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Aller au-delà de la repentance et exiger l'indemnisation de l'Algérie pour les 132 ans d'occupation coloniale
Amar Bentoumi dans un entretien exclusif à la Tribune
Publié dans La Tribune le 18 - 12 - 2012


Photo : S. Zoheir
Entretien réalisé par Abdelkrim Ghezali

La Tribune : La France coloniale prétendait qu'elle a occupé une terre laissée en jachère, où ne vivaient que des populations nomades sans Etat ni institutions.
Amar Bentoumi : La colonisation française a commencé par un crime. La France, l'Etat français, sous le régime de la Restauration et plus tard sous la République, a agressé la régence d'Alger, qui était un Etat reconnu par le concert des nations à l'époque, y compris par la France, qui avait un Consul à Alger. A ce titre, l'occupation d'un pays souverain est une agression d'autant plus que la France est venue en Algérie sans qu'elle y soit invitée. La France a organisé une opération militaire contre ce pays et ce peuple en usant d'un argument fallacieux, celui de l'éventail. En réalité, l'Etat français avait une dette vis-à-vis de l'Algérie qui lui a vendu des céréales par l'intermédiaire de deux négociants juifs, l'un Français de Livourne, Boudjenah Neftali et l'autre Algérien, Bacri. La France était alors soumise à un blocus maritime imposé par l'Angleterre et l'Espagne, et un blocus terrestre par l'Empire austro-hongrois, et ses alliés. C'est dans ce contexte géopolitique, que l'Algérie a accepté de vendre des céréales à la France. Par le biais de ces deux négociants, le marché de livraison de céréales à la France a été conclu. Ce marché a été donc conclu entre deux Etats souverains, l'Algérie et la France. La livraison a été faite mais la France n'avait pas honoré ses engagements. Il était donc du droit du Dey d'Alger d'exiger de la France le payement de ses achats et d'honorer le contrat conclu entre les deux pays.
Face au blocus qui lui était imposé, aux difficultés économiques, à l'instabilité sociale et à ses velléités expansionnistes, la France à opté donc pour l'invasion d'Alger. Ainsi la France fera d'une pierre deux coups : ne pas payer sa dette qui s'élevait à un million de pièce d'or, et réaliser son rêve d'occuper l'Algérie. Donc la France n'a pas envahi un espace vierge, mais un Etat reconnu par les puissances de l'époque, qui disposait d'institutions centrales et d'un découpage administratif sous forme de beylicats, ceux d'Oran, du Titteri, de Médéa, de Constantine…Ce qui intéressait la France, au-delà de l'expansion et de l'empire colonial dont elle rêvait, c'était le trésor fabuleux d'Alger, qui suscitait les convoitises. D'ailleurs après la reddition de la régence d'Alger, il a fallu toute une flotte pour transporter ce trésor vers la France. Une partie de ce trésor a été détournée par le roi de France, Louis-Philippe, le maréchal de Bourmont et les frères Shneider et les Sellier, qui grâce à ce trésor, ont créé le complexe industriel de Saint-Etienne qui restera pendant près d'un siècle le fleuron de l'industrie française. Ce trésor était composé, selon le professeur Marcel Emerit, de 62 tonnes d'or, 240 tonnes d'argent, sans compter les bijoux, les lingots, les pierres précieuses et les diamants. Pour le professeur Emerit dont l'enquête a été confirmée par l'historien Charles André Julien, «il s'agissait d'un pillage et d'un énorme hold-up». Les troupes françaises n'ont pas cessé de piller les richesses des Algériens, à l'image du général Loverdo qui, selon Pélissier de Raymond, a tellement pillé que six mulets ont été nécessaires pour charger le butin. En 2004, Pierre Péan révèle dans son ouvrage intitulé Mains basses sur Alger, que le pillage est estimé à 5,7 milliards d'euros. Donc, l'invasion de l'Algérie a été préméditée et minutieusement préparée en se référant au plan mis en place par Napoléon au début du 19e siècle. Il faut rappeler que le dey et le peuple voulaient résister mais les notables d'Alger ont obligé le dey à signer la reddition et la convention de 1830 que la France à violé.

Comment qualifiez-vous les crimes de la France coloniale ?
Les crimes commis par la France en Algérie depuis 1830 jusqu'à 1962, sont des crimes contre l'humanité. L'occupation d'Alger à ouvert la voie à des crimes innommables, allant de l'occupation elle-même en passant par le pillage des richesses, le génocide, les enfumades, les massacres collectifs, le déplacement des populations, l'expropriation des terres et des biens…l'extermination de la tribu
d'El Harrache par le général Rovigo, en est l'exemple parfait. La France a ouvert l'Algérie aux aventuriers de tous bords et de toutes nationalités pour s'enrichir à tout prix et aux dépends des Algériens.
Soutenus et protégés par les troupes coloniales, ces aventuriers vont participer à tous les crimes. La France a promulgué une série de textes qui avaient force de loi et pour justifier la spoliation des Algériens. La politique coloniale en Algérie était discriminatoire, raciste et oppressive. La France avait instauré en Algérie un régime de terreur, de pillage sans aucun égard au moindre droit humain. Le peuple a été soumis à un processus d'acculturation, d'aliénation, d'ignorance, de misère de maladies face à des colons qui avaient tous les droits économiques, sociaux, politiques, culturels et cultuels. Pour occuper le territoire algérien, la France a usé de méthodes barbares que même les nazis n'ont pas utilisées en Europe. Même les forêts n'ont pas échappé aux flammes et plus tard au napalm. Une politique de la terre brûlée systématique a été mise en œuvre pour contraindre les populations à l'exode intérieur et vers la Tunisie et le Maroc. Les stratèges colonialistes visaient en fait à vider le pays de ses populations par tous les moyens et surtout briser la résistance farouche du peuple. Cette résistance s'était poursuivie jusqu'au début du 20e siècle.

