Parmi les raisons objectives ? en plus de la faiblesse de son rendement interne ? qui militent pour la réforme de l?école, les observateurs avancent le déphasage du discours et du vécu scolaire par rapport aux mutations de la société algérienne. Avec l?ouverture démocratique à partir de 1990, les Algériens aspirent à vivre dans une société de liberté et de tolérance. Finis les réflexes du parti unique qui fossilisent les ressorts de la société. Des réflexes pendant longtemps reproduits par les schémas pédagogiques et les programmes scolaires d?une école algérienne accusée ? à raison ? de privilégier l?idéologique. Ses objectifs étant de «formater» les esprits en friche des enfants. Les exemples du programme d?histoire, de celui de littérature (langue arabe) sont édifiants. Ils traduisent un déphasage dangereux entre les aspirations d?une société en mutation et des élèves endoctrinés jusqu?à saturation. La dimension amazighe du peuple algérien passe au second plan dans les manuels d?histoire. Dans une célèbre étude comparative publiée au début des années 1990, l?universitaire oranais Hacène Remaoun a levé le voile sur cette marginalisation de l?algérianité dans les programmes d?histoire. Près des deux tiers des leçons sont consacrées au monde arabo-islamique et l?histoire d?Algérie réduite à la portion congrue. Le Maroc, lui, a opté pour une tendance inverse : les deux tiers pour l?histoire nationale et le reste pour le monde arabe. A ce jour, nos programmes d?histoire n?ont pas évolué d?un iota. Bizarre ! En matière de littérature arabe, la richesse de ce patrimoine est totalement ignorée. Les noms prestigieux d?écrivains, de poètes et d?hommes de théâtre d?Algérie ou des pays voisins ne figurent pas au programme. Benhadouga, Ouettar, Kateb Yacine, Mammeri, Dib et tant d?autres hommes de lettres sont inconnus de nos jeunes lycéens. En revanche, ils ont appris par c?ur des textes de Bachir Ibrahimi, El-Mili, Larbi Tebessi ou Ibn Badis, qui sont certes des hommes de religion respectables, mais que l?on ne peut intégrer dans la sphère littéraire au sens artistique du terme. La confusion entre littérature de langue arabe et textes religieux a engendré des dégâts, au point que les performances de nos élèves dans cette langue sont officiellement jugées inférieures à la moyenne. L?usage à forte dose de textes religieux en guise de supports didactiques est facilité par l?encyclopédisme des programmes et les méthodes basées sur la mémorisation/répétition. Aborder la littérature sous son angle esthétique, psychologique et sociologique amènerait forcément l?élève à faire preuve d?originalité, d?esprit critique et d?imagination. Autant d?attributs d?une intelligence vivante mais jugée subversive par les partisans de l?ordre (immuable) établi. D?autres déphasages sont entretenus depuis des décennies. Nous citerons sans entrer dans les détails : la frilosité à l?égard des langues étrangères, le français notamment, la minorisation de l?EPS et de l?éducation artistique, la lenteur de l?opéraion ? ô combien capitale ? d?introduction de l?ordinateur à l?école.