Photo : S. Zoheir Par Hassan Gherab Indéniablement, le Salon international du livre d'Alger (Sila) est une des manifestations majeures sur la scène culturelle algérienne. Sa fréquentation par les maisons d'édition, tant nationales qu'étrangères, qui se comptent par centaines, et par les visiteurs qui se comptent par centaines de milliers, pour chaque édition, le prouve. Son institutionnalisation dénote, quant à elle, l'importance et l'intérêt conséquents que lui accordent les pouvoirs publics qui ont pris en charge aussi bien l'organisation que l'encadrement du Sila. Sans compter les facilitations accordées à tous les participants, principalement les éditeurs étrangers et les importateurs, par l'Etat algérien qui a exonéré les livres importés dans le cadre d'un salon, d'une foire ou d'une exposition du payement des taxes douanières. La scène est ainsi dressée, et il ne reste aux différents acteurs qu'à entrer en jeu en assumant chacun son rôle pour faire du salon un véritable rendez-vous de la littérature internationale.Mais si la scène est nécessaire, elle n'est cependant pas suffisante pour faire de la manifestation ce véritable salon qu'on aurait tant aimé avoir. Il faut un décor et un cahier des charges définissant les missions et les objectifs du salon et auquel devront se conformer tous les participants.Jusqu'à il y a deux ans, le Sila était organisé dans les pavillons de la foire aux Pins maritimes. Des exposants se plaignaient alors des infiltrations d'eau, du manque de sécurité (gardiennage défaillant), des fientes de pigeons qui entraient dans les pavillons, tandis que les visiteurs déploraient l'éloignement du site, le manque de transport et/ou la difficulté de trouver une place de parking. Plus grave, des éditeurs dénonceront les pratiques de certains «commerçants» qui, mettant à profit les défaillances de l'organisation et du dispositif de contrôle et de sécurité, faisaient sortir des cartons de livres qu'ils revendaient en gros à des libraires et des vendeurs informels.Institutionnalisé, le Sila passera sous la tutelle du ministère de la Culture, qui désignera un commissaire général et décidera de transférer le salon de la foire, dont les vastes espaces sont impossibles à surveiller et à gérer, au parking du complexe olympique où il se tiendra sous un chapiteau plus facile à contrôler. L'idée se défend, mais en considérant que le chapiteau est la solution d'urgence pour la seule édition coïncidant avec le transfert qui a été décidé pour parer au plus pressé : sortir le Sila des griffes des opportunistes, aigrefins et commerçants vénaux. En l'absence d'infrastructure pouvant accueillir le salon, on a opté pour le chapiteau. Mais on ne peut indéfiniment héberger le salon sous une tente. N'en déplaise aux responsables et organisateurs du salon qui aiment à citer l'exemple d'un pays du Golfe organisant la même manifestation sous un chapiteau, en Algérie, octobre et novembre sont des mois pluvieux et non ensoleillés comme c'est le cas dans ce pays. De plus, il y va aussi de l'image du Sila. On ne peut pas organiser un salon du livre auquel on veut donner une dimension internationale sous un chapiteau dressé sur un parking squatté par des vendeurs à la sauvette, envahi par les mauvaises herbes et qui, à la moindre averse, se transforme en bourbier. Ce n'est pas là le décor d'un salon, mais d'un souk. D'autant plus que le Sila a franchement tourné le dos à sa mission originelle pour devenir un comptoir commercial.L'institutionnalisation du Salon international du livre d'Alger n'est pas, et ne doit pas, être une fin en soi. Le Sila a besoin d'avoir une infrastructure qui s'accorde avec l'image qu'il doit avoir. De plus, le ministère de la Culture doit clairement définir les missions et objectifs du salon. Il s'agit de dire ce qu'on veut et ce qu'on attend de cette manifestation. Et si c'est vendre, elle n'aurait plus aucune raison de s'appeler salon. Car un salon, dans toute l'acception du terme, c'est d'abord un rendez-vous qui offre aux professionnels l'opportunité de présenter leurs nouveaux produits, d'établir des contacts pour la coédition, l'achat ou la vente des droits d'auteur, la traduction, la distribution… et aux visiteurs l'occasion de s'informer sur les nouveautés, de rencontrer des auteurs et d'approfondir leurs connaissances à travers les différentes conférences organisées en marge de la manifestation. La vente, elle, n'est qu'une activité secondaire. Et si l'on entend promouvoir le livre et la lecture, rien n'empêche les organisateurs du Sila de prévoir un espace qui serait dédié à la vente, aussi bien durant le salon qu'en dehors, «une structure genre Fnac», dira un responsable de journal.