Constat A Oran, depuis quelque temps, «les fous sont dans la ville». Leur nombre croît chaque jour davantage et la détresse qu?ils incarnent ébranle les plus téméraires. On pourrait évoquer, bien sûr, la crise du logement, le chômage, la mal vie? bref tous les détonateurs de troubles. Avec la démographie galopante, ceux-ci sont à l?origine de la machine infernale qui broie les âmes sensibles et vulnérables, et les résultats sont extrêmement tragiques : des êtres livrés à eux-mêmes et aux autres, dont le moindre méfait est de troubler l?ordre public et les bonnes consciences. Les rues d?Oran étaient déjà «inquiétées» par les voleurs à la tire et les agresseurs en tout genre. A présent, des êtres infrahumains, affamés et insomniaques, accablent davantage le citoyen. «Que font les pouvoirs publics ?» s?interroge l?Oranais. Ou encore : «Pourquoi tournent-ils en liberté dans les rues, puisqu?on sait pourtant qu?ils sont dangereux ?» Le mot est lâché. La force publique et les responsables de la santé mentale donnent diverses explications à l?errance des malades mentaux dans les espaces urbains. Leur liberté, nous dit-on, est toute relative, elle ne dure que le temps précédant l?intervention de la police qui les conduira au pavillon 35 du CHU d?Oran. Pendant ce temps, il est vrai, tout peut arriver. De l?exhibition tragi-comique à l?agression par jets de pierres aux voies de fait sur les passants. Les verrous sautent, les tabous n?existent plus et l?on assiste à des scènes mémorables où le conservatisme ambiant est foudroyé, ose-t-on dire. La force publique exécute «l?enlèvement» des fauteurs de troubles assez facilement. «Le problème le plus difficile à résoudre à leur arrivée dans les services spécialisés est que le pavillon 35, qui les réceptionne, fonctionne en réalité comme un service d?urgences. Il n?a qu?une capacité de 6 lits réglementaires et un personnel paramédical inadapté.» Le plus souvent, ils sont transférés dans les 24 heures à l?hôpital psychiatrique de Sidi Chahmi. La trop grande demande qui s?exercerait sur la pavillon 35 pourrait-elle expliquer le retour d?accueil défavorable ? «Nous sommes débordés et sans logistique appropriée, mais nous n?avons jamais renvoyé les malades mentaux chez eux. Même en période de rupture de stocks des médicaments, les malades sont pris en charge par nos services», se défend ce psychiatre du pavillon 35. Sous les arcades de la rue Larbi-Ben-M?hidi, des dizaines de «fous» s?entassent dans un désordre indescriptible, sous le regard indifférent des passants. Criant, gesticulant, pleurant, parfois agressant les passants, ces pauvres hères sont dans un état pitoyable. Il existe des fous errants qui ont carrément été chassés par leur famille. Pour des raisons évidentes de prise en charge par leurs proches, des malades mentaux sont abandonnés dans les rues et livrés à eux-mêmes. Sales, repoussants, hagards et décharnés, ces malheureux offrent un «spectacle» qui n?honore ni la ville ni ses responsables?