dans les universités algériennes ne s'intéressent, constitue sans doute l'un des risques majeurs les plus urgents à résoudre, sans espoir objectif qu'il le soit dans la configuration politique actuelle. Le second risque lié au premier et aussi urgent est celui des inégalités territoriales, risque que partage l'Algérie avec plusieurs pays limitrophes.
Rappelons que l'inégalité territoriale dans les efforts de développement économiques et de redistribution du revenu national, entre le territoire dit du «Sahel» et celui enclavé de l'intérieur de la Tunisie a été l'un des plus importants leviers de la révolution en Tunisie voisine en 2010-2011.
Aujourd'hui que les caisses de l'Etat se vident à un rythme dangereusement rapide, doit-on s'attendre à des mesures radicales telles que le retour aux ponctions sur les salaires des travailleurs déjà vécues en 1997 ?
C'est déjà une mesure attendue par tous les observateurs. Cependant, quelle serait sa portée sinon celle d'un palliatif de court terme ? D'un autre côté, si elle était annoncée officiellement, elle représenterait le summum de l'inégalité et de l'injustice, socialisant les échecs économiques de l'Etat, en particulier de ses choix dans lesquels la société n'a pas eu son mot à dire. Si l'Etat et ses représentants politiques voulaient sérieusement trouver des ressources financières supplémentaires de manière équitable et juste, plusieurs possibilités s'offrent à eux, dont :
1 - l'impôt sur la fortune et le patrimoine. Des données existent depuis longtemps à l'échelle internationale sur la multiplication des fortunes privées dont les détenteurs sont nationaux. Dans tous les pays modernes, la richesse lorsqu'elle atteint ou dépasse un certain seuil a un devoir de contribution social dans son pays d'origine.
Chez nous, non seulement elle explose pour des catégories très restreintes de la population, mais en plus elle vit au crochet de l'Etat, profitant de complaisances inouïes et illégales, tels que les dégrèvements fiscaux, les prêts complaisants, les protections occultes, les délits d'initiés, les marchés accordés de gré à gré, le soutien des prix de certains biens à large consommation tels que l'énergie, l'eau, certains produits alimentaires, etc. Là se trouve un vrai gisement des ressources additionnelles que la construction d'une économie moderne exige de mobiliser dans un souci politique réel et palpable de justice sociale.
Même dans les pays les plus modernes l'inégalité dans le partage des fruits de la croissance et les politiques à adopter pour en diminuer la prégnance restent des thèmes d'importance, aussi bien pour l'Etat que pour les universitaires et autres chercheurs (voir à ce sujet le dernier ouvrage académique, best-seller mondial de Thomas Piketty).
2 - Le soutien des prix à la consommation de certains biens à large consommation tels que l'énergie, l'eau, certains produits alimentaires, etc., tel qu'il existe en Algérie, est, selon nous, un vrai scandale politique et un vrai non-sens économique. Comment se fait-il que toutes les catégories d'acteurs individuels et collectifs jouissent des prix soutenus pour les produits à large consommation ?
La logique des prix soutenus ne doit obéir en principe qu'à deux critères essentiels : - la nature du bien en question, qui définit la nécessité de sa consommation sans considération du niveau de revenu du consommateur. C'est le cas des produits alimentaires de base. Or, l'Etat soutient massivement les prix à la consommation de ces biens pour tous les consommateurs. Ceci est un non-sens économique et une des causes de la dilapidation des ressources collectives.
C'est également une dimension cachée que prend la rente qu'accaparent ainsi certains commerçants et entrepreneurs spécialisés dans l'import-import, à travers la captation, due à la différence des prix dans la chaîne de distribution de ces produits, depuis leur origine jusqu'au consommateur final. - le niveau de revenu réel des ménages. Au-delà d'un certain seuil, le consommateur doit payer le prix réel de marché du produit qu'il veut consommer. Satisfaire ces deux critères peut s'effectuer avec succès selon plusieurs méthodes, toutes nécessitant un appareil statistique transparent et performant.
Cependant, choisir cette politique de vérité et de solidarité est loin d'être un choix technique. Nous revenons encore une fois au politique, au pouvoir, ses caractéristiques et ses objectifs : préserver l'intérêt et les ressources collectives pour développer le pays et moderniser son économie, ou bien veiller au maintien du pouvoir dans l'Etat, des groupes restreints qui le constituent.
Enfin, quelle lecture faites-vous de l'acharnement politico-médiatique sans précédent dont est victime Issad Rebrab et son Groupe, d'autant plus qu'il intervient, curieusement, à un moment où le pays a aujourd'hui plus que jamais besoin de ses investisseurs ?
Dans cette incroyable cabale qui voit un Etat (le ministre de la communication est bien le représentant de l'Etat dans cette affaire) s'attaquer si rapidement et si brutalement à son principal entrepreneur privé, en l'occurrence M. Rebrab, plusieurs observations montrent que la crise systémique de l'économie de l'Algérie n'a rien de technique ou de financier pour principale caractéristique, comme elle n'est pas seulement cantonnée à la sphère économique stricto-sensu. Sans développer beaucoup cette question, relevons qu'elle prend prétexte du changement de la propriété de deux médias, l'un écrit à large diffusion, l'autre audiovisuel (KBC).
Au lieu d'accompagner cet entrepreneur dans ses actes économiques en Algérie et à l'étranger pour augmenter le bénéfice collectif qui peut se dégager de son dynamisme entrepreneurial que montre les succès de son groupe d'entreprises, Cevital, le politique, à travers ce cas, s'attaque à l'initiative privée autonome politiquement. Cette réaction du politique si instructive, à notre sens, vise selon nous deux objectifs : d'abord, le politique en Algérie ne tolère pas la diminution de son pouvoir sur l'information et les médias en général.
Une information de plus en plus libre limite ses marges de manœuvre pour durer et se reproduire au bénéfice des mêmes groupes sociaux, ceux qui le composent. Puis, un entrepreneur de plus en plus indépendant du politique n'est plus soumis aux différentes formes d'accaparement et aux dimensions que prend la rente, dont certaines, tels que les délits d'initiés, sont sanctionnées par la loi dans les pays modernes et où la préservation de l'intérêt collectif est le premier moteur de l'action du politique.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.