La casquette à l?envers comme le veut «la mode», Yahia, debout, bien droit, enchaîne : «Moi je n?ai aucun problème à la maison et pourtant je suis un grand voleur. Je "pique" tout ce qui me tombe sous la main, un portable, des bijoux? Je dois m?habiller, je te le dis sincèrement. Ces derniers jours on "travaille" le port. Deux font la courte échelle à un troisième, lequel devra ramener la marchandise et nous la jeter par dessus le mur et nous rejoindre après.» Une fois la marchandise vendue sur les trottoirs d?Alger, nos jeunes voleurs «se tapent», comme ils le disent, des sommes considérables dépassant les 15 000 DA. «Nous sommes particulièrement spécialisés dans le vol des capots de voitures, les pare-brise, les portières? . C?est ce qui rapporte beaucoup.» Depuis l?âge de 10 ans, Ali vole. Voler pour lui est un acte ordinaire. «Tiens, en cours de route, j?ai piqué au vendeur un paquet de cigarettes», dit-il en sortant fièrement de la poche de son jogging une boîte de Marlboro. D?une voix éraillée, il ajoute : «Vous imaginez que je devais encore demander à ma mère de l?argent pour m?acheter des habits ! Ce n?est pas normal ! J?ai trouvé du travail, mais je n?en veux pas. Que faire de 1 000 ou 2 000 DA gagnés par semaine ou par jour ! Je veux avoir de l?argent à flots et quotidiennement. L?argent "halal" n?apporte rien, hormis plus de misères et de pauvreté. Je te l?assure. Hein !» À 20 ans, Ali a été emprisonné quatre fois pour différents motifs. Il a écopé entre 2 et 3 mois de prison pour plusieurs agressions à l?arme blanche. Il avoue que c?étaient des «grossistes» en drogue qu?il avait payés, mais qui ont refusé de lui donner son «butin» une fois la marchandise arrivée. «Le manchot», «Agrab» et «Zabana» sont les surnoms de ces grands vendeurs du fameux cachet bleu du paradis appelé «El-Zarga». «Je n?ai jamais été en manque, je suis très prévoyant. Dès que je n?ai plus d?argent, j?organise d?autres hold-up sur le port avec mon ami Slimane et le tour est joué.»