Comment faire des changements, opérer des réformes et des ruptures tout en assurant «la continuité». Ce paradoxe purement local se trouve être en même temps le cautère national de premier choix et la religion des rentiers du système depuis toujours. Comme c'est dans l'air du temps et que les pressions et menaces étrangères se font lourdes et pressantes, on concède l'idée des réformes, mais dans la continuité, lentement le matin et pas trop vite le soir. Autrement dit, devant la nécessité, il faut se hâter doucement ! Or, ce n'est pas une trouvaille et encore moins un programme. C'est l'amour et la passion fous pour le statu quo, la «rejla» qui refuse d'écouter l'opposition, les élites et les pays occidentaux. On sait tout sur tout, mieux que tous. Cette doctrine officielle s'applique à tous les secteurs, par tous les temps. Il en est donc de même pour la culture, ceux qui la font et ceux qui la consomment.Le refus de la modernité, l'incapacité à apprivoiser les techniques modernes de communication, la peur panique du débat culturel et de la liberté d'expression et de création «congèlent» une culture nationale et ouvrent tous les chemins aux archaïsmes, aux régressions, aux intolérances, au profit des fermetures et des enfermements mortels. C'est ainsi que toutes les applications du Net, qui sont aussi des puits de science, sont considérées exclusivement comme des armes «impérialistes», des dangers pour l'ordre moral et les «constantes» indéfinies. Devant les investissements consentis, la créativité et le haut degré de technicité, les TV étrangères ne sont pas des écoles, des objets d'étude et d'analyse mais des «armes ennemies» et des «envahisseurs». Cependant Youtube, Facebook, les chaînes satellitaires, la quantité de films, de livres, de pièces, de disques produits chaque jour dans le monde ne relèvent pas de la magie noire, des ADM mais procèdent de connaissances, de management, des libertés et de politiques audacieuses à l'intérieur et offensives à l'extérieur. La modernité est adaptable pour ceux qui possèdent la volonté politique et le désir de voir le pays jouer en ligue 1 de la culture.L'année de la culture islamique se déroule comme une activité habituelle et banale. On ne sait toujours pas si son contenu porte sur les diversités cultuelles et culturelles dans les pays musulmans ou simplement sur le seul ensemble arabe. Ce dernier est, cependant, extrêmement minoritaire en islam. S'agira-t-il de cultures chiite, sunnite, kharijite, des steppes mongoles ou d'Afrique noire ? Il est trop tôt pour faire des bilans et malvenu de porter des jugements en ce début d'année de la culture islamique. La continuité continue. Cherif Ziani pousse un cri d'alarme et A. Cheniki écrit dans le désert. Les conseillers n'ont plus de conseils et s'estiment peu écoutés. Les artistes font profil bas et espèrent un statut de salarié. Les partis, les syndicats, les marcheurs ne semblent aucunement inquiets devant la continuité culturelle, devant l'absence de toute réflexion sur les industries culturelles, sur le seul diffuseur TV, devant l'avance que peuvent prendre certains pays arabes qui bouclent leurs réformes constitutionnelle, institutionnelle et audiovisuelle. Une petite lueur vient du Cnes qui annonce les états généraux de la société civile. Ce serait une première du genre et une rare opportunité pour la culture, dans ses arts majeurs, qu'elle soit débattue dans des ateliers avec, au final, des textes et des recommandations. Amen ! A. B.