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«Ce qui gêne le courant islamo-conservateur, c'est l'autonomie de la femme»
Me Nadia Aït Zaï. Avocate, enseignante à la faculté de droit et responsable du Ciddef
Publié dans El Watan le 25 - 10 - 2017

- Le Ciddef a rendu public, en 2010, un plaidoyer pour une égalité de statut successoral entre homme et femme (téléchargeable sur le site Ciddef-dz.com). Quels sont les aspects soulevés par votre texte ?
Effectivement, nous avons travaillé sur un plaidoyer pour une égalité de statut successoral en 2010 et celui-ci a été rendu public. Ce travail s'inscrivait dans une dynamique maghrébine. Nous avons fait un état des lieux de ce que prévoit la loi dans ce domaine, à savoir le code de la famille.
Nous avons mis en exergue les inégalités dans l'héritage, particulièrement l'inégalité entre les enfants, le fils a une part double de celle de la fille ; l'inégalité entre les conjoints selon le sexe du conjoint survivant, si le conjoint survivant est le mari, ce dernier hérite de la moitié de ce que l'épouse a laissé en l'absence d'enfant, en présence d'un enfant il hérite d'un quart. Si le conjoint survivant est la femme, sans enfant elle hérite du quart de ce que le défunt a laissé, avec un enfant, elle hérite du huitième.
L'inégalité selon la religion du conjoint survivant, les conjoints non musulmans n'héritent pas de leur époux musulman alors que l'inverse est admis. L'inégalité entre les enfants légitimes et les autres a été également mise en exergue : un enfant pris en kafala n'hérite pas, il en est de même pour un enfant né hors mariage, même s'il est reconnu par le père. Il a été aussi fait référence à ce que nous appelons les «subterfuges juridiques» utilisés par le détenteur des biens de son vivant que sont le habous, la donation et la vente.
Ces inégalités mises au jour nous ont permis d'interroger le droit international, le droit national et de revisiter le droit musulman sur la question des successions pour proposer des réformes allant dans le sens de l'égalité et de la non-discrimination, principes inscrits dans notre Constitution. Nous nous sommes également basés sur les résultats d'un sondage que nous avons entrepris en 2008 qui révèle à la question posée : «Etes-vous favorable à l'égalité dans l'héritage ?» que les citoyens, dans leur majorité, seraient favorables à un partage équitable et égal entre frères et sœurs.
Nous avons avancé que le principe d'égalité dans les successions dont nous nous prévalons est un principe inscrit dans Le Coran, à ce propos la sourate 4 verset 7 dispose : «Aux hommes, une part de ce qu'ont laissé les père et mère ainsi que leurs proches, et aux femmes une part de ce qu'ont laissé les père et mère ainsi que les proches ; que ce soit peu ou beaucoup : une part déterminée.»
Pour le deuxième alinéa qui prescrit deux parts pour le garçon et une part pour la fille, nous avons fait nôtre l'utilisation des trois principes, à savoir la «Maslaha», c'est-à-dire l'utilité publique, la «Dharoura», la nécessité qui rend «permis l'interdit», et les «Maquassid», c'est-à-dire les finalités de la loi, pour faire évoluer le droit et l'adapter à la réalité, comme la mesure prise d'interdire l'esclavage.
- Votre plaidoyer a-t-il eu l'écho souhaité ?
Nous n'avons pas eu de réaction violente, mais les avis étaient partagés. Le plaidoyer a eu le mérite d'instaurer un débat. Aujourd'hui, il est porté par de nombreux acteurs favorables à l'égalité dans l'héritage.
- En Algérie, des dispositions du code de la famille (mariage, filiation, répudiation) ont été modifiées en 2005, mais le législateur maintient tel quel le chapitre «héritage», qui reste visiblement le tabou absolu. La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (Cedaw) a été ratifiée en 1996 par l'Algérie avec des réserves. Les autorités refusent de les lever, prétextant que les recommandations se rapportant à l'héritage sont contraires à la «souveraineté du peuple» (Rapport de l'Algérie sur l'état des droits de l'homme auprès de l'UPR, Genève). Pourquoi ces blocages ? Est-ce à cause de l'emprise des religieux ?
Qui sont les religieux ? Personne ne se détermine comme tel, c'est plutôt dû à un courant politique. Je vous laisse deviner lequel. Je vous donne un exemple. Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a, dans son message du 8 mars 2015, lancé un appel aux instances qualifiées afin de reconsidérer les réserves de l'Algérie concernant certains articles de la Convention internationale de lutte contre toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (articles 2, 15, et 16).
Cette invitation faite par le Président répond, comme il le rappelle, aux acquis réalisés par l'Algérie pour la promotion et la protection des droits de la femme et la réforme du code de la famille. L'appel de notre Président a réveillé les passions. Les réactions ne se sont pas fait attendre. Le courant islamo-conservateur a réagi par ses représentants. Un sénateur a interpellé le ministre des Affaires religieuses au Sénat «quant aux conséquences néfastes de la mise en œuvre par l'Algérie des articles de la Cedaw adoptée en 1996».
Le ministre des Affaires religieuses, répondant à la crainte du sénateur de voir un mariage se conclure sans tuteur pour la femme, a dû rassurer son interlocuteur en lui affirmant que «l'Etat est conscient de la sensibilité de la question» et que «les réserves émises par l'Algérie sont maintenues». Le ministre ajoute : «Toutes les appréhensions à ce sujet ont été dissipées.» «Vingt ans après l'adoption de la Convention, il n'a été constaté aucun dérapage, comme le mariage sans l'approbation du tuteur ou autre.»
