Moins de sorciers, plus de religion. Voilà l'autre constat fait par les observateurs de tout bord durant cette 26e édition de la CAN qu'abrite depuis le 10 janvier le Ghana et qui prendra fin ce soir avec la grande finale, celle qui opposera les deux sélections qui en voulaient le plus : l'Egypte et le Cameroun. Deux équipes qui se sont déjà rencontrées lors du premier match de la phase des poules avec le score et la physionomie du match que l'on connaît : un implacable 4 à 2 des hommes de Shehata qui a secoué des Lions un peu moribonds, mais qui leur a, apparemment, rendu un grand service puisqu'ils n'ont plus cessé de rugir en montant en puissance, tel un moteur diesel, jusqu'en finale. Un ultime match qui ne ressemblera pas certainement au premier, l'enjeu et les données ayant changé depuis. Cela nous fait rappeler deux types d'issue : une finale de Coupe du monde de 1954 en Suisse, opposant l'Allemagne et la Hongrie, et une autre de Coupe d'Afrique des nations de 1990 entre l'Algérie et le Nigeria. Ces deux rencontres ont la particularité de voir les deux finalistes se rencontrer à deux reprises dans le même tournoi, au début et à la fin. En 1954, la Hongrie était l'équipe archifavorite de ce Mondial européen d'après-guerre, celui de 1950 s'étant déroulé au Brésil. Les Puskas, Kocsis et autres Zsibor, qui avaient humilié quelques mois auparavant l'Angleterre (6 à 3) dans l'ancien stade mythique de Wembley (aujourd'hui disparu et un autre a vu le jour à sa place) lors d'un match mémorable, avaient écrasé l'Allemagne (ex-RFA) sur le score de 7 à 3. Mais en finale, les Hongrois, qui menaient pourtant à la marque (2 à 0), ont fini par subir le réveil brutal de l'Allemagne de Fritz Walter qui l'a finalement emportée 3 à 2, privant l'une des plus belles équipes du monde de l'époque d'un titre mondial. Dans le second cas, l'Algérie, qui organisait pour la première fois une phase finale de la CAN, frappe un grand coup d'entrée en balayant le Nigeria (5 à 1), avec un festival de Madjer, Menad et autres Chérif El-Ouazzani. Les Verts vont croiser de nouveau la route des Super Eagles en finale, mais là, les choses vont être plus compliquées et notre équipe nationale se contentera d'une unique réalisation signée Oudjani pour remporter son unique titre continental. Tout cela pour dire que la rencontre de ce soir entre Pharaons, tenants du titre et recordman des trophées (5 au total), et Lions indomptables (4 titres), sera comme toutes les finales : indécise. Elle opposera en tous les cas deux choix du football africain actuel : la voie professionnelle à la voie locale. Un produit d'importation à un produit d'exportation dans la plus grande foire du sport-roi continental, le tout dans une profusion de foi inébranlable. En effet, depuis le début de cette compétition, qui a tenu toutes ses promesses et attiré les yeux du monde entier sur elle, on a vu des tas de prosternations, des mains ou des doigts levés au ciel, des prières collectives avant et après les matchs, des sacrifices de moutons ou de vaches, des rituels animistes, des danses et autres gris gris, qui ont donné à la CAN un fort côté spirituel. Et puis, il y a ce geste qui n'est pas du tout passé inaperçu et a accroché les objectifs des photographes et autres caméras du monde entier, celui de la star égyptienne Aboutrika qui a affiché son attachement à la cause palestinienne en découvrant sous son maillot un tricot de peau sur lequel on pouvait lire : «Sympathize with Gaza». Rien que pour ça, et pour tout ce que représente l'Egypte comme idéaux et modèle en matière de football, le cœur sera ce soir Pharaon.