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Larbi Benchiha, réalisateur de documentaires sur les essais nucléaires en Algérie : «On peut décontaminer Ain Ekker, mais pas Hamoudia et Reggane»
Publié dans Horizons le 12 - 02 - 2010

Il y a cinquante ans, jour pour jour, la France effectuait les premiers essais nucléaires dans le Sud de l'Algérie. Pour quelles motivations et comment a-t-elle pu implanter des bases atomiques secrètes dans un pays en guerre ? Pourquoi avoir réalisé de tels investissements et pris le risque d'amener la bombe nucléaire dans cette région, alors que la révolution s'organisait et s'amplifiait ? Pourquoi le silence a-t-il persisté sur ces essais pendant presque un demi-siècle ? Ce sont des questions auxquelles Larbi Benchiha, réalisateur et journaliste algérien établi en France, tente d'y répondre dans son documentaire «Vent de sable» d'abord, puis dans «L'Algérie, de Gaulle et la Bombe» dont l'avant-première en Algérie est prévue au cours de ce mois, mais également dans cet entretien qu'il a bien voulu nous accorder. A votre avis, qu'est-ce qui a motivé la France à effectuer des essais nucléaires en Algérie ? Et pourquoi au Sahara ?
Le projet de doter la France de l'arme de dissuasion datait de la Seconde Guerre mondiale. Le général de Gaulle n'a jamais accepté le fait que la France soit écartée de la conférence de Yalta (réunion secrète en 1945 entre l'Union Soviétique, le Royaume Uni et les Etats-Unis).
C'est pour cela que, en octobre 1945, de Gaulle a créé le CEA (Commissariat à l'énergie atomique) par ordonnance. Le choix du Sahara était dicté du fait que pour de Gaulle, cette région ne faisait pas partie de l'Algérie. C'était le lieu idéal pour ce genre d'expérimentation, le Sahara étant à la fois proche de la France, pour l'acheminement du matériel nécessaire, et relativement loin des curieux… Les Français ont commencé à faire exploser leurs bombes en février 1960. La première explosion, «Gerboise bleue», a eu lieu le 13 février 1960.
A cette époque, l'Algérie était encore territoire français. Les expérimentations ont continué jusqu'en décembre 1966. Mon film «L'Algérie, de Gaulle et l'Algérie», qui sera présenté en avant-première lors du colloque international sur les essais nucléaires à Alger, analyse donc cette problématique car je me suis aperçu, lors de mes recherches, que beaucoup de questions fondamentales restaient en suspens, sans réponses.
Mon enquête m'a amené à revisiter les sites en compagnie de scientifiques et de militaires ayant travaillé sur les bases. J'ai également rencontré les négociateurs encore vivants des accords d'Evian. Ces accords sont la base et le fondement du récit. Les négociateurs des deux bords (Algériens et Français) m'ont appris que le général de Gaulle avait une stratégie bien définie pour l'Algérie.
C'est-à-dire ?
Pour lui, le Sahara ne faisait pas partie de l'Algérie, c'était une création exclusivement française. Les stratèges politiques français considéraient le Sahara comme une mer de sable qui appartenait à celui qui l'avait mise en valeur, en l'occurrence la France, puisqu'elle y avait réalisé des forages pétroliers et investi des sommes colossales pour édifier les bases atomiques.
La question du Sahara a beaucoup pesé dans les négociations. On dit que s'il n'y avait pas eu la question du Sahara, la guerre n'aurait pas duré sept ans et demi… Le film revient donc sur l'histoire du nucléaire au regard des accords d'Evian.
Qu'avez-vous découvert à propos des négociations d'Evian ?
Les négociations entre l'Algérie et la France étaient « donnant-donnant » : les Français tenaient à leurs bases nucléaires et les Algériens ne voulaient pas abandonner le Sahara, et comme dans toute négociation, un compromis a été trouvé, qui convenait à peu près aux deux parties. Pour les historiens que j'ai rencontrés, la France avait une vision nette de l'avenir du Sahara, elle le considérait comme territoire français, définitivement. En décolonisant le Maroc et la Tunisie en 1956, puis l'Afrique de l'ouest en 1960, la France s'était aménagé une Algérie qui s'étendait des rives de la Méditerranée aux confins du Sahara.
Vous avez également fait des recherches sur les essais nucléaires souterrains à Ain Ekker et Hamoudia, au Hoggar. Quelles sont les conclusions des experts ?
