Par bribes recomposables, les grands conglomérats du secteur de la communication dans le monde, alliant médias traditionnels et l'Internet, reconfigurent les règles d'implantation et d'influence.La compétition stimulée entre les groupes est aiguisée par l'incontournable enjeu de présence forte sur la Toile. Désormais, une télé, un journal ou une radio ne peuvent sérieusement concevoir de projet de développement de l'entreprise en ignorant le passage / diffusion via l'Internet. Trois nouvelles significatives expriment la tendance en cours, chacune à sa façon. Il s'agit d'abord, venue des Etats-Unis d'Amérique, de la prise sensationnelle remportée en bourse : deux grands groupes, Clear Channel Communications et Reader's Digest Association se sont laissés achetés, « au plus offrant », par des fonds d'investissement, et non pas comme de coutume par des opérateurs du secteur. Le fait bouscule les traditions : Clear Channel est non seulement le numéro un mondial de l'affichage mais aussi leader du contrôle des réseaux de radios aux USA. De son côté le groupe Reader's Digest est célèbre pour son magazine éponyme, qui a balayé la surface du globe de sa diffusion en toutes langues. Les spécialistes américains du domaine avancent en principal facteur à cette nouvelle donne la difficulté des groupes de communication à se conformer aux exigences de l'avènement de l'Internet. En même temps, en effet, le constat est fait d'une accélération de « migration des lecteurs des journaux » vers l'Internet, cependant que l'érosion des ventes « papier » se confirme. Au semestre dernier les ventes des 770 quotidiens principaux du pays ont chuté de 2,8% ; à cumuler avec les 2,6 du précédent. Culminant à 63, 3 millions d'exemplaires vendus en 1984, la diffusion n'est plus que de 43,7 millions actuellement. La forte corrélation des chutes de vente avec la connexion haut débit dans les grandes métropoles retient l'attention et exprime cette « migration des lecteurs » vers l'Internet. Un autre signe est à retenir : le vénérable New York Times déclare une progression de 24% de ses visiteurs du Web, et une chute de 3,5% de ses ventes au numéro. Plus proche de nous, le monde de la presse française est aussi secoué. Le quotidien économique La Tribune, changeant de formule lundi dernier en donne le ton, avec le défi « de répondre aux attentes de cadres actifs férus de nouvelles technologies ». Pour expliquer l'imbrication des versions papier et Internet ce plaidoyer est avancé : « Nos lecteurs ne se contentent plus d'un rendez vous avec l'information, seulement une fois par jour. Nous voulons désormais leur offrir une information en temps réel et toujours de qualité ». D'où le défi du journal de reprendre et actualiser dans la journée les infos sorties en papier le matin. Une synergie des 120 journalistes du quotidien est mise à l'épreuve : ceux du « papier » et ceux du « web », impliqués en avant-première dans l'expérimentation de nouvelles techniques de journalisme. Crédité par l'Office de justification de la diffusion (OJD) de 79 436 exemplaires vendus jour, La Tribune, toujours déficitaire mais « roulant » au chiffre d'affaires annuel de 50 millions d'euros, investit 5 millions d'euros dans sa nouvelle formule. Après les Etats-Unis et la France, la troisième nouvelle indicatrice des tendances de restructuration des médias dans le monde sous l'impulsion d'investissements financiers vient de Dubaï. La gigantesque construction de studios de production audiovisuelle aura forcément des retombées importantes sur l'Algérie, dont la télévision est forte importatrice de programmes orientaux. Media City, le nouvel espace de Dubaï dédié à l'industrie de l'image est en voie de concurrencer implacablement les « commodités » nombreuses offertes par le Maroc et la Tunisie pour les grandes productions internationales inspirées par la région, ou conçues pour la consommation de son aire. Le cheikh Mohamed El Maktoum de Dubaï y met en tout cas toute son énergie à l'entreprise, au point que de gros producteurs de l'Inde sont attirés par les nouvelles opportunités de production. La nouvelle concurrence peut être très sévère aussi à l'encontre de l'industrie égyptienne de l'image. Située dans les délocalisations des sites et firmes de production audiovisuelle l'émergence de ce qui est appelé déjà Dubaïwood, en consonance avec la célèbre région américaine, dispose aussi de l'atout d'être proche du Qatar, quartier général d'El Djazira. Une région infime mais richissime où se concentre des appétits aiguisés à définir la symbolique de l'aire musulmane.
