«Quelle est géniale cette mesure», dirait tout malfrat, aussi ringard soit-il et qu'il appartienne aux cols blancs ou à la fratrie pure et dure du grand banditisme. Cette mesure qui viendrait donner un bol d'air supplémentaire à l'univers interlope des groupes qui n'ont cesse de vampiriser les Algériens est le fait du Premier ministre en personne et se résume en les propos suivants : «Les tracasseries rencontrées par des gens pour ouvrir les comptes, les questions sur l'origine de l'argent posées à ceux qui veulent les déposer dans les banques ou celles sur la destination de l'argent retiré doivent absolument disparaître, changer…». Une intervention que prolonge le Gouverneur de la Banque centrale par «le système bancaire a un rôle plus important dans la promotion de la croissance hors hydrocarbures, notamment, en développant les crédits à l'investissement». Propos tenus, il y a une semaine, au sein d'un docte aréopage censé réfléchir et proposer une sortie de crise aux difficultés socioéconomiques que vit le pays.A travers de telles déclarations, il ne s'agit plus de graves lacunes professionnelles de l'un et de l'autre mais tout bonnement d'un appel au reniement de l'ensemble des lois de la République et plus particulièrement de celles liées au crédit, la monnaie, le fonctionnement et la gestion des banques et autres institutions financières, la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. La mesure telle que préconisée par M. Sellal et M. Laksaci ne peut donc que profiter à une hydre que la planète entière combat, une lutte à laquelle l'Algérie adhère pleinement parce qu'il s'agit de contrer énergiquement le blanchiment d'argent, le terreau essentiel des maux de société notamment ceux qui laminent des pays dits en voie de développement ou émergeants, lesquels réunissent, c'est leur nature même, les meilleures conditions de la corruption. Or, l'Algérie est l'un des pays les plus solidement ancré en matière de textes législatifs en ce sens, notamment, la loi 01-06 relative à la prévention et la lutte contre la corruption qui dispose de la meilleure façon de se prévenir contre ledit risque (corruption) et qui consiste dans son article premier à «renforcer les mesures visant à prévenir et à combattre la corruption - Promouvoir l'intégrité, la responsabilité et la transparence dans la gestion des secteurs public et privé». Avec ce qui est préconisé par le Premier ministre et appuyé par le Gouverneur de la Banque centrale, il ne peut qu'être gravement mesuré la distance prise avec ces principes essentiels de lutte contre la corruption qu'étaye encore mieux l'article 10 qui stipule : «Des mesures appropriées pour promouvoir, la transparence et la rationalité dans la gestion des finances publiques sont prises conformes à la législation et la réglementation en vigueur, notamment, au niveau des règles relatives à l'élaboration et à l'exécution du budget de l'Etat.» Enfin, le meilleur est à suivre : «Pour renforcer la lutte contre la corruption, les banques, les institutions financières y compris les personnes physiques ou morales fournissant des services formels ou informels de transmission de fonds ou de valeur, sont soumises, conformément à la législation et la réglementation en vigueur, à un régime interne de contrôle visant à décourager et détecter toute forme de blanchiment d'argent», recommande l'article 16.«N'en jetez plus», il y a quelque part forcément maldonne dans les orientations des deux grands commis de l'Etat. Bien sûr nul ne peut ignorer les forces contraires qui œuvrent à maintenir l'anarchie qui prévaut actuellement à travers le pays et il faudrait à titre d'exemple rappeler la mesure prise en 2009 instaurant l'usage obligatoire du chèque bancaire dans les transactions commerciales et la réaction des puissances formelles et informelles d'argent sur la question, mais également la reculade du gouvernement sur le sujet, pour saisir dans toute son ampleur l'emprise qu'a une maffia des affaires sur la gestion des affaires nationales. Un spécialiste de la question, considérait que «l'argent qui passe par le réseau informel est en fait incontrôlable… maintenant que l'Algérie a retrouvé sa stabilité, il faudrait que l'économie nationale soit conforme aux normes dont la généralisation du chèque». Le pays est toujours au point de départ alors que les pouvoirs publics pédalent dans la choucroute. Conclusion ! La loi 05-01 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, en ce qui la concerne, impose entre autres aux banques de «mettre en œuvre un dispositif de lutte contre le phénomène de blanchiment d'argent qui utilise les circuits bancaires». Avec ce qui est proposé par M. Sellal et M. Laksaci la bataille est gagnée d'avance. En fait, les dispositions de cette loi cernent dans les plus infimes détails, le blanchiment d'argent et l'invitation faite par les deux grands commis de l'Etat à abreuver de fonds les Banques algériennes, ne peut qu'offrir à la maffia politico-financière les plus gros avantages pour laver plus blanc que blanc. Il n'en demeure pas moins étrange, toutefois, qu'il n'y ait pas eu de réaction à une telle proposition, voire il paraît pour le moins plus qu'étrange que certains y aient applaudi. A. L.