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Extraits-Roman de Rachid Mokhtari : Imaqar
Publié dans El Watan le 10 - 01 - 2008

Après « Elégie du froid » paru aux éditions Chihab en 2004 « Imaqar » est le deuxième roman de Rachid Mokhtari et son huitième ouvrage. Cet essayiste qui a consacré plusieurs titres à la musique et la littérature algériennes affirme une écriture romanesque épurée et un sens avéré de la narration. « Imaqar ». Roman. Editions Chihab, Alger, 2007. 240 pages.
Tous les habitants mâles s'étaient attroupés sur la place du village Imaqar, baptisée par leurs aïeux Anar N'Boudrar, l'aire de Boudrar. Ce nom propre est resté dans les mémoires, mais personne, à ce jour, ne sait d'où il vient ; cette place vers laquelle du nord, déboulait une piste tout en méandres qui tenait plus du chaos d'un lit d'oued au sortir de l'hiver que d'un chemin à peine carrossable. Les gosses, braillards, les premiers, s'y étaient précipités, pataugeant dans des flaques d'eau, la plupart pieds nus, malgré le froid vif de cette brumeuse matinée d'un octobre qui faisait leurs délices : les églantiers laissaient tomber leurs fruits, parsemant les champs avec leurs petits chapeaux verts dont raffolent bêtes et gens ; et, plus que tout, il y avait les pièges à moineaux gavés de fourmis ailées déterrées de leur fragile abri. L'école pouvait attendre que cette saison prît fin. Ils couraient à qui mieux mieux vers la place, se bousculant sur le chemin principal du village. Un village bâti sur un mamelon de montagne, sur ses flancs nord et sud bordés de ravins, d'où jadis, racontaient les anciens, furent chassés les crapauds. Dans cette mêlée, on eût cru, n'étaient ces bambins, au passage tumultueux d'un troupeau de bêtes pressées, comme chaque matin en cette saison, d'aller brouter à satiété les herbes aux foisonnantes poussées. Les amphibiens, jadis maîtres des sources, avaient peu à peu cédé leur territoire au peuple de Nouh qui bâtit son village sur le lieu de leur reproduction. Les crapauds tentèrent, aux premiers temps de l'occupation, de résister en se massant près des premiers murs en pisé qui commençaient à donner forme aux habitations. Ils emplissaient la nuit de leurs coassements et, tôt le matin, empêchaient les femmes de faire provision d'eau aux sources dans lesquelles ils barbotaient ; le reflet de l'eau grossissant leur gueule aux yeux exorbités. Leur peau séchée aux soleils les plus torrides, soigneusement écrasée au pilon, servit des années durant à faire et défaire des amours jalousées, répudier une bru détestée ou faire revenir un émigré égaré dans les tripots de Barbès. Cette poudre de peaux de crapauds choisis parmi les plus gros, soigneusement mise dans de petits morceaux de tissus bien cousus, faisait des amulettes que les vieilles suspendaient dans quelque coin obscur de la maison, le plus loin possible des regards. On racontait que c'était à cause de cette potion magique d'anoures que les soldats envahirent le village et dépouillèrent les habitants de leurs terres fertiles. Cette malédiction allait-elle encore frapper Imaqar ? se demandaient les femmes qui virent de leurs patios la bande d'enfants qui traversait le village bruyamment, comme fuyant un danger imminent. Pressentant le malheur, elles fermèrent leurs portes et attendirent que le danger passât. Les vieux, la canne en avant, emmitouflés dans leur burnous d'un blanc jauni par la fumée de l'âtre, avançaient vers Anar N'Boudrar, vers leur passé. Ils se souvenaient quand, alors qu'ils avaient à peine quelques années de plus que ces bambins, ils couraient eux aussi à l'aube, il y a de cela plus d'un demi-siècle, vers le même lieu, à l'approche des fenaisons et surtout, des vendanges. Les propriétaires des fermes coloniales sillonnaient les villages et