Chantage à l'antisémitisme pour justifier le Palestinocide    CHAN-2025 : Ouganda 0 – Algérie 3 Du jeu, de l'engagement, du ballon et une belle victoire    Sept médailles pour le tennis algérien    La Protection civile déplore cinq blessés    Jane Austen, une écrivaine toujours actuelle    Révision prochaine des dessertes aériennes intérieures à l'échelle nationale    Jeux africains scolaires: le Président de la République honoré par l'ACNOA    Le peuple sahraoui ne renoncera jamais à son droit inaliénable à l'autodétermination    Le Directeur général de la Protection civile inspecte les unités opérationnelles et le dispositif de lutte contre les incendies à Relizane    Décès de 4 personnes dans le crash d'un avion de reconnaissance de la Protection civile à l'aéroport Ferhat Abbas de Jijel    Jeux africains scolaires : le Nigeria et le Kenya hôtes des deux prochaines éditions (ACNOA)    Hidaoui préside à Annaba l'ouverture de l'université d'été du Mouvement national des étudiants algériens    Le président du Conseil de la nation reçoit l'ambassadeur du Qatar en Algérie    Ghaza: au moins 10 martyrs dans des frappes de l'armée sioniste    Représentant le président de la République, M. Rebiga prendra part mercredi aux célébrations du bicentenaire de l'indépendance de la Bolivie    Sûreté de wilaya d'Alger : démantèlement d'un réseau de faux-monnayeurs et saisie de plus de 100 millions de centimes falsifiés    Annaba: diverses manifestations artistiques clôtureront les Jeux scolaires africains    Un ministère d'Etat chargé de la planification stratégique et sept à huit pôles économiques régionaux    Boudjemaa met en avant les réformes structurelles et la modernisation du système judiciaire    Abdelmadjid Tebboune préside la cérémonie    Forte hausse de la valeur des actions échangées au 1er semestre 2025    1500 Palestiniens tombés en martyrs en tentant d'obtenir de la nourriture    La « Nuit des musées » suscite un bel engouement du public à Tébessa    De l'opulence à l'élégance contemporaine, le bijou d'Ath Yenni se réinvente sans perdre son âme    Inscriptions universitaires: plus de 70% des nouveaux bacheliers orientés vers l'un de leurs trois premiers vœux    Jeux africains scolaires: Les athlètes algériens se sont distingués de manière "remarquable"    Canex 2025: 6 courts métrages algériens en compétition    Bordj Badji-Mokhtar: installation du nouveau chef de sureté de wilaya    La FICR condamne une attaque contre le siège de la Société du Croissant-Rouge palestinien à Khan Younès    CHAN-2025 Les équipes, même sans le ballon, veulent dominer    Coup d'envoi de la 13e édition de l'université d'été des cadres du Front Polisario    Organisation de la 14e édition du Festival culturel national de la chanson Raï du 7 au 10 août    Le président de la République honore les retraités de l'Armée et leurs familles    De nouvelles mesures en vigueur durant la saison 2025    Vague de chaleur, orages et de hautes vagues dimanche et lundi sur plusieurs wilayas    Bilan du commerce extérieur en Algérie pour 2023, selon les données officielles de l'ONS    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Paix à ton âme, Yemma Kheira !
Celle par qui l'affaire Mohamed Garne a éclaté nous a quittés
Publié dans El Watan le 10 - 08 - 2016


Elle vient de nous quitter en toute discrétion.
De son vivant, elle n'aura connu ni honneurs, ni reconnaissance officielle, ni attestation, ni pension. Elle, c'est Kheira Garne, un nom qui ne vous dit peut-être rien. Et pourtant ! A l'instar de Louisette Ighilahriz, Kheira Garne est de ces voix qui ont eu le courage de révéler au grand jour, à leur corps défendant, l'un des crimes les plus abominables de l'histoire coloniale, qui est resté longtemps, trop longtemps, couvert d'une chape de plomb : les viols massifs commis par l'armée française durant la Guerre de Libération nationale. Kheïra Garne n'avait que 15 ans lorsque des militaires français la torturèrent et la violèrent dans un camp de concentration à Theniet El Had, dans l'Ouarsenis. C'était en août 1959.
De ce viol collectif naîtra un enfant, Mohamed, qui voit le jour le 19 avril 1960, à El Attaf. Mohamed Garne restera 28 ans durant séparé de sa mère «biologique». Mohamed attaque l'Etat français en justice contre les «prescriptions» des Accords d'Evian, et obtient gain de cause. «Français par le crime», comme il dit, il demeure à ce jour la seule victime reconnue de la «Guerre d'Algérie».
Dans un numéro de l'émission «Secret de famille» sur France2 consacré au destin bouleversant de Mohamed Garne (première diffusion le 18 janvier 2012), Kheïra, sa mère, témoigne : «Pendant la guerre, nous étions dans la montagne. Ils (les soldats français) voulaient nous capturer. Il y avait les avions, les chars. On était dans le maquis. J'étais cachée dans un arbre et c'est un chien qui m'a trouvée.
On nous a emmenés dans un camp d'internement. Certains sont morts pendant la capture, d'autres ont survécu, comme moi.» Kheira était alors mariée à un valeureux maquisard de l'ALN, Abdelkader Bengoucha. L'armée française voulait ainsi soutirer à la jeune captive des informations sur les moudjahidine. Kheira est soumise à la «question».
