En proie à une étonnante crise, le Théâtre régional de Tizi Ouzou (TRTO) qui a connu en moins de six mois le double limogeage de deux responsables, Fouzia Aït El Hadj et Ahmed Khoudi, se prépare à monter une œuvre inédite : " Le fils du pauvre " de Mouloud Ferraoun. C'est l'actuelle responsable par intérim, Smail Amyar qui en a fait l'annonce en expliquant que le personnel de son établissement est actuellement en train d'explorer cette œuvre et que le Théâtre qu'il dirige "rayonnera sur la wilaya ". Smail Amyar est-il en train de donner des garanties pour la stabilité de son établissement ? En tout cas, ce responsable qui a provoqué une conférence de presse afin de donner les grandes lignes du programme du Théâtre qu'il dirige par intérim, promet que le TRTO s'apprêtait à acquérir trois scènes mobiles, ce qui permettra la mobilité des troupes qui auront le loisir de se déplacer dans toutes les localités limitrophes. "Nous voulons un théâtre de proximité pour que les enfants et les jeunes, voire même les moins jeunes redécouvrent cet art", ambitionne Smail Amyar qui annonce, également, la prochaine signature, avec la tutelle et sa direction des activités de théâtre, de trois conventions. Selon lui, la première porte sur une programmation pour les enfants en touchant un maximum d'écoles et autres Maisons de jeunes, la seconde concerne la prise en charge des acteurs; et enfin la troisième a trait au déploiement des troupes locales à travers le territoire national. De plus, l'actuelle responsable a annoncé la réception prochaine d'un matériel de pointe ainsi qu'un équipement pour 7 ateliers spécialisés, "ce qui serait une première dans l'histoire du Théâtre algérien" soutient il en avouant que le départ de son prédécesseur Khoudi "est intervenu à la demande de ce dernier". Quant à lui, il tentera, le temps que durera sa présence à la tête du TRTO, de faire en sorte d'intensifier les activités de cette institution, tout en veillant à l'harmonie au sein de son équipe en servant uniquement l'activité théâtrale. "Fouroulou", un personnage repère Il faut dire que l'idée de monter au théâtre, " le fils du pauvre " est une première quoi que Youcef Bouchouchi a à maintes reprises ambitionné d'adapter ce roman de Mouloud Ferraoun au cinéma. Dans le roman phare de Feraoun (le Fils du pauvre ndlr) l'auteur décrit comme un anthropologue les liens sociaux entre d'abord le microcosme familial dont il était lui-même chef en tant que "mâle", ensuite tout un environnement dans lequel il a évolué. Un environnement rythmé par la parole des sages, la terre aride, les fêtes et les rites ancestraux, un peu comme s'il s'agissait d'un livre sociologique où le personnage principal, "Fouroulou " serait le fil conducteur ou " la main conductrice " d'un lecteur qui découvre une société fermée sur elle-même, misérable et soumise aux lois et aux rigueurs iniques du colonisateur français. Il racontera dans cette extraordinaire épopée son entrée à l'école, les rapports souvent "injustes " entre lui et les filles, le fonctionnement du village qui obéissait à des règles anciennes de la parole des vieux sages, …bref, Feraoun aurait imagé une époque où la Kabylie souffrait tant de ses montagnes non seulement envahies mais incapables de nourrir ses hommes. Né le 8 mars 1913 dans le village de Tizi Hibel (ancienne commune mixte de Fort National), Mouloud Feraoun fréquenta l'école de son village à partir de l'âge de 7 ans. En 1928, il est boursier à l'Ecole primaire supérieure de Tizi Ouzou avant d'entrer quatre ans plus tard à l'Ecole normale de Bouzaréah où il fit la connaissance d'Emmanuel Roblès. En 1935, il est nommé instituteur à Tizi Hibel où il épouse sa cousine Dehbia dont il aura 7 enfants. En 1957, nommé directeur de l'Ecole Nador de Clos-Salembier, il quitte la Kabylie pour les hauteurs d'Alger. Mouloud Feraoun a commencé son premier roman autobiographique " le Fils du pauvre" en 1939 ; il n'est publié qu'en 1950 à compte d'auteur. Ce n'est qu'en 1954 que Le Seuil le publie expurgé des 70 pages relatives à l'Ecole normale de Bouzaréah. Les éditions du Seuil publient, en 1957, en italique, la traduction des Poèmes de Si Mohand U M'hand, étant éditée par les Editions de Minuit en 1960. Son Journal, rédigé de 1955 à 1962 est remis au Seuil en février 1962 et ne sera publié qu'après sa mort. C'est dans "Le Journal " que s'exprime toute la dimension humaine de l'écrivain. Son analyse futuriste sur l'avenir de l'Algérie indépendante restera comme un message prémonitoire. Il anticipera sur les événements dramatiques que l'Algérie a vécu, lorsqu'il déclara dans le même ouvrage que " vos ennemis de demain seront pires que ceux d'aujourd'hui".