recrutaient à leur façon : ils installaient une estrade de fortune de manière à dominer la foule juvénile amassée et lançaient au-dessus des têtes couvertes de chéchias rouges des faucilles neuves, à la lame prête à mordre l'épi ou le cep. Les faucilles, lancées du haut de l'estrade, tournoyaient au-dessus des têtes des futurs khammès. Des mains crispées, affamées se tendaient vers le ciel comme pour une ultime prière, les doigts raidis, prêts à saisir la lame d'acier en demi-cercle qui, dans son tournoiement, devenait aussi tranchante que leur douk douk aiguisé. Celui qui réussissait à en attraper une, tournoyant dans sa course, sortait de la foule serrant la faucille sous son aisselle, de peur que d'autres villageois ne la lui prennent, et allait inscrire son nom en exhibant l'objet du labeur à un gendarme grassouillet, assis sur un monticule, tenant un gros registre sur ses jambes courtes. Selon son humeur, ce dernier attribuait des noms bizarres aux porteurs de faucilles qui, affamés n'arrivaient pas même à prononcer correctement leur patronyme. Et, comme le traducteur faisait peu de cas de l'exactitude de l'état civil, il dictait au gendarme des noms d'oiseaux, d'arbres et désignait certains par une particularité physique ou un handicap. (...)
n parle d'une invasion de crapauds et, selon certaines rumeurs, elle menacerait réellement le village. — C'est une réalité. Pour le moment, le village ne veut pas que l'affaire s'ébruite. Les habitants ne veulent surtout pas entendre les gens qualifier Imaqar de « village de crapauds » Sornettes, il y va de leur honneur. Où en est l'avancée ? — Personne n'a le courage d'aller à l'endroit où ils prolifèrent. Une chose est sûre, ils sont là, ces ranidés. Ils avancent lentement mais sûrement. Qu'est-ce qui les attire vers le village ? Allez savoir ! D'après des rumeurs, mais chacun se plaît à colporter n'importe quoi, leur génétique a changé. Certains jurent qu'ils ont vu des crapauds nouveau-nés avec des queues. Du jamais vu. Peut-être ont-ils confondu avec des lézards.
Il faut vérifier sur place. Je demanderai au Vieux de m'y emmener.
Personne ne voudra aller là-bas. Ceux qui s'y sont risqués en sont revenus les jambes à leur cou. L'image est insoutenable. C'est un grouillement d'êtres difformes, de peaux visqueuses ; les troncs d'arbres sont recouverts de pustules et plus aucune herbe n'y pousse. Il cessa de pleuvoir. Le conducteur sortit, un chiffon à la main, décolla les essuie-glaces, essuya le pare-brise, maudit Satan et reprit la route. Le journaliste avait déjà pris quelques notes sous le regard méfiant du marchand de patates à la camionnette. (J'ai intérêt à ne pas en dire plus. On ne sait jamais. Et puis qu'en sais-je ? il m'a dit qu'il était de la région alors qu'il est peut-être un agent expressément envoyé par le responsable à la barbe hirsute. ) —J'espère que vous n'allez pas me citer. Pas seulement mon nom. Toute indication par laquelle on saura que c'est moi, la camionnette par exemple. Je ne veux pas avoir d'histoires ! Ils amorcèrent la piste crevassée et boueuse d'Imaqar. La camionnette patinait et le conducteur serra à gauche, frôlant presque les limites des champs. Le côté droit donnait sur le ravin des crapauds. Le pigiste, habitué au paysage, ne le regardait pas. Mais son regard fut attiré par un arbre aux racines noueuses où pendaient plusieurs morceaux de tissus, des touffes de cheveux et des casseroles de toute dimension. Le conducteur, qui commençait à recevoir de l'eau de pluie qui s'égouttait des joints usés du pare-brise, s'agitait. Ses genoux étaient mouillés et ses pieds glissaient sur les pédales. Il comprit, malgré tout, l'étonnement du jeune journaliste qui attendait le scoop du siècle. Le premier papier qu'il envoya ne fut pas publié. Il ne