La scène médiatique nationale en phase avec le processus d'édification de l'Algérie nouvelle    Agrément de la nouvelle ambassadeure d'Algérie auprès de la République de Slovénie    Oran: plus de 1.000 visiteurs au Salon international du transport et de la logistique "Logistical"    Réunion du Gouvernement : communication sur la revalorisation des pensions et des allocations de retraite    Merad réaffirme l'approche globale et intégrée de l'Algérie face à la migration clandestine    Accidents de la route: 62 morts et 251 blessés en une semaine    La Palestine salue la décision de la Colombie de rompre ses relations diplomatiques avec l'entité Sioniste    Sport automobile/Rallye "Raid Discovery Algeria": 35 motards étrangers et un bon nombre d'Algériens attendus à la 3e édition    Championnat d'Afrique de Judo: quatre athlètes d'Ouled El Bahia honorés à Oran après leurs performances au Caire    L'Algérie établit des relations diplomatiques avec le Commonwealth des Bahamas    Le ministre de la Santé préside l'ouverture d'une Journée scientifique sur "l'histoire de la médecine légale en Algérie"    Hasna El-Bacharia, une icône de la musique Diwane    Plus de 1,5 million de candidats aux examens du Bac et du BEM 2024    Le président de la République préside au CIC la cérémonie de célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse    Ligue 1 Mobilis: USMA-JSK décalé au lundi 6 mai au stade de Baraki    Port d'Alger: recueillement à la mémoire des martyrs de l'attentat terroriste de l'OAS du 2 mai 1962    Batna: décès du moudjahid Saïd Douha    AG de l'ONU : Riyad Mansour critique le véto américain contre l'adhésion de la Palestine    L'Algérie abritera les assemblées annuelles 2025    Pas de recours à l'endettement extérieur, réaffirme le président Tebboune    «Le non-sens juridique et le non-sens tout court ont pris le dessus»    Mondial féminin 2027 : les USA et le Mexique retirent leur candidature commune    Nadal fait ses adieux à Madrid    Un outil essentiel pour l'expression de la vérité    Forum de Doha : Les efforts de l'Algérie en soutien à la cause palestinienne largement salués    Les martyrs palestiniens découverts dans des fosses communes mutilés et dépourvus d'organes    La santé s'équipe en matériel    Le corps d'un troisième noyé porté disparu jeudi retrouvé sur le littoral à Mostaganem    Saisie de viande blanche impropre à la consommation à Oued Kheir    L'Université de San Francesco rejoint le mouvement de soutien à Gaza    Les troupes israéliennes désobéissent aux ordres    LG Electronics MEA innove avec sa nouvelle gamme de produits de divertissement à domicile    Nécessité de renforcer l'arsenal juridique lié à la protection du patrimoine culturel immatériel    Aux origines sionistes de la stigmatisation des musulmans et de la criminalisation de l'islam    Plus de 150 permis de recherches archéologiques octroyés ces 4 dernières années    «Faire avorter les plans et menaces qui guettent l'Algérie sur les plans interne et externe»    Megaprojet de ferme d'Adrar : « elmal ou Etfer3ine »    ALORS, MESSIEURS LES DIRIGEANTS OCCIDENTAUX : NE POUVEZ-VOUS TOUJOURS PAS VOIR LES SIGNES ANNONCIATEURS DUN GENOCIDE A GAZA ?    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80        Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Le diktat des autodidactes    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Yasmina Khadra
Littérature « J'étais un étranger parmi les miens »
Publié dans El Watan le 08 - 07 - 2004

Ces mots sont de Yasmina Khadra, l'auteur algérien le plus lu aujourd'hui à travers le monde. Ses derniers romans Cousine K. et La part du mort l'installent, définitivement, dans les deux genres littéraires : le beau texte et le polar.
