Le journaliste et écrivain algérien Yahia Belaskri , sortait au mois de juin dernier du Festival international du livre, "Etonnants-Voyageurs ", tout auréolé du prix Ouest France pour son deuxième roman "Si tu cherches la pluie, elle vient d'en haut ". Publié aux éditions Vents d'Ailleurs (La Roque d'Anthéron, Bouches-du-Rhône), cet ouvrage fut choisi par un jury de dix jeunes lecteurs âgés entre 15 et 20 ans. "Si tu cherches la pluie, elle vient d'en haut" concourait à ce trophée parmi une dizaine d'autres romans. Journaliste à la radio RFI, originaire d'Oran, Yahia Belascri vit depuis les années 90 en Hexagone. Dans ce roman, l'auteur fait une introspection lugubre de la société algérienne d'aujourd'hui et le prétexte à le dire, ce sont deux bouches, deux destins ; celui de deux personnages centraux : Déhia et Adel. Universitaire, la belle Déhia, malgré le contexte déboussolé dans lequel elle évolue, croit en l'avenir. C'était pendant la période noire d'une Algérie fratricide et déjantée. Elle ne s'y perd pas, cependant elle se pose avec son énergie de jeune, la question suivante : Comment s'en sortir quand tout autour, chaque jour menace avec ces incertitudes, sa mort ? Adel, son compère est cadre dans une entreprise. La grave pression du trépas qui pèse sur lui, ses proches, ses connaissances, il en a la clef, ses " idéaux ". La mort dans l'âme, il ne résistera pas au fanatisme ambiant mais tentera sa chance ailleurs. Deux mémoires tatouées qui, contre les graves contrariétés sociales, morales et politiques, restent unis. Yahia Belaskri signe son deuxième roman après " Le bus dans la ville " paru en 2008 aux mêmes éditions. Le bus en question transportait un voyageur, le narrateur (un émigré) qui retourne dans sa ville natale. Le sujet fut largement exploré surtout dans le cinéma et " Bled Number One " de Aimeur Zaimeche (réalisateur, émigré qui retourne à Skikda après des années d'absence pour faire ce film vu à Alger en 2009) , en parle très bien. Dans "Le Bus dans la ville ", le narrateur redécouvre des lieux et voit que çà a changé. Nostalgie, désir de figer, comme dans "A la recherche du temps perdu " de Prout le temps. Une galerie de personnages de sa jeunesse est décrite passionnément. "Le bus s'était remis en branle, secouant toutes mes certitudes et mes souvenirs" (36). L'espace est brouillé par la pluie, la nuit et les cahots du vieux véhicule qualifié de "bus fantôme" (106) qui est la métaphore des personnages et de la société : "foule de déclassés dans cette ville de malheur" (109). Montent et descendent des gens fatigués, misérables et apeurés, surgissent derrière la vitre des pans d'une ville "jadis colorée et enjouée" (101) devenue "laide, endormie" (7), "ville prison où tout est grillage" (101), "maudite" (89) caractérisée par la puanteur et l'abandon " écrit-il. " C'est un résistant, un bel humain, un témoin de l'espoir, un auteur magnifique, la plume ancrée dans la douleur et l'exil " écrivait Ouest France, le lendemain du verdict l'annonçant comme le récipiendaire du prix éponyme. Yahia Belaskri, annonce déjà la sortie d'un autre roman. ?à racontera l'histoire d'un républicain espagnol en exil à Oran où il va tenter de se reconstruire...L'Algérie y sera, c'est archi sûre ! Bref, il s'agit d'une famille, d'un quartier, de toute une ville qui prend corps à travers le regard d'un homme qui, assis dans un bus, traverse la ville de son enfance. Pas du tout connu chez nous, Yahia Belaskri en plus de son boulot de journaliste à Radio France Internationale, (RFI), il est nouvelliste. Le nouvelliste a aussi paraphé de nombreux articles et de contributions diverses, dont "L'islamisme et l'Europe sociale", in