Les règles de concurrence doivent être révisées pour permettre aux entreprises européennes d'être compétitives sur le marché mondial, a déclaré mardi le directeur de Business Europe, le patronat européen, qui redoute l'impact d'un rejet par la Commission de la fusion Alstom-Siemens. La Commission européenne, qui a émis des réserves sur le projet de fusion visant à concurrencer le numéro un mondial chinois CRRC dans le domaine ferroviaire, devrait se prononcer - négativement - mercredi sous prétexte que la concurrence sera affectée dans l'Union, selon des sources. "On soutient la politique de l'agence de concurrence européenne parce que c'est important pour le fonctionnement du marché intérieur et c'est aussi important parce que c'est l'un des seuls instruments que l'on a au niveau mondial", a déclaré Markus Beyrer, qui était invité au siège du Medef à Paris à l'occasion du lancement de la campagne "Merci l'Europe". "Dans le même temps, le monde a changé. Ça ne sera plus suffisant de regarder uniquement le marché intérieur européen. Il faut voir aussi la taille d'une façon différente et il faut réfléchir (à une façon) d'être compétitif au marché mondial." "Donc il nous faut clairement un changement de politique et ça passera par une application des règles qui tiennent compte de ces changements au niveau mondial. Et si ce n'est pas possible, il faudra réfléchir à changer ces règles", a-t-il ajouté. "La crainte que j'ai un peu vis-à-vis de ce cas spécifique (...) si ça tourne mal, ça peut être assez nuisible aussi à la politique de concurrence européenne et une décision négative de la Commission européenne "ne serait pas comprise par une bonne partie des pays européens", a ajouté Markus Beyrer.
Le Medef veut des "champions européens" Pour le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, l'Europe a besoin de champions européens. "Traditionnellement, la concurrence était regardée sous le regard de la protection des consommateurs, (...) mais aujourd'hui le marché il est mondial", a-t-il expliqué. "Savoir si la part de marché des géants européens est trop importante en Europe, c'est prendre une seule partie du problème. Il faut regarder le marché mondial, où sont les autres concurrents, quelle taille font les concurrents chinois ou américains", a-t-il ajouté en se disant pour la fusion. Les gouvernements français et allemands ont exhorté à plusieurs reprises la Commission européenne à approuver cet accord. La ministre chargée des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, a qualifié dimanche ces règles "d'absurdes" et a promis de se battre pour les changer. Mais la messe semble dite. Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a assuré mardi dans un discours devant des industriels à Bruxelles que son institution ne bloquait pas une fusion pour le plaisir. Les précautions prises montrent que "nous croyons à une concurrence équitable pour tous", a-t-il dit, rappelant que la Commission n'avait bloqué que 30 projets de fusions depuis sa création et en avait approuvé plus de 6.000. "Nous ne faisons jamais de politique ou ne manifestons jamais de préférence quand il s'agit d'assurer des conditions de concurrence égale". Reste à savoir quelles seront les conséquences d'un refus programmé de la Commission sur la survie d'Alstom. "A court terme, ça ne pose pas de problème, c'est une entreprise qui gagne de l'argent, le problème c'est le long terme", déclare une source à l'Elysée. "Ce n'est pas un problème de mort rapide, là c'était une construction de suprématie technologique de très long terme."
Le Maire va défendre la fusion Le ministre français de l'Economie et des Finances annonce dans un entretien au Journal du Dimanche qu'il défendra de nouveau lundi le rapprochement entre le français Alstom et l'allemand Siemens dans le ferroviaire lors d'une rencontre avec la commissaire européenne à la Concurrence. Le ministre français de l'Economie et des Finances rencontrera ce lundi à Bruxelles la commissaire européenne à la Concurrence Margrethe Vestager pour défendre la fusion Alstom-Siemens qui vise à répondre aux ambitions chinoises dans le ferroviaire. Chargée de veiller à ce que le redécoupage du secteur du train en Europe n'écrase pas les plus petits groupes ou ne menace les prix, Bruxelles s'inquiète de la position dominante que le nouvel ensemble aurait dans la signalisation ferroviaire et les trains à grande vitesse. "Je la verrai à nouveau demain (lundi) matin pour discuter de la politique de concurrence et redire à quel point la France est attachée à cette fusion", a-t-il déclaré dans les colonnes du Journal du Dimanche.
Verdict le 18 février La Commission européenne qui doit se prononcer le 18 février sur ce rapprochement pourrait en effet bloquer le projet parce qu'elle juge insuffisantes les propositions des deux groupes pour assurer le maintien d'une concurrence satisfaisante. Pour Bruno Le Maire, les conditions sont "remplies". "Oui, les conditions sont remplies pour que cette fusion soit réussie. Nous partageons cette vision avec mon homologue allemand Peter Altmaier", a-t-il assuré. "Refuser la fusion entre Alstom et Siemens serait une erreur économique et une faute politique", a-t-il ajouté Bruno Le Maire, faisant écho aux propos cette semaine du porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux. Qu'elle soit autorisée par la Commission européenne est dans "l'intérêt de la France et de l'Allemagne. C'est l'intérêt de l'Europe", a-t-il martelé. "Je veux avoir confiance dans le sens de l'intérêt général européen de la Commission européenne", a encore dit le ministre.
Les doutes des industriels Or, tant Siemens qu'Alstom ont affiché leurs doutes ces derniers jours sur la faisabilité de ces concessions. "Il n'y aura plus de concessions (...). Nous sommes devant un mur trop haut", a déclaré jeudi une source au sein de Siemens, très pessimiste sur les chances de voir aboutir les noces annoncées en fanfare en septembre 2017. "Nous continuons à nous battre. (...) La décision de la Commission européenne est attendue d'ici le 18 février, mais aujourd'hui il n'y a pas de certitude que le contenu de cette proposition sera suffisante", a estimé de son côté le patron d'Alstom Henri Poupart-Lafarge, en marge de ses résultats trimestriels.
Paris veut refondre les règles de la concurrence avec Berlin La France envisage de se coordonner avec l'Allemagne dans les prochains mois pour changer les règles de la concurrence européenne, a-t-on appris mardi à Bercy, où l'on se prépare à un refus du rapprochement entre Alstom et Siemens dans le ferroviaire par la Commission européenne. "Sauf décision de contraire du collège, la commissaire à la Concurrence devrait recommander (un avis) négatif", rapporte une source au ministère de l'Economie et des Finances. La décision est attendue d'ici le 18 février mais pourrait être rendue dès ce mercredi selon des sources européennes. "Les règles devraient être réexaminées afin de permettre la constitution de champions européens", dit-on à Bercy, où l'on déplore "un cadeau fait à la Chine (...) alors même que la Chine a un marché fermé". Interrogée sur la volonté d'introduire un droit de regard du Conseil européen sur les décisions de la Commission, ce qui mettrait un terme à l'indépendance de l'exécutif européen en la matière, cette même source reconnaît : "C'est une piste." "Maintenant les intérêts du consommateur priment sur tous les intérêts généraux. L'objet, c'est de savoir s'il peut y avoir d'autres intérêts généraux qui puissent primer", ajoute-t-on. Dimanche, la ministre chargée des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, avait qualifié d'"absurdes" les règles appliquées par la Commission européenne. Le ministre allemand de l'Economie, Peter Altmaier, s'est prononcé mardi contre la nécessité d'obtenir l'aval des pouvoirs publics à des opérations telles que le rapprochement entre Siemens et Alstom.