Malgré un taux de chômage tombé à ses plus bas niveaux en près de 50 ans, les responsables de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine continuent de s'inquiéter d'une inflation trop faible, ce qui aide à comprendre la décision de la Fed de suspendre son cycle de relèvement des taux d'intérêt. Traditionnellement, les économistes ont constaté que lorsque les marchés de l'emploi sont tendus, l'inflation finit par monter. Mais une série de recherches au sein de la Fed et en dehors suggère que la relation entre les deux est moins étroite. S'exprimant vendredi à l'Université de Chicago, le président de la Fed de New York, John Williams, et la présidente de la Fed de San Francisco, Mary Daly, ont tous deux dit qu'ils pensaient toujours que des marchés de l'emploi tendus exerçaient une pression à la hausse sur l'inflation et qu'avec un taux de chômage à 4%, la Fed devait prévenir une envolée des prix. Mais ils ont ajouté qu'ils étaient également inquiets d'une inflation excessivement faible. "Je conviens que nous devons rester vigilants en ce qui concerne une envolée durable de l'inflation", a dit John Williams. "Nous devons aussi prendre garde que les anticipations d'inflation ne soient pas ancrées à des niveaux trop bas." La crainte d'une inflation trop faible est notable parce que la Fed relevait encore récemment ses taux d'intérêt pour prévenir une surchauffe de l'économie, avec un chômage historiquement bas. Mais elle reflète une Fed plus prudente face aux risques baissiers de l'économie et de plus en plus convaincue que la mondialisation et les nouvelles technologies ont bouleversé la dynamique de l'inflation. Cette nouvelle inquiétude explique en partie la promesse de la Fed d'être "patiente" en ce qui concerne les futures hausses de taux d'intérêt. Williams et Daly ont tous deux affirmé vendredi que les anticipations d'inflation étaient un élément clé pour le maintien de l'inflation sur les rails et que ces anticipations étaient dictées pour une bonne part par l'expérience. C'est pourquoi le fait que l'inflation reste nettement en-dessous de l'objectif de 2% de la Fed est préoccupant. Ils ont fait ces remarques après une note publiée vendredi soulignant que la Fed ne devait pas ignorer l'éventualité qu'un taux de chômage faible et une hausse des salaires ne provoquent une hausse de l'inflation comme dans les années 1960. Les auteurs de la note, dont le directeur de la recherche de économique de la division actions de Deutsche Bank, ont aussi averti sur le risque que les pressions politiques ne rendent la Fed complaisante face aux dangers de l'inflation. Le président américain, Donald Trump, a publiquement reproché à la Fed l'an dernier de relever ses taux.
Croissance "solide" mais plus lente L'économie américaine a conservé une croissance "solide" tout au long du deuxième semestre 2018, avec une croissance qui a probablement été "tout juste" inférieure à 3% sur l'année, même si les dépenses de consommation et d'investissement avaient commencé à baisser, a annoncé vendredi la Réserve fédérale dans son rapport semestriel au Congrès sur sa politique monétaire. Dans un document qui met en balance des perspectives essentiellement positives pour une économie qui reste en croissance face à l'émergence d'une série de risques nationaux et internationaux, la banque centrale a expliqué pourquoi elle avait mis en suspens son cycle de relèvement des taux d'intérêt. Pour des raisons allant d'un appétit "dégradé" pour le risque parmi les investisseurs au ralentissement en Chine, les perspectives sont "plus incertaines qu'auparavant", dit la Fed qui note des "conditions économiques et mondiales plus faibles". Cela pourrait se prolonger au début de l'année 2019, a dit la Fed, tout en soulignant que le blocage pendant 35 jours d'une partie de l'administration fédérale avait "probablement freiné la croissance du PIB au premier trimestre de cette année". La Fed a indiqué au Congrès qu'elle continuerait à réduire la taille de son bilan, qui a diminué de 260 milliards de dollars (230 milliards d'euros) depuis son dernier rapport au Congrès pour finir l'année à près de 4.000 milliards de dollars. Mais la banque centrale a également réaffirmé sa nouvelle disposition à ajuster "tous les détails" de ce bilan si les conditions économiques ou financières l'exigent. Le président de la Fed, Jerome Powell, doit témoigner devant le Sénat et la Chambre des représentants mardi et mercredi pour donner des précisions au sujet de ce rapport semestriel, au cours d'une semaine qui devrait être importante en termes d'indicateurs économiques et donner une idée plus précise à la banque centrale de l'évolution de l'économie américaine.