contenait aucune information, que des élucubrations. Son rédacteur en chef le lui avait signifié en lui rappelant qu'il devait impérativement distinguer le fait du commentaire. (...) Le Vieux eut peine à prendre un taxi vers la gare routière. Depuis qu'il s'était terré au village, il venait rarement dans la capitale où il avait pourtant beaucoup d'amis. D'habitude, il faisait le tour des librairies du centre ville, s'enquérait des dernières parutions nationales et étrangères. Il avait acheté, il y a quelques années, plusieurs romans de Gabriel Garcia Marquez. Il n'en avait plus le cœur. C'est à peine s'il avait jeté un bref regard sur la vitrine d'une des librairies du grand boulevard. Il aurait voulu demander à l'une des vendeuses, une belle blonde au verbe haut, quelque documentation sur les crapauds, la race des amphibiens de manière générale. Mais, il aurait fallu que la vendeuse fût seule et encore ! Et d'abord comment formuler cela à une jeune femme, faire ce genre de demande devant des clients ? Il en rougirait, perdrait son assurance devant le sourire narquois de la libraire qui répondrait certainement : « Non, Monsieur, on ne s'intéresse pas aux crapauds. Lors du dernier salon du livre à Paris, on a failli importer des livres de cuisine qui contenaient des recettes à base de grenouilles. » Elle lui aurait dit : « Finalement, on les a remplacés par une série qui s'est très bien vendue : Comment faire l'amour à une femme. On nous les aurait saisis à l'aéroport, c'est sûr. En nous accusant de vouloir délibérément avilir les habitudes gastronomiques de nos concitoyens. Mais cela dit, je suis sûre que, s'ils avaient été importés, on aurait vu s'installer des marchés de grenouilles qui auraient rivalisé avec les poissonniers et nos oueds auraient enfin été lucratifs. Cher Monsieur, je vous conseillerai de ne pas poser ce genre de questions en public, lui aurait-elle dit. On vous accusera de grenouiller. Nous avons assez de moutons, de boeufs, de toutes sortes de poissons congelés, vous comprenez ? » (...)
Le portier jouait entre deux portes dont il tenait les clés au même titre que celles de la mairie. Il habitait un hameau près d'Imaqar et son épouse, une jeune paysanne de famille maraboutique, s'occupait de leurs trois enfants, des travaux champêtres, de son jardin potager. Quand son mari daignait la faire descendre au chef-lieu, c'était généralement pour des raisons médicales ou, exceptionnellement, les jours de fête, pour rendre visite à sa famille. Elle ne savait rien de la profession de son époux, mais elle en parlait dans son voisinage comme d'un homme important, qui avait ses entrées chez le maire. Des femmes d'Imaqar essayaient, par son intermédiaire, de débloquer une demande de permis de construire, d'obtenir un travail sur un chantier communal pour leurs fils et ne venaient pas la voir sans un panier d'œufs, cinq litres de la bonne huile qui guérissait tous les maux et, parfois, des coupons de tissus fins. Alors, elle faisait étalage des secrets d'alcôve que son portier de mari lui confiait quand elle le tenait en haleine dans leur couche. Elle se gonflait comme un paon zoukh zoukh devant ses admiratrices qui lui enviaient sa situation d'épouse d'un portier qui jouissait de la confiance du maire. Les héritiers Djeraï qui dépensaient sans compter dépêchèrent leur mère auprès d'elle pour lui glisser une grosse enveloppe pour les services rendus indirectement par son époux qui leur avait facilité l'entrée de la mairie et organisé pour eux, avec le premier élu, en cachette, plusieurs rendez-vous pour l'obtention des papiers établissant leur parenté avec Gérard. Ils ne pouvaient oublier ces faveurs dont elle était la représentante dans le réseau féminin d'Imaqar.


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