Pour la base d'Ain Ekker, il y a deux aspects : la pollution visuelle, qui est facilement remédiable, et la pollution radioactive qui est importante et problématique. Cette pollution radioactive est due à la lave qui est sortie de la montagne lors de l'accident du tir Béryl, et qui constitue un danger permanent pour les êtres vivants. L'essentiel de la pollution se situe à proximité du carreau E2, mais on pense, et les mesures le confirment, que des particules de lave ont migré suite aux précipitations et aux ruissellements.Je dirais, qu'autant à Ain Ekker on peut parfaitement tout décontaminer et réhabiliter, autant à Hamoudia il semble impossible étant donné l'étendue du champ de tir. Cependant, sur les deux sites il y a urgence à sécuriser, et pour cela, on doit établir rapidement une cartographie radiologique. Il faut savoir qu'il est tout à fait possible de pénétrer sur les deux sites, parce qu'ils ne sont ni surveillés, ni sécurisés.
A Ain Ekker, au pied de la montagne Tan Affela, il y a des traces de passage, voire de séjour, de trafiquants de métaux divers. Il y a partout des foyers de brûlage pour dégainer des câbles électriques. Il y a aussi des traces de pénétration dans les galeries (qui mènent aux laboratoires) et ça c'est extrêmement grave, car en profondeur, les galeries sont saturées de radioactivité. Lorsqu'ils ont quitté les bases sahariennes, les Français les ont remises aux Algériens sans démantèlement, sans dépollution, sans sécurisation.
Le matériel hautement radioactif a tout simplement été enfoui dans le sable. Depuis, il n'y a pas eu d'enquête épidémiologique pour déterminer les pathologies. Mais il n'est jamais trop tard pour régler les problèmes, il est encore temps. Je me répète sans doute, mais le plus urgent est de sécuriser, de nettoyer, décontaminer quand c'est possible, mais aussi de permettre aux scientifiques, aux journalistes, aux cinéastes de travailler librement pour écrire l'histoire, pour constituer une mémoire, pour que les générations futures sachent ce que nous leur avons légué, et dans quel environnement ils vivent.
La décontamination de Reganne est-elle possible ?
Personnellement, je ne crois pas trop qu'on puisse décontaminer le sable saharien. On peut ramasser le plus gros, comme par exemple les fameuses taches de léopard sur les points zéro, encore faut-il beaucoup de moyens. Mais le sable est indécontaminable, car les particules microscopiques de plutonium sont disséminées dans le sable, on ne peut pas racler le sable sur un mètre de profondeur sur des milliers d'hectares, c'est impossible.
Il faut ramasser ce qui peut l'être et le stocker selon les normes internationales. Il faut aussi que la France remette aux Algériens les plans des différents points d'enfouissement et la nature de ce qu'on a enterré. Il y a un groupe de travail composé de scientifiques, de personnalités militaires et politiques algériens et français, qui œuvre à l'élaboration d'une cartographie radiologique.Il faut attendre les conclusions de leurs travaux. Mais attention ! dépolluer, nettoyer ne veut pas dire effacer les traces de l'Histoire, et du passé. Non, au contraire, il faut préserver des empreintes visuelles, mais aussi les traces non observables à l'œil nu, (par exemple on peut chercher comment rendre observable à des fins pédagogiques une petite parcelle de sable vitrifiée, un bloc de lave…). Ces aspects-là alimenteront notre mémoire.
La loi sur les indemnisations des victimes des essais nucléaires en Algérie, annoncée au mois de janvier, concerne-t-elle aussi les victimes algériennes ?
Le décret d'application n'a pas encore été publié. C'est une petite loi mais c'est mieux que rien. Pour que cette loi soit effectivement efficace, il faudrait d'abord la doter d'un fonds propre, puis que les demandes d'indemnisation soient traitées par un organisme paritaire, avec des personnalités indépendantes.
Les Algériens sont concernés, mais cela ne veut pas dire grand-chose. Imaginez-vous un habitant de Reggane ou d'Ain Amguel constituant un dossier et allant plaider sa cause seul, à Paris, contre l'Etat français ? Il ne faut pas rêver.
Aujourd'hui, c'est le 50e anniversaire de ces essais. Ce sujet est-il évoqué en France, par la société civile notamment ?
En France, personne ne s'apprête à célébrer ce cinquantenaire, les vétérans oui, ils le célébreront tristement comme un funeste souvenir, comme le drame de leur vie. Je crois que ce qui fait le plus mal, aussi bien aux vétérans français qu'aux ouvriers algériens qui ont travaillé sur ces bases, c'est le manque d'information. Les gens ne savent pas s'ils sont malades, si leur maladie est imputable ou non à leur présence sur les sites.
La première douleur se situe à ce niveau, au niveau de cette chape de plomb de l'incertitude. Le silence qui a persisté pendant un demi-siècle dans cette histoire, est dû notamment au fait que la France ne souhaite pas évoquer ce passé peu glorieux.


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