Changements n Le fossé est perceptible entre l'ancienne et la nouvelle génération de chanteurs et chanteuses algériens. La chanson algérienne connaît depuis près de vingt ans une crise et stagne dans un marasme sans précédent ; plus de création, plus d'inspiration et absence de sensibilité. Il n'y a plus de chanteurs ou de chanteuses, mais plutôt des interprètes : ils se contentent de puiser dans le répertoire collectif et d'en faire un album. Rares sont les artistes (femmes ou hommes) qui se livrent à un réel travail de recherche ou de réflexion ; la plupart préfèrent les reprises ; c'est plus commercial et, en conséquence, plus lucratif. La chanson algérienne n'est plus ce qu'elle était : colorée et vivante, prenante et soutenue. Elle stagne ; le niveau musical est dans une phase de régression ahurissante. Force est de constater un large fossé entre l'ancienne et la nouvelle génération de chanteurs et chanteuses algériens. Mais à quoi cela est-il dû ? «Il y a d'abord le contexte qui est différent», explique Abdelkrim Tazarout, journaliste et spécialiste de la chanson algérienne : «Ce n'est plus le même environnement. Des changements se sont opérés pour ne parler que du support : le vinyle a cédé sa place à la cassette qui ,elle, a été supplantée par le CD. Cela a changé la donne sans qu'une autre ligne directrice se dégage dans la production, la commercialisation et la promotion de la chanson. C'est dire qu'actuellement un chanteur doit avoir un nouvel album, une dizaine de chansons pour avoir droit à une promotion. C'est dur. D'un autre côté, nous trouvons des chanteurs au parcours éphémère qui ont du mal à s'imposer et qui finissent par baisser les bras. Cela dit, ceux qui ont la chanson dans la peau résistent et ils existent.» A la question de savoir ce qu'on pourrait dire aujourd'hui de la chanson algérienne, Abdelkrim Tazarout répondra : «Faute de repères, de grands orchestres, de compositeurs et de paroliers de renom, la chanson algérienne peine à retrouver ses marques. Pour preuve, il n'y a pas eu d'émergence de nouveaux noms dans la chanson et Aït Menguellet reste parmi les rares, sinon le seul en mesure de remplir une salle de spectacle.» Revenons sur le problème de la création qui, elle, a cédé la place à la reprise (et au mimétisme), Abdelkrim Tazarout tient à souligner : «La création n'est pas à la portée du premier venu et les recettes dans le domaine de la chanson n'existent pas «Le phénomène des reprises est international» ajoute-t-il, et d'expliquer : «Pour un artiste en herbe, la reprise reste une étape qui lui permet de mettre en valeur sa voix, le reste est affaire de compositeurs et de paroliers.» «Cela étant, indique-t-il, j'ai eu du plaisir à découvrir quelques artistes qui m'ont subjugué par la qualité de leurs textes et compositions ainsi que par leur manière de les interpréter. Il s'agit de Souad Massi, de Cheikh Sidi Bémol et d'Ali Amrane. Une bouffée d'oxygène. Réda Doumaz me séduit aussi par sa quête perpétuelle du renouveau de la chanson chaâbie.» Abdelkrim Tazarout a, à son actif, quelques publications : l'une sur le chanteur Mohamed Lamari, l'autre sur El-Hadj El-Hachemi Guerouabi. Il a pour projet la réalisation d'un ouvrage consacré à Sadek Abdjaoui, et un autre sur les belles voix féminines. Il travaille également à la préparation d'un hommage à Brahim Izri, artiste et compositeur hors pair.