La légende veut que le dernier indigène de Tasmanie ait été tué, comme avant lui ses congénères, au cours d'une joyeuse partie de chasse organisée par les derniers colons anglo-saxons. Sur cette grande île presque à l'extrême sud de l'Australie et jadis sauvage, on trouve aujourd'hui de grosses voitures, des avions, de riches bourgeois, des ouvriers de ferme, des clubs hippiques, des dames pipi, des courts de tennis et de grandes entreprises agricoles où les maisons de maître sont des châteaux. Et en principe, autour de ces châteaux, on ne chasse plus l'indigène. C'est dans l'une de ces grandes propriétés que naît, vit et grandit Rachel Wilson. Tout le monde adore cette mignonne fillette blonde. Plus tard, au collège, ses camarades lui font une véritable cour permanente. Le monde est pour elle à l'image de cette existence trop protégée : peuplé de gens aimants, prêts à succomber devant son charme. Aussi, lorsque Rachel rencontre Lyne et Laurie, ne voit-elle en ces deux charmantes femmes que de nouvelles admiratrices. En vacances sur la grande île, Lyne et Laurie prennent vite Rachel sous leur protection, presque sous leur coupe. La jeune fille se laisse volontiers entraîner au cinéma, au restaurant, voire au dancing, et puis un jour elle leur expose son cas : «Je viens de terminer mes études secondaires. Les vacances finies, il va falloir que je rentre à l'université de Melbourne.» Lyne, vingt-sept ans, est une brune pétulante, gérante d'un magasin d'articles de sport, et Laurie, vingt-cinq ans, blonde sylphide, exerce le métier d'esthéticienne. Elles vivent ensemble. «Puisque vous habitez Melbourne, explique Rachel, vous pourriez m'aider à trouver une chambre ou un studio près de la faculté ? — Bien sûr, ma chérie, comptez sur nous», susurre la sylphide Laurie. Quant à la pétulante Lyne, elle affirme sans hésiter : «J'ai une meilleure idée. Pourquoi ne viendriez-vous pas habiter chez nous ? Notre appartement est très grand, vous pourriez disposer d'une pièce indépendante. — Mais oui ! Pourquoi pas ? ajoute Laurie entourant la jeune fille d'un bras maternel, vous vous sentirez beaucoup moins seule avec nous.» Sur le bras blanc de Laurie, tendrement posé sur l'épaule de Rachel, s'ajoute le bras de Lyne, plus brun et plus potelé, mais tout aussi affectueux... Mais la jeune fille hésite : pourra-t-elle bénéficier d'une totale liberté en partageant son logement avec deux femmes ? Très intuitive, Lyne prévient ses craintes : «Soyez tranquille, dit-elle en riant, nous ne vous ennuierons pas. Nous vivrons notre vie chacune comme nous l'entendrons.» Les vacances s'étirent. L'accord est conclu. Dès la fin du mois d'octobre, la ravissante et innocente Rachel Wilson, venue de sa lointaine Tasmanie pour suivre les cours de la faculté à Melbourne, surgit avec ses deux valises dans l'appartement de Lyne et Laurie : «Laurie n'est pas là ? s'étonne la jeune fille. — Non, elle n'habite plus ici, murmure Lyne avec un brin de tristesse. Ne parlons pas d'elle : cela m'a fait beaucoup de chagrin. Occupons-nous plutôt d'aménager votre chambre.» Lyne, la pétulante brune, et Rachel, l'innocente blonde, s'amusent beaucoup à aménager et organisent une petite soirée pour fêter les débuts de leur cohabitation. C'est ainsi que la jeune fille fait la connaissance, avec son enthousiasme juvénile, des amis de Lyne, sans remarquer leur réticence et leurs allusions à peine voilées. (A suivre...)