Photo : Riad Par Amirouche Yazid L'état de nos plages laisse à désirer. La saleté domine les lieux. Dénicher une plage propre dans cette Algérie qui se targue d'avoir 1 200 kilomètres de côtes est aujourd'hui une chimère. La grande affluence des estivants sur le littoral contraste avec l'état des lieux : même si les sites n'offrent rien d'agréable, les Algériens s'y rendent en grand nombre. Avant même la période des grandes chaleurs et des vacances scolaires, les plages du centre du pays grouillent de gens de tout âge. La grande affluence n'est pas le résultat de l'attractivité des plages. Les plages d'Algérie n'ont plus la cote même si les Algériens adorent les côtes de leur pays. «Nous sommes ici pour passer quelques heures de détente loin du bruit de la ville. La plage inspire, repose et incite au farniente même si les conditions ne s'y prêtent pas. Nous n'avons pas d'autre alternative. Vaut mieux se promener un peu que de s'en priver entièrement», nous dit un jeune Algérois qui prenait le bus à destination de Zéralda-plage. Avant d'opter pour une quelconque destination, les estivants s'interrogent et se renseignent sur ce qui a changé dans telle ou telle plage. Mais la réponse est constamment décevante : «C'est sale», ne cesse-t-on d'entendre ici et là. Le constat est valable pour toutes les plages du pays. Les opérations de nettoyage se font plus nombreuses, sans qu'on arrive à un niveau acceptable de propreté. Les initiatives locales lancées par les autorités peinent manifestement à déboucher sur le résultat escompté. L'opération «Eboueurs de la mer» visant à rendre moins sales nos plages, en est à sa sixième édition. Parrainée par le groupe Sonelgaz, la Radio algérienne et le mouvement associatif, l'opération a touché cette année 15 sites éparpillés sur les 14 wilayas côtières du pays. Le fait est inédit : c'est la première fois que quatorze wilayas sont concernées par une initiative d'une telle dimension. Acteur actif de l'initiative, le groupe Sonelgaz n'a cessé d'appeler les citoyens à participer à cette grande initiative environnementale. S'il est clair que le groupe Sonelgaz et ses partenaires consentent beaucoup d'efforts pour réunir les meilleures conditions afin de permettre aux enfants de faire des petits pas pour sauvegarder la nature, il faudrait convenir que la mission de rendre moins sales nos plages dépasse de loin les capacités et l'engagement d'une entreprise ou deux. Cela nécessite une véritable révolution dans le comportement des citoyens. Pour l'un des «éboueurs», il s'agit plus de faire un travail de sensibilisation auprès de la société. «Cette opération écocitoyenne est devenue un véritable atelier grandeur nature pour ces bambins pleins de vie. Nous avons fait des plages du littoral des espaces de découverte ludiques et éducatifs. Dans ces espaces, les enfants apprennent la nécessité de protéger les plages de la pollution et découvrent la merveilleuse relation qui lie l'homme à la mer», souligne un fonctionnaire de la radio nationale impliqué de manière active dans l'opération. L'opération «Eboueurs de la mer» n'est pas la seule à viser «des plages propres». L'Office national de l'assainissement (ONA) a lancé, lui aussi, une opération de nettoyage des plages à travers ses unités situées sur la bande côtière, sous le slogan «plage propre». En termes de pratiques, le dispositif mis en place consiste à mettre des unités de l'ONA sur la bande côtière, afin de protéger les plages autorisées à la baignade.. Rassurant, l'ONA annonce qu'une permanence 7 jours sur 7 des équipes de maintenance et d'exploitation est assurée afin de garantir un entretien permanent des ouvrages d'assainissement (réseau, déversoirs, chambres à sable) de sécuriser l'exploitation des stations de relevage et des stations d'épuration et de surveiller les points noirs sur le réseau d'assainissement. Pour ce qui est de «l'activité commerçante» dans les localités balnéaires, nul besoin d'arpenter tout le littoral algérien. Les plages de l'Algérois, à l'image de celles de Béjaïa, d'Annaba, d'Aïn Témouchent, de Mostaganem et de Jijel, deviennent infréquentables. Il faudrait s'armer de beaucoup de courage pour résister aux appréhensions. «Les plages sont squattées», se plaignent des baigneurs. Mais ceux qui sont désignés comme squatteurs pensent le contraire. «Nous sommes des chômeurs sans ressources. C'est notre seul gagne-pain. Nous accomplissons ce qui est du ressort des pouvoirs publics. Et au bout du compte, on tente de nous chasser des lieux. Qu'avons-nous fait de mal ?» se défendent-ils. Le décor n'est pas près de changer. Des groupes de jeunes dictent leur loi. Il est ainsi demandé aux estivants de s'acquitter de frais de stationnement sur les deux bords de la route qui longe la plage. «A partir du moment où l'on est sommé de payer pour s'asseoir sur le sable, la plage n'est plus gratuite», notera un quinquagénaire accompagné de sa famille. Celui qui refuse d'obéir à cette «règle» risque de voir son véhicule endommagé quand il n'est pas «prié» de quitter les lieux. A Tamentfoust, à titre d'exemple, les estivants ne savent plus à quel saint se vouer. «L'EGCTU, qui assure la gestion du parking, annonce au verso du ticket que le gardiennage n'est pas assuré», s'exclame un estivant qui n'en croit pas ses yeux en lisant le verso du ticket à 50 dinars. La solution passe par la règlementation de cette activité Ce qui exige une volonté de la part des autorités locales à organiser réellement ce créneau. C'est la condition principale pour mettre fin à l'anarchie qui caractérise les ventes et les achats au bord de la mer. Concernant le volet lié à la sécurisation et à la protection des estivants, la wilaya d'Alger a mobilisé pour la présente saison estivale environ 320 nageurs. La question exigeait autant de mobilisation et de moyens compte tenu des cas de noyade enregistrés chaque été. Cette année n'a pas dérogé à la précédente dans la mesure où des cas de noyade ont été signalés avant même l'ouverture officielle de la saison estivale. «Tout est prêt pour accueillir les estivants. Tous les moyens sont mis en place pour pouvoir intervenir en cas d'accident», déclare le chargé de communication à la direction générale de la Protection civile de la wilaya d'Alger. La même source ajoute que le dispositif ne concerne que les plages autorisées à la baignade. Ce qui revient à conclure que le risque de noyade est grand au niveau des plages censées être interdites à la baignade. Ils sont, en effet, 85 nageurs professionnels à être mobilisés et 235 saisonniers recrutés pour la circonstance pour veiller à la sécurité des estivants. Ont-ils bénéficié d'une formation adaptée aux missions qu'ils auront à accomplir sur le terrain ? Pour le responsable de la Protection civile de la wilaya d'Alger, il n'y a pas l'ombre d'un doute quant à la capacité de ces agents à intervenir pour sauver des vies humaines. Le même responsable note que les agents déployés sur les plages maîtrisent parfaitement toutes les actions à entreprendre en cas d'accident et peuvent intervenir efficacement pour dispenser les premiers soins. Et qu'en est-il des moyens mis à la disposition des secouristes ? «Tous les moyens nécessaires sont disponibles pour effectuer les opérations de sauvetage dans les meilleures conditions», répondra-t-il sur un ton de la sérénité. Mais cela ne changera rien à la conviction d'une grande partie des Algériens : les raisons de la fuite vers d'autres horizons sont claires comme l'eau de roche : nos plages ne sont pas reposantes.