Quelle est votre proposition ?
Aujourd'hui, le peuple algérien est en droit de réclamer justice. Cela signifie qu'il y a lieu de faire constater que le régime colonial instauré en Algérie par la France, est un crime contre l'humanité, comparable à bien des égards au régime de l'apartheid qualifié par la communauté internationale de crime contre l'humanité, au même titre que les exactions et les crimes commis par le régime nazi qui a été sanctionné par le tribunal de Nuremberg conformément au traité de Londres. A ce titre il est de notre devoir et de notre droit de criminaliser la colonisation et le colonialisme. Car, au regard du droit international, il s'agit d'un crime commis contre un Etat souverain, contre un peuple, pendant 132 ans d'occupation. Comme le ridicule ne tue pas, la France d'aujourd'hui a adopté la loi de février 2005, pour parler des bienfaits du colonialisme. Il s'agit là de l'illustration du cynisme caractéristique de certains politiques français. Pis encore, on a même entendu des voix venant d'outre-mer exigeant l'indemnisation des colons ! Ne s'agit-il pas dans ce cas de solder nos comptes, de vérifier la légitimité de ces biens que les colons revendiquent. L'équation est inversée ! Rien n'a été fait par le colonialisme au profit des Algériens. Tout ce qui a été réalisé en Algérie l'a été avec les richesses de l'Algérie, la sueur et le sang des Algériens, au seul profit des colons et de l'Etat français. La France coloniale a divisé le peuple algérien en accordant la nationalité française aux juifs algériens pour des raisons démographiques, alors qu'elle n'a cessé de massacrer le reste des Algériens qui ont été au bord de l'extermination. Selon certains témoignages, la population algérienne est passée en l'espace d'une quarantaine d'années d'occupation de 3 ou 4 millions à 2 ou 1,8 millions d'âmes. Les colonialistes ont même envisagé une solution à l'Américaine c'est-à-dire l'extermination du peuple comme ce fut le cas pour les Amérindiens. Une proposition de loi criminalisant le colonialisme a été déposée à l'APN mais a été finalement retirée sur pression de l'exécutif.

Concrètement… ?
Premièrement, il s'agit de relancer sérieusement et résolument cette proposition de loi criminalisant le colonialisme. En second lieu, exiger avec la même force la restitution de tous les biens matériels et immatériels spoliés par la France. En troisième lieu, il s'agit d'évaluer le préjudice matériel et moral causé aux différentes générations du peuple algérien du 14 juin 1830 au 5 juillet 1962. Les accords d'Evian sont caducs et même la France n'en parle plus. Les seuls accords en vigueur et qui doivent d'ailleurs être revus sont ceux relatifs à l'immigration algérienne en France. Il s'agit donc de mettre en place des commissions pour évaluer tout le préjudice du colonialisme afin d'exiger une indemnisation de la France. L'urgence c'est de demander la restitution de tout le patrimoine algérien qui est dans les musées et les archives de France. Certains peuvent dire que cette démarche n'a pas de sens. Pourquoi alors Israël a-t-il été indemnisé par l'Allemagne et la Pologne pour le préjudice causé aux Juifs qui étaient pourtant Allemands et Polonais alors que l'Etat d'Israël n'existait pas pendant la Seconde Guerre mondiale ? Pourquoi la France a-t-elle demandé pardon aux Juifs de France pour les souffrances qu'ils ont subies sous le régime de Vichy qui n'était pourtant pas l'expression de la volonté des Français ? Au nom de quelle logique, les Algériens ne demanderaient-ils pas réparation et n'exigeraient-ils pas des excuses pour 132 ans de souffrances ? Le problème se pose avec les mêmes termes juridiques dans le cas du colonialisme d'autant plus que dans le cas de l'Algérie, l'Etat algérien existait lorsque la France l'a agressé et l'a détruit en 1830. J'ai écrit un livre sur cette question et qui va paraître prochainement. Au regard de ce que l'Algérie a subit et à la lumière du droit international, le colonialisme se révèle sur le plan pénal comme un crime majeur, source de crime contre l'humanité, de toutes natures de crimes de guerre et de crimes de droit commun. Nous allons faire appel aux témoignages français qui émanent souvent des coupables de crimes eux-mêmes, qui en reconnaissent l'existence et parfois s'en vantent. Alors qu'ils doivent figurer parmi les pires criminels, notamment au côté des barbares des siècles obscures dont ils furent d'authentiques héritiers, et des nazis d'Hitler et de Himmler dont ils furent les précurseurs. La première différence entres le nazisme et le colonialisme français, c'est que le premier a eu pour théâtre d'opération l'Europe et comme victimes, des Européens.


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