La consécration mondiale est là, enfin là oserions-nous dire, pour cet écrivain pur jus, aîné d'une fratrie de 7 personnes, né il y a moins de 50 ans dans l'oasis de Kenadsa (Béchar). « Je suis issu d'un père sédentaire et d'une mère bédouine », précisera-t-il, comme pour insister sur une filiation qu'il lui est très chère. L'écrivain est un homme de mémoire. Un écrivain au parcours singulier qui nous avait, par ailleurs, déclaré, il y a quelques années, dans les colonnes de ce même journal que « la vraie maturité est de savoir reconnaître les mérites des autres ». L'homme encore sous les drapeaux, à la fin des années 1990, embarrassait déjà la hiérarchie militaire qui ne savait plus par quel bout le prendre. Et pas uniquement la hiérarchie militaire « parce qu'au sein de l'armée, je suis un intellectuel et chez les intellectuels, je suis un militaire », nous déclarait-il, éreinté qu'il était par cette suspicion à double tête. Au fil du temps, sa vocation littéraire, nourrie au conte du Petit Poucet transformé en « petit Mohamed » au tout début des années 1960, ne pouvait cohabiter avec une casquette envahissante. Mohamed Moulesshoul qui, « bouleversé par les martyrs des Algériens et terriblement choqué par la barbarie des GIA, consacre ses rares moments de répit à l'écriture à chaud de cette monstrueuse partie de la jeune histoire de l'Algérie indépendante ». « Je transcrivais l'histoire en temps réel », nous confiait-il, il y a quelque temps. Toujours dans la clandestinité littéraire « à l'intérieur d'une famille qui ne parle pas » et sous le pseudonyme de Yasmina Khadra, il publiera en 1997 Morituri chez un petit éditeur parisien, Baleine. C'est le déclic tant attendu. Un romancier sort à la lumière. Un romancier qui pense secrètement déjà à « une retraite anticipée » malgré une brillante carrière militaire. Ce roman va le propulser sur la scène internationale. L'œuvre du jeune commandant nommé en 1991 à la tête du Bureau de reconnaissance de la 2e région militaire expliquera en pleine décennie noire que l'anonymat ne le dérangeait pas, qu'il lui était même familier. Ayant « horreur de l'ostentation et des oiseaux de proie qui se font passer pour des phénix », il se trouvait à l'aise dans cette position d'anonyme « comme nos soldats, nos patriotes, nos orphelins, nos veuves, nos savants, nos philosophes, comme notre peuple qui n'a cessé de subir le lâchage des uns et la lâcheté des autres ». « Ma personne ne devra pas être plus importante que mon témoignage », répétera-t-il auprès de ceux qui insistaient à ce qu'il divulgue son identité véritable. Morituri obtient le trophée du meilleur roman francophone. Suivent deux autres livres Double Blanc et L'automne des chimères, celui-ci décroche le prix allemand du roman noir international. La trilogie traduite dans plusieurs langues (et depuis 2003 aux USA) est portée aux nues par le très sérieux Washington Post et la prestigieuse revue Philadelhia Inquirer La trilogie empruntant aux polars ses meilleurs ingrédients littéraires et ses meilleurs ressorts narratifs est longuement saluée par la critique spécialisée. Le succès de ces romans policiers suscitent quelques colères chez certains écrivains algériens qui dénient à l'auteur de Houria - un recueil de nouvelles, écrit à 17 ans et publié en 1984 chez l'ENAL, après 8 ans d'attente - la moindre crédibilité quant au sérieux de ses dénonciations, d'où l'écriture des Agneaux du seigneur et A quoi rêvent les loups édités en 1998 et 1999 chez Julliard, des produits littéraires devenus en Europe et ailleurs des romans historiques de référence, pour la qualité du style d'écriture et la sincérité du témoignage. Profondément « blessé par une institution ravagée par la ségrégation régionaliste et le favoritisme », Mohamed Moulesshoul, « l'homme qui essaya de s'identifier aux personnages qu'il