Une quinzaine d'artistes se sont réunis autour de l'exposition «L'art Yajouz» pour marquer leur solidarité avec les femmes victimes de violences. Il ne vous reste qu'aujourd'hui pour assister à la clôture de cet événement et profiter de la projection du film de Habiba Djahnine, ainsi qu'une conférence à l'occasion de la Journée internationale des droits de l'homme. La date du 25 novembre, choisie par les Nations unies pour célébrer la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, est devenue le grand événement de l'année pour les féministes, les militants et les femmes du monde entier. Il s'agit d'attirer l'attention des gouvernements et des sociétés civiles sur cette persistance des violences à l'encontre des femmes qui constituent une véritable pandémie mondiale. Les chiffres annuels des violences donnent des sueurs froides ! Dans le monde, une femme sur trois a été victime de violences physiques ou sexuelles à un moment donné dans sa vie. Une situation qui, chaque année, mobilise des personnalités pour porter les voix de celles qui ne peuvent plus dire un mot. En Algérie, de nombreuses manifestations ont eu lieu dans plusieurs wilayas. A Alger, une exposition collective intitulée «L'art Yadjouz» est la réponse de nombreux artistes à l'égard des violences faites aux femmes et leur lutte infatigable contre la discrimination. Organisée par le Comité international pour le développement des peuples (Cisp), l'exposition collective est visible depuis novembre et a regroupé des œuvres ingénieusement disposées au Palais des Raïs (Bastion 23). Les œuvres seront encore présentes aujourd'hui, à l'occasion de la Journée internationale des droits humains. «Depuis deux ans, nous organisons une résidence d'artistes issus de différentes villes d'Algérie. Il en a résulté cette exposition. Les artistes ont été encadrés par Karim Sergoua et Meriem Aït El Harra afin de produire des œuvres exprimant cette lutte contre la discrimination et les violences faites aux femmes», confie Eveline Chevalier, responsable de Cisp Algérie. «Cette exposition itinérante a fait escale à Oran, Tlemcen, Constantine, Tizi Ouzou, Béjaïa et cette fois à Alger. Il y a une réelle génération d'artistes engagés qui interpelle le public, remettant en question certains clichés et tabous. L'impact est immédiat», explique-t-elle. Conditionnement Pas moins de quinze jeunes artistes —connus pour leurs travaux dans d'autres expositions individuelles — n'ont pas manqué de rappeler leur engagement, comme Yasser Ameur, connu sous son nom d'artiste «l'Homme jaune», Souad Douibi, Arslan Naïli, ou encore Houari Bouchenak. «Il est très intéressant de constater que les jeunes artistes s'engagent dans des luttes qui font partie de leur quotidien. Cette démarche n'est pas facile pour l'artiste, qu'il soit homme ou femme», indique Ghalia Ramdani, artiste plasticienne et critique d'art. «Je crois profondément qu'aujourd'hui le plus difficile pour un artiste est de se positionner et de choisir un camp quand il est question de violences ou de droits humains. C'est également courageux de le faire dans un pays où les femmes sont opprimées à tous les niveaux», ajoute-t-elle. Selon l'artiste photographe Lynn SK, le travail qu'elle a présenté lors de cette exposition collective a pour but de redéfinir la violence et de montrer l'enfermement qui pousse les femmes à l'effacement. «La réalisation que j'ai voulu présenter, ‘‘Je, tu, elle'', a pour base des photographies afin d'illustrer l'apparition et la disparition des personnages que j'incarne. C'est également pour parler et casser les différents rôles qu'on impose aux femmes algériennes», développe l'artiste native d'Alger et qui a vécu en France. Après des études de cinéma à Paris, elle s'est lancée dans des voyages entre l'Algérie et la France. Lynn SK (lynnsk.fr) est une artiste dynamique attirée par les portraits, les autoportraits et tout ce que renferme l'univers de l'intime. Une artiste qui use des formes pour sortir les femmes des jugements que l'on porte sur elles. «En règle générale, je me sens comme une artiste qui n'a pas de message préconçu à délivrer, mais des questions à élucider. A mon avis, le rôle de l'artiste n'est pas forcément de délivrer des messages, je trouve que ça fait donneur de leçon», lance-t-elle. Et d'ajouter : «Je pense que l'artiste doit se poser les bonnes questions, du moins celles que l'on ne se pose pas. Sur la question de la violence, j'ai voulu briser les conditionnements dans lesquels sont installées les femmes en Algérie pour créer de la liberté et surtout questionner.» Questionner pour comprendre, questionner pour répondre au mal qui hante nos maisons, nos rues, nos écoles… A retenir que dès aujourd'hui, à 13h30 au Bastion 23, en parallèle de l'exposition «L'art Yajouz», le film Safia, une histoire de femme, de Habiba Djahnine, sera projeté pour le compte du Réseau Wassyla. Par ailleurs, il y aura un lâcher de ballons symbolique et une conférence à l'occasion de la Journée internationale des droits de l'homme.