Résumé de la 4e partie ■ Un arrêt du Conseil d'Etat du 9 novembre 1785 décide la suppression du cimetière des Innocents avec évacuation des ossements, puis son réaménagement en marché public. Un rite religieux scrupuleux est respecté : des chars funéraires couverts de catafalques noirs se rendent au crépuscule au puits de service des carrières de la Tombe-Issoire afin d'y déverser leur chargement. Ils sont précédés de chœurs de religieux portant la lanterne des morts, accompagnés de porteurs de torches et suivis de prêtres chantant l'office des morts. À la fin du parcours, le travail est plus brutal : les os sont précipités dans un puits d'extraction de pierres, à hauteur de l'actuel 21, avenue René-Coty. Le 7 avril 1786, les Catacombes sont bénies et consacrées par les abbés Motret, Maillet et Asseline, ministres de la Religion, en présence d'architectes (Legrand, Molinos) et de l'Inspecteur Général des Carrières de Paris Charles-Axel Guillaumot. Le travail est réalisé sous la direction du successeur de Lenoir, Louis Thiroux de Crosne, lieutenant général de police. Le transfert dure quinze mois, et l'opération est un succès. L'administration choisit en conséquence de généraliser la mesure : suivant l'exemple des Saints-Innocents, les autres cimetières parisiens, en particulier ceux accolés aux églises, sont peu à peu vidés à leur tour jusqu'en janvier 1788 et supprimés. L'opération se poursuit de 1787 à 1814. Lors de l'aménagement du marché des fruits et légumes sous le Premier Empire à l'emplacement des Innocents, d'autres ossements sont mis au jour lors des travaux de fondation et suivent le même chemin. Les transferts reprennent enfin de 1842 à 1860, années durant lesquelles pas moins de huit cents voitures acheminant les ossements se dirigent vers l'ossuaire provisoire de Vaugirard, puis vers les Catacombes. Ce sont ainsi dix-sept cimetières, cent-quarante-cinq monastères, couvents et communautés religieuses et cent-soixante lieux de cultes entourés de leur propre cimetière qui alimentent les carrières souterraines. Enfin, plusieurs années après, les grands travaux d'Haussmann fournissent des ossements oubliés, à leur tour transportés vers les Catacombes. Au bas du puits de déversement, des hommes recueillent les ossements déversés en vrac, et les chargent sur des brouettes ou dans de petits chariots de bois à destination du secteur qui leur est réservé dans les salles ou galeries souterraines. Chaque emplacement est signalé par une plaque gravée indiquant la provenance et la date du transfert. On estime à plus de six millions le nombre de dépouilles qui ont ainsi été déplacées durant un siècle dans une série d'ossuaires du 14e arrondissement qui existent encore sous Paris, ce qui en fait la plus grande nécropole visitée au monde.