créera lui-même », quittera l'armée et le pays en 2000 et ira s'installer avec ses enfants au Mexique grâce au soutien du Parlement international des écrivains. Il a, néanmoins, l'honnêteté de reconnaître qu'étant soldat « C'était une grande faveur de pouvoir écrire », ajoutant cependant dans ce dilemme qui ne le lâchait point : « J'étais en fait, un étranger parmi les miens. » En 2001, il publie L'Ecrivain (médaille de vermeil de l'Académie française) et rend publique son identité. L'auteur écrivant sous un pseudo de femme révèle sa masculinité. Le charme se rompt et le soldat-écrivain est mis en quarantaine par l'élite de France. Il est une nouvelle fois montré du doigt par certaines âmes malintentionnées des deux rives de la Méditerranée. Des compatriotes sensibles « aux normes bougnoulesques » et des chasseurs de girouettes avides de pantins. Yasmina Khadra ne rentrait pas dans leur moule du « prêt à penser ». Il déçoit les attentes d'un microcosme en mal de sensations. Interdit d'antenne, son image est dévalorisée, sciemment, dans tout l'Hexagone parce que l'enfant du Sud, Moulesshoul, qui avait passé 25 années de bons et loyaux services dans l'ANP, défendra la muette, son corps d'origine, ciblé par les médias français friands de casseroles et autres scandales grossis pour une consommation carnassière. Il déclinera des invitations, des prix et des honneurs parce qu'il refusera les questions jugées « humiliantes et indiscrètes » sur ses activités dans l'armée algérienne. L'intrépide commandant de la prestigieuse 38e brigade d'infanterie mécanisée gardera intact le sens du devoir. Il ne se laissera aucunement happer par une célébrité bâtie sur un déni d'histoire. Il ne pliera pas aux standards éditoriaux fixés aux écrivains goumiers par les maisons « métropolitaines ». L'institution militaire est une famille qu'on ne déteste pas, malgré la censure que celle-ci lui avait imposée alors qu'il n'aspirait qu'à dire par les mots la tragédie d'un peuple pris en otage par une secte de fanatiques, nourrie au sang d'un peuple pris en otage. Nullement impressionné par ce boycott, le digne descendant de la célèbre tribu des Doui Mnii, qui avait donné du fil à retordre aux contingents coloniaux « pacifiant » par le glaive et la goupille l'arrière-pays téméraire, publie en janvier 2002 L'imposture des mots, un ouvrage brulôt à partir duquel il règle des comptes à tous ces donneurs de leçon. Des donneurs de leçon que le spécialiste en communication, Belkacem Mostefaoui, décrit, à juste titre d'ailleurs, d'islamistologues « en chambre des capitales occidentales, plus prompts à monter, pratiquer et valider des hypothèses de laboratoires pour les vendre et se vendre que de prendre l'avion et visiter l'Algérie ». En septembre 2002, soit à peine six mois après L'imposture des mots où sont dénoncés les coups bas, l'arbitraire et la mesquinerie, sévissant dans les cercles parisiens, Yasmina Khadra sort Les hirondelles de Kaboul. Ce dernier roman rencontre immédiatement le succès. L'œuvre saluée par les plus grandes plumes de la planète est traduite simultanément dans plusieurs langues. On la lit aussi bien en Australie qu'en Afrique du Sud, en Pologne qu'aux Etats-Unis, en Grèce et en Turquie. L'ancien cadet de la révolution qui ne rêvait qu'« à une seule chose : écrire » a fini par réaliser ce rêve même si, resté modeste comme le sont tous les intellectuels authentiques Yasmina Khadra ne prétend pas être un grand écrivain il dit avoir peur de la notoriété et avec humilité, il ajoute : « Je suis un écrivain qui est sur le bon chemin ». « Mon éducation m'a enseigné d'être digne », dira-t-il. Digne parce que dans l'art d'écrire, il a été comme il le souhaitait : dans la tranchée où se trouvait l'Algérie qui ne se vend pas pour une bouchée de pain.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.