Photo : S. Zoheir Par Kamel Amghar On a abondamment épilogué ces derniers jours sur la corruption et la dilapidation des biens publics. Il aura suffi que le directeur de la première entreprise du pays, Sonatrach pour ne pas la nommer, soit mis en examen pour que toutes les langues se délient spontanément, criant à l'unisson au pillage systématique de l'économie nationale. Cette promptitude collective à crier au loup s'apparente cependant à une réaction superficielle dictée exclusivement par les besoins de la chronique quotidienne. La procédure en question, étant par principe un contrôle judiciaire routinier qui s'enclenche ordinairement suite à des courriers anonymes ou à des renseignements qui restent évidemment à vérifier, est objectivement loin de révéler quoi que ce soit quant à la culpabilité des personnes mises en cause. Il s'agit-là d'une information succincte qu'il aurait fallu approfondir pour en savoir davantage sur les griefs retenus contre les gestionnaires du groupe pétrolier national avec un éventuel éclairage sur la réalité des faits. Les gros titres annonçant cette mise en examen se sont étalés, comme à l'accoutumée, en puisant dans les approximations et les généralités qui ne renseignent sur rien de concret. De nombreuses affaires antérieures ont eu également des traitements similaires où de simples supputations sont données au conditionnel. Faut-il rappeler à ce sujet la longue liste des supposés «scandales» comme celui de l'autoroute Est-Ouest, l'affaire BRC, la mauvaise gestion d'Algérie Télécom, les doutes exprimés concernant l'utilisation du FNDRA, les détournements de crédits bancaires signalés au niveau de plusieurs établissements, les escroqueries foncières, le favoritisme dans les concours et les examens, etc. On fait un très grand tapage pour commencer, puis plus rien. Cette façon, trop simpliste, d'appréhender le dangereux fléau de la corruption ne fait avancer en rien la cause de la transparence et du développement. La lutte contre ce phénomène ravageur ne peut se contenter de ces excitations conjoncturelles où des plus malins que soi s'amusent à entretenir la suspicion pour casser des carrières et en promouvoir d'autres. Loin de vouloir innocenter ou culpabiliser qui que ce soit, la presse et les médias en général ont une lourde responsabilité dans ce genre de dossiers. Il s'agit d'une matière extrêmement sensible dans laquelle le professionnalisme et l'investigation doivent prévaloir. En faire autrement reviendrait à banaliser un crime qui coûte très cher au Trésor public. Pour l'anecdote, un maire d'une importante commune de l'ouest du pays a été récemment évincé de son poste suite à une motion de défiance signée par l'ensemble des élus de l'APC. C'est démocratique, dira-t-on. L'homme en question, le plus instruit de tout le conseil, a suscité l'ire unanime de ses pairs en supprimant les marchés de gré à gré et en imposant un contrôle rigoureux des activités de la commission y afférente. L'édile municipal a été démis dans l'anonymat et l'indifférence, remplacé par un analphabète qui s'est chargé, en priorité, de restaurer le «râtelier» du «gré à gré». Dans ce cas précis, on a promu l'ignorance et la médiocrité aux dépens de la compétence et de la probité. Notre silence dans ce type de situations équivaut à de la complicité. Pour contrer efficacement le fléau de la corruption qui mine l'ensemble de la société algérienne, les médias ont un grand rôle à jouer et d'énormes efforts à déployer. Il ne suffit plus de faire «mousser» les communiqués officiels. Il faut oser aller bien au-delà.