«Ils nous ont torturés et ont attenté à notre honneur», raconte-t-elle dans ce reportage. «J'ai été frappée, ligotée, humiliée… Dieu seul sait ce qu'on a subi.
Pour mon pays, j'ai sacrifié ma vie, mon honneur, l'honneur de mon fils…La nuit, quand les soldats remontaient, je ne pouvais pas dormir. Celui qui n'a pas vécu les horreurs de la guerre ne peut pas comprendre.» Kheira peine à contenir son émotion. Mais voilà.
C'est dit.
«On m'a violée, on m'a violée, on m'a violée !»
En novembre 1960, Kheira Garne et son fils Mohamed sont placés à l'orphelinat Saint-Vincent-de-Paul, à Alger. C'est cet orphelinat attenant au Palais du peuple. Fortement marquée par les terribles sévices qui lui ont été infligés pendant plusieurs mois, Kheira est transférée dans un établissement psychiatrique pour «crises de démence». Le petit Mohamed est confié à une nourrice. Dans le document diffusé par France2, Kheira déclare : «Ils m'ont dit ton fils est mort, j'étais désespérée.
Quand j'étais seule, je priais Dieu pour qu'il envoie quelqu'un qui le fasse revivre.» Il a fallu attendre un soir pluvieux de septembre 1988 pour que Mohamed vienne frapper à la porte de sa vraie mère. Dans l'intervalle, un parcours époustouflant qu'il raconte dans son autobiographie : Lettre à ce père qui pourrait être vous (Lattès 2005) — l'ouvrage a été réédité chez l'Harmattan en 2011 sous le titre :
Français par le crime, j'accuse ! Jusqu'à l'âge de 5 ans, Mohamed vit l'enfer entre les mains de sa nourrice qui l'enferme toute la journée dans une sorte de cagibi. Il ignore jusqu'à l'existence de celle qui lui donna le jour.
En 1965, le sort a voulu qu'il fut adopté par une certaine… Assia Djebbar, oui, la célèbre écrivaine. Il vit en France jusqu'en 1975 dans sa nouvelle famille. Suite à la séparation de ses parents adoptifs, il est renvoyé à Alger et réintègre l'orphelinat du Palais du peuple.
Un jour, il consulte subrepticement le dossier administratif qui accompagne chaque pupille de l'Etat. Et c'est ainsi qu'il découvre le nom de sa mère biologique : Kheira Garne. Il entreprend, dès lors, des recherches folles pour la retrouver. Il est persuadé qu'elle est vivante. Le concours d'un de ses amis qui travaille dans la police est décisif. Un beau jour, il lui remet un bout de papier sur lequel sont griffonnés le nom et l'adresse de sa mère. A sa grande stupéfaction, il apprend que celle à qui il doit la vie logeait dans une espèce de grotte, entre les tombes, au cimetière Sidi Yahia, à Alger.
Dans le reportage de France 2, Kheira confie : «Je vivais dans ce cimetière à cause de la guerre et du destin ; j'ai choisi d'habiter avec les morts car les vivants m'ont fait du mal.» «On la surnommait la louve», glisse son fils. «Elle tenait une hache dans son dos», précise Mohamed Garne dans la même émission.
Ceux qui l'accompagnent au cimetière pour retrouver sa mère l'exhortent à ne pas trop l'approcher. Mohamed ne veut rien entendre. Il pose sa tête sur son épaule et Kheira reconnaît en lui immédiatement la chair de sa chair. «Elle me humait comme une louve qui hume son louveteau», se remémore-t-il avec tendresse.
La reconstruction du lien cassé par les violences et les années saccagées ne sera guère de tout repos. Mohamed se lance dans une quête identitaire éperdue. Après avoir retrouvé sa mère, il voudrait maintenant reprendre le nom de son père. Au début, Kheira lui dit : «Tu es le fils de Abdelkader Bengoucha, mort en chahid.» Mohamed se demande alors pourquoi ne s'appellerait-il pas «Mohamed Bengoucha» ? Sa mère se montre réticente.
Elle essaie de couper court aux tribulations généalogiques de son fils et lâche : «Tu es le fils de l'Algérie.» Il n'en démord pas. Mohamed finit par porter l'affaire devant les tribunaux afin d'arracher cette précieuse reconnaissance patronymique. L'affaire arrive jusqu'à la cour suprême. Audience du 22 mars 1994 : Kheira Garne n'en peut plus, et, face au juge, elle demande la parole et s'écrie (comme le rapporte son fils sur France2) : «Vous faites ceux qui ne savent pas ? Vous savez ce qui s'est passé pendant la guerre ? On m'a violée, on m'a violée, on m'a violée !»
Passé le choc, Mohamed Garne se lance dans une bataille autrement plus âpre, cette fois devant les juridictions françaises, contre le ministère français de la Défense, pour crimes de guerre. Le 22 novembre 2001, la cour régionale des pensions de Paris le reconnaît officiellement comme «victime de guerre», accordant dans la foulée une pension d'invalidité de 30% à M. Garne.
Durant le procès, des experts avaient établi un lien direct entre ses souffrances psychiques et les mauvais traitements et autres brutalités infligées à sa mère pendant sa grossesse. Une victoire hautement symbolique pour ne pas dire…historique !


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.