La presse algérienne traverse une mauvaise passe. Fléchissement des recettes publicitaires, rareté des annonceurs, monopole étatique sur la publicité institutionnelle, augmentation de la TVA… cela va de mal en pis pour l'ensemble des titres, notamment de la presse papier. Les journaux, privés surtout, sont réduits à quémander quelques placards publicitaires pour survivre. La situation dure depuis au moins deux ans. Comme le pays, les médias aussi sont frappés de plein fouet par la crise économique qui a conduit un certain nombre de titres à mettre la clef sous le paillasson. Et la situation risque de s'aggraver au cours de l'année, ce qui n'augure rien de bon pour l'ensemble des quotidiens. Outre la rareté de la publicité émanant des annonceurs privés, les médias font face à une terrible pression fiscale qui risque de les asphyxier à moyen terme. En effet, les dispositions de la loi de finances 2017 ne pèsent pas lourd uniquement sur les ménages. Les entreprises de presse en pâtissent également, en voyant leurs charges s'alourdir encore davantage. La double augmentation de la taxe sur la publicité complique leur tâche. En vertu de la nouvelle loi de finances, la TVA imposée sur la publicité s'élève à 30%, dont 10% relèvent de la nouvelle taxe spécifique aux produits fabriqués à l'étranger. Cela n'est pas sans conséquences sur les annonceurs qui seront, sans doute, contraints à réduire de manière conséquente leurs budgets publicitaires. Certains titres tentent déjà de faire face à cette nouvelle crise, en augmentant le prix de leur journal, comme c'est le cas des quotidiens El Watan et Liberté. D'autres pourront suivre dans les semaines à venir. Mais cette solution ne suffira qu'à leur permettre de subsister. Car les charges sont beaucoup trop lourdes à supporter. Sérieuses menaces sur la liberté de la presse Depuis le début de l'année 2016, de nombreux journaux ont été obligés, en raison du manque de financements, de supprimer des emplois ou mettre fin à leur aventure dans certains cas. Pour l'année en cours, la situation commence à devenir plus compliquée, même pour les journaux publics qui voient leurs espaces publicitaires se rétrécir gravement. Considérée dans le monde comme un des leviers de la démocratie, la presse en Algérie est menacée dans son existence. S'ils ont résisté pendant longtemps aux pressions du pouvoir, les médias indépendants risquent de ne pas sortir indemnes de cette crise économique qui va en s'aggravant. La liberté de la presse et le droit du citoyen à l'information sont sérieusement menacés. Et devant cette situation, le pouvoir joue au spectateur. Aucune solution n'est proposée pour soutenir les médias dans cette épreuve. Pis encore, il maintient illégalement le monopole sur la publicité institutionnelle. Confiée obligatoirement et exclusivement à l'Agence nationale d'édition et de publicité (ANEP), cette publicité est distribuée de manière occulte et en violation des lois en vigueur en matière économique et commerciale. C'est ce qu'a relevé notamment l'avocat Mohamed Brahimi. Dans une contribution publiée sur les colonnes d'El Watan en novembre 2014 sous le titre «L'hégémonisme de l'ANEP sur la publicité institutionnelle : un monopole en marge de la loi ?» il relève, en épluchant les textes de loi, le caractère illégal de cette mesure. «S'agissant du monopole sur la publicité institutionnelle exercé par l'ANEP, il n'y a aucun doute qu'on se trouve devant un cas flagrant de monopole et de concurrence déloyale, puisque l'agence détient l'exclusivité absolue de la distribution des annonces publicitaires des annonceurs publics, ce qui fausse la libre concurrence et constitue une violation de la loi, en l'occurrence le décret 88-201 du 18 octobre 1988, mais surtout une violation des dispositions de la loi relative à la concurrence, notamment la violation de l'article 1 qui interdit les pratiques anticoncurrentielles tendant à restreindre ou à fausser le jeu de la libre concurrence ou à limiter l'accès à un marché», explique-t-il.