Expectation n Figés sur des bancs de salles d'attente, ils sont là sans rien faire. Ils parlent durant des minutes, voire des heures, qui s'égrènent à une vitesse vertigineuse… Bureau de Sonelgaz, El-Biar. Dans la salle, les abonnés attendent de payer la facture d'électricité, sagement assis, chacun avec un numéro pris à l'entrée. Mohamed B. a fait le déplacement de la cité Malki, il a pris sa voiture et au bout d'une demi-heure, recherche de stationnement comprise, il attend son tour de passer au guichet. Il a le numéro 40. Beaucoup de monde dans la salle, pleine comme à craquer. De l'énervement aussi. Le numéro 17 se fait apostropher par le numéro 18. Le numéro 17, en attendant que son tour arrive, a quitté la salle pour vaquer à ses occupations dans le quartier. De retour, il constate que son tour est passé et que c'est le numéro 18 qui est servi. Il tente de faire valoir ses droits. S'ensuit un échange aigre-doux qui dégénère en propos vifs et musclés, pour ne pas dire plus. A trois heures moins dix, avec dix minutes d'avance, le préposé aux tickets retire la lisière de son dévidoir. Une dame, entrée à moins cinq, se désole. Elle ne peut absolument pas revenir le lendemain. Elle s'assied quand même dans l'attente d'un miracle. Qui se produit. Le titulaire du numéro 37, qui a un rendez-vous, se désiste au profit de la dame qui se confond en remerciements. Une semaine plus tard : une banque. La file pour encaisser les chèques décourage. Stoïques, les citoyens patientent debout devant le comptoir. La file des femmes est assise. On a prévu des chaises pour les dames pour que ces dernières ne subissent pas la promiscuité de la queue. Seules les petites sommes sont honorées. Un jeune homme, avec un chèque de 120 000 DA en main, doit déposer une demande et repasser quarante-huit heures après. Le jeune homme fulmine. Une demi-journée de perdue. Daïra de Bir Mourad-Raïs, dernier jour de l'année 2007. Huit heures. Le jour vient juste de se lever. Devant la grille, il y a déjà onze personnes qui battent le pavé en attendant l'ouverture des bureaux. Journée maussade d'hiver. Un coup de tonnerre ébranle soudain le ciel et tout de suite la pluie commence à tomber. La foule se divise en deux : les personnes qui ont un parapluie et celles qui se réfugient sous un arbre. Fausse alerte. Une minute après, la queue se reforme. Les bureaux ouvrent à huit heures trente. C'est le rush. Au portique de sécurité, les portables et les clés sonnent à tout bout de champ. Cinq minutes après l'ouverture des grilles, la salle affiche complet : commentaire désabusé d'un usagé : «Chaque fois que je me rends à l'administration, j'ai l'impression d'avoir un problème avec elle.» Dans un pays riche à milliards, qui compte 13 millions d'abonnés au portable, dont les branchements internet sont en augmentation constante, le paiement en ligne demeure inconnu et l'administration n'utilise pas les prodigieuses possibilités de la connexion haute débit pour rejoindre ses administrés et les renseigner sur des choses aussi simples et banales que la constitution d'un dossier, les pièces exigées et les délais impartis. Une énorme perte de temps, un abattement profond, un découragement général chez les administrés. La commission Sbih, du nom de l'ancien directeur de l'ENA, actuel ambassadeur d'Algérie en France, a été chargée par le président de la République de réfléchir sur la bureaucratie et les moyens d'y remédier. De toute évidence, elle n'y est pas encore parvenue. Dans les pays qui ont engagé une course contre la montre pour gagner la bataille de la production et du bien-être, un retrait au guichet automatique, le paiement d'une facture d'électricité, la consultation en ligne des services de l'administration permet, à partir de chez soi, et en cinq minutes, de payer ses factures de téléphone, d'électricité, de gaz ; d'éviter les déplacements contraignants et les files d'attente inutiles.