Tout en dénonçant «la sortie médiatique et partisane vaine et sans aucun fondement», le ministre des Affaires religieuses a affirmé «que l'Algérie reste attachée aux réserves qu'elle a formulées au sujet des articles qui sont contraires aux préceptes de la religion musulmane et à l'identité nationale». Le ministre Mohamed Aïssa a rappelé que «l'Etat est conscient de la sensibilité de la question» et que «les réserves émises par l'Algérie sont maintenues».
Le ministre des Affaires religieuses a-t-il été mandaté par le président de la République pour annoncer de manière catégorique que les réserves sont maintenues ? En fait ce qui gêne le courant islamo-conservateur, ce sont l'autonomie de la femme et sa reconnaissance en tant qu'individu et citoyenne à part entière. Lorsque ce courant monte au créneau, les autorités le rassurent qu'on ne touchera pas au statu quo. Ce qui contredit totalement la position du président de la République.
- Les raisons de ces blocages que vous évoquez ne sont-elles pas aussi et surtout économiques pour maintenir la femme dans un statut de «mineure à vie» ?
Si la femme ne travaille pas, oui, elle sera dépendante du père, du frère et ou du mari. Cette situation inégalitaire favorise de toute façon les hommes, car ce sont eux qui ont le pouvoir économique et politique. Ils auront beaucoup de mal à la changer.
- Il est dit que le droit des successions se réfère principalement à la charia. Le texte coranique et la sunna prévoient-ils tous les aspects contenus dans le code de la famille ou y a-t-il parfois des désaccords entre les différents rites sur le calcul des parts ?
Le texte coranique et la sunna ont été la source du droit des successions. Ils ont posé les grands principes du système de partage devant être utilisé. Le partage des successions renferme non seulement des choses qui se rapportent au fiqh, mais aussi des calculs, lesquels en forment la matière principale. Le code de la famille va s'y référer, puisqu'il va s'inspirer du rite malékite qui lui même a beaucoup pris du Mukhtasar de Khalil. Ce dernier détaille dans son ouvrage les catégories d'héritiers fardh et réservataires, ainsi que les bases de partage et le calcul des parts.
Ibn Khaldoun a dit dans ses Prolégomènes «que le partage des successions occupe une place à part dans les traités de droit… C'est un noble art, parce qu'il exige une réunion de connaissances dont les unes dérivent de la raison et les autres de la tradition». Chez les sunnites, il n'y a pas de désaccord sur le calcul des parts, elles ont été fixées sur la base du principe une double part pour le frère et une part pour la sœur.
Khalil affirme que la base du partage sera le nombre deux, lorsque la réserve à prélever est de la moitié ; le nombre quatre, lorsque la réserve est du quart ; le nombre huit lorsqu'elle est du huitième ; le nombre trois lorsqu'elle est du tiers ; le nombre six, lorsqu'elle est du sixième, etc. Par contre, chez les chiites, il semblerait que l'égalité est admise entre les hommes et les femmes dans l'héritage.
- Dans un Etat supposément civil comme l'Algérie, où la Constitution qui instaure l'égalité entre les citoyens est la Loi fondamentale (art. 32), comment est-il possible d'«harmoniser» les textes de loi et ainsi éliminer toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes ?
Tout simplement en se référant à notre Loi fondamentale, la Constitution, qui consacre les valeurs d'égalité et de non-discrimination, mais également le principe de la supériorité des lois. Principe rappelé dans un arrêt du Conseil constitutionnel en 1989. Les dispositions de la Convention relative à la non-discrimination ratifiée par l'Algérie en 1996 doivent être incorporées dans notre droit.
Mais ceci ne peut se faire réellement que si l'on sépare le religieux du législatif, c'est-à-dire que le droit musulman ne doit plus être la source du droit de la famille, s'il continue à l'être, il faut le déconstruire et le repenser dans le sens de l'égalité entre l'homme et la femme.
- Dans les pays musulmans, les textes sur le droit personnel se réfèrent à la charia appliquée différemment d'un pays à un autre. L'ijtihad est-il possible dans cette branche du droit ou faudra-t-il, comme le suggèrent certains réformateurs, dépasser cette notion et privilégier exclusivement le droit positif ?
L'ijtihad est possible, car même s'il n'est pas apparent, il est utilisé par les pays musulmans et particulièrement par l'Algérie. Il a même été rappelé dans l'exposé des motifs du projet de loi modifiant le code de la famille en 2005. Maintenant, il faut que les autorités politiques déterminent : veulent-elle réellement un changement ?
Veulent-elles un droit de la famille construit sur des rapports égalitaires ou veulent-elles faire de cette question un enjeu politique où les femmes sont prises en étau entre les conservateurs et les islamistes ? Les rapports sociaux évoluent, le droit également. Il est temps de renforcer le droit positif par des lois égalitaires.
- Pensez-vous que les Tunisiens iront jusqu'au bout de la réforme du droit des successions annoncée par le président Essebsi et ainsi achever l'œuvre de Bourguiba, initiateur de majallat al ahwal de 1956 ?
Bien sûr que les Tunisiens iront jusqu'au bout de la réforme du droit des successions, car elle est portée par leur Président et une partie de la société civile. Ils ont été et demeurent les précurseurs des réformes du droit musulman. D'ailleurs, ils ont déjà entrepris des réformes que nous aurions pu faire également.


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