Extrémismes en Europe paru aux éditions de l'Aube. C'est lui qui a signé une biographie de l'artiste algérien Khaled aux éditions Dauphin Diffusion en 1995, et prochainement, selon la presse étrangère, paraîtra, aux éditions Paris Méditerranée, " Algérie 1992- 2002 : l'épreuve d'une décennie. Ce ci devrait être un ouvrage collectif. " J'ai toujours écrit, en fait. Dans les années soixante-dix, j'écrivais de la poésie, sans jamais publier. Puis, il y eut une longue traversée du désert, au niveau de l'écriture cela s'entend. Dans les années quatre vingt-dix, résidant en France, c'est l'essai qui s'est imposé à moi : pour témoigner, dénoncer, analyser. Depuis cinq-six ans, l'envie d'aborder la fiction s'est imposée à moi. Je sentais que j'aurai plus de liberté en abordant la nouvelle, le roman. Ainsi j'ai écrit deux nouvelles qui ont été publiées. "Le bus dans la ville", je l'avais en tête depuis un voyage en Algérie en 2005. J'en étais revenu bouleversé. Ce n'était pourtant pas la première fois que j'y allais ; cependant ce séjour m'avait "bougé" : j'avais mal de voir autant de souffrances, de misère. L'écrire m'a pris deux années : il fallait le "sortir" littéralement. Une expérience douloureuse " racontait l'auteur à un journaliste algérien vivant à Paris. " Etonnants-Voyageurs ", version 2011 Tous les ans, la contrée de Saint-Malo est l'hôte, durant trois jours et chaque année, du Festival international du livre et du cinéma, " Etonnants-Voyageurs ". Les Algériens y sont conviés, presque à chaque édition et bien sûre à cette 22e. (çà s'est passé la semaine dernière). Ce rendez-vous version 2011, fut selon les organisateurs au top ! 60 000 participants, des centaines d'auteurs, de journalistes, d'éditeurs, pour des débats et des thèmes trop chaux : "Révolutions arabes" dont personne ne connaît, ni ne prémédite, l'issue. Pour être non pas dans la fiction mais dans le réel, les organisateurs avaient conviés, les nouveaux " héros " de la révolution : les jeunes révolutionnaires qui tissent leurs mots d'ordre via le Net. "Printemps arabe ", "L'avenir des arabes ", ce fut sur toutes les bouches dans " Etonnants-Voyageurs ", version 2011 où il y avait Lina Ben Mhenni, jeune blogueuse tunisienne, les photos d'Alain Buu sur la place Tahrir du Caire. L'universitaire tunisien Abdelwahab Meddeb, auteur du "Printemps de Tunis" (Albin Michel) a rendu hommage à cette jeune génération qui a fait la révolution : " Ce ne sont pas les intellectuels ni ma génération qui ont fait la révolution. C'est la jeunesse ", écrit le journaliste Pierre Haski, sur le site Internet Rue 89. " Les révolutions arabes permettent de rêver. Avant, c'était impossible ", dit l'écrivain algérien Kamel Daoud, auteur de "Le Minotaure 504" (éd. Sabine Wespieser). Après une année particulièrement riche au cours de laquelle " Etonnants Voyageurs " a fait escale à Bamako en novembre, vu un grand colloque au Canada consacré à la " littérature-monde ", et paraître sur celle-ci plusieurs ouvrages à l'étranger, le festival retrouve la cité malouine. Consacrée aux cultures urbaines, l'édition 2011 a rassemblé plus de 250 écrivains, cinéastes, artistes, photographes, et proposé 300 rencontres dans 25 lieux différents. Devenu en 2005 le premier Salon littéraire hors de Paris, Etonnants voyageurs rendait cette année hommage à Edouard Glissant et Aimé Césaire.Mais le festival s'est aussi ouvert avec succès à de nouveaux publics avec un lieu entièrement dédié au fantastique, un concert de hip-hop et une part belle faite aux arts de la rue, avec notamment les plasticiens Ernest Pignon-Ernest et Paul Bloas. Vous l'aurez compris, le rendez-vous se veut aussi actuel que revendicatif.