Résumé de la 3e partie - Quand elle apprend ce qui s'est passe chez Mme Schmidt, sa mère décide que Bruno n'ira plus livrer le linge… Un soir de juillet 1970, alors qu'il est en train d'admirer le soleil couchant dans le port, une voix l'interpelle dans son dos : — Bonjour, beau blond ! Bruno se retourne. C'est une jeune fille en robe verte, d'un vert sombre, comme les arbres juste avant la nuit. Il s'approche d'elle. Elle n'est pas parfumée. II lui touche le bras. La fille se dégage avec un petit rire. — Pas si vite, beau blond ! Est-ce que tu as de l'argent ? C'est vingt marks. Bruno fouille dans ses poches. Non, il n'a pas vingt marks. II n'en a que dix. Il les tend à la fille, avec un sourire timide. Mais elle le repousse. — Rien à faire, c'est vingt marks ! Bruno ne comprend pas, il n'a jamais compris à quoi sert l'argent. Tout ce qu'il comprend, c'est ce qu'il ressent, ce qu'il veut. Et il veut cette fille ! Il s'approche... Non seulement elle n'est pas parfumée, mais elle sent bon. Le tissu de sa robe est soyeux, ses bras sont doux... La jeune fille hurle. Bruno n'aime pas ce cri. Il ne faut pas qu'elle crie. Il ne faut pas ! L'instant d'après, elle est toute molle dans ses bras. Bruno la regarde, incrédule. Il n'a rien fait de mal. Il l'a juste serrée un peu pour qu'elle ne crie pas... Quand il rentre chez sa mère, il fait déjà nuit. Mme Ludke comprend tout de suite, malgré les explications cachées de son fils, qu'il est devenu un assassin. Maintenant, il est trop tard. Il faut que Bruno reste chez elle pour échapper à la police. Magda Ludke fait promettre à Bruno de ne plus partir «en vacances». En tout cas, pas avant qu'elle ne lui en donne l'autorisation. A Kiel, l'enquête sur le meurtre de la prostituée est menée plutôt mollement. Des témoins ont bien remarqué plusieurs fois ce grand jeune homme aux yeux bleus qui passait des heures immobile à regarder l'eau sale. Quelques-uns lui ont même adressé la parole. A ces réponses simplettes, ils ont compris qu'il s'agissait d'un innocent. C'est aussi ce que pense la police : un innocent dans tous les sens du terme, qui n'a rien à voir ni de près ni de loin avec le meurtre... L'enquête suit donc d'autres pistes : trafic de drogue, sadique. Aucune n'aboutit et, au bout de six mois, l'affaire est enterrée, en attendant d'être classée. Pendant tout ce temps, Magda Ludke vit dans l'angoisse. En quittant tous les soirs la blanchisserie, elle n'a qu'une hâte : rentrer chez elle et s'assurer que Bruno est bien à la maison, qu'il n'est pas reparti pour une de ses fugues dont elle sait à présent qu'elles peuvent être meurtrières. Mais chaque soir, Bruno est là, abîmé dans la contemplation des derniers rayons de soleil et elle finit par se dire qu'il s'est définitivement assagi. Alors, un soir de janvier 1971, Mme Ludke dit à Bruno après le dîner : — Mon grand, tu vas pouvoir, si tu veux, partir en vacances. Mais attention, pas loin, hein ! Et pas dans le port, surtout pas dans le port ! Ne sors pas du quartier. (A suivre...)