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Sans ketchup ni hémoglobine
«Roma wa la n'touma» de Tarik Téguia à la Cinémathèque Algérienne
Publié dans Le Midi Libre le 02 - 07 - 2007

Le réalisateur filme les lieux souffreteux de la souffrance sans se départir de ce parti-pris de détachement qu'il traduit par des images souvent filmées d'assez loin (en plan moyen), ce qui accentue l'effet de recul recherché tout au long du film.
Le réalisateur filme les lieux souffreteux de la souffrance sans se départir de ce parti-pris de détachement qu'il traduit par des images souvent filmées d'assez loin (en plan moyen), ce qui accentue l'effet de recul recherché tout au long du film.
Lorsque Zina, ( Samira Kaddour), jeune Algéroise de 22 ans, tourne le dos au port pour scruter sa ville, elle a ces yeux que l'on voit aux enfants de toutes les misères. Ce regard insoutenable semble être le principal mode de communication de la jeune fille. Peu bavarde mais caustique, à la fois décontractée et farouche, elle semble tout le long du film tenir à distance les évènements et les êtres. La caméra de Tariq Téguia semble habitée par ce regard distant et pourtant profond. Le réalisateur filme les lieux souffreteux de la souffrance sans se départir de ce parti-pris de détachement qu'il traduit par des images souvent filmées d'assez loin (en plan moyen), ce qui accentue l'effet de recul recherché tout au long du film.
Tariq Téguia fait le choix de montrer avec des images, sans ketchup ni hémoglobine, une Algérie qui saigne à flots. Sa caméra piège le marasme qui baigne le pays plongé dans «une guerre lente», comme le souligne un des personnages du film, Malek (Kader Affak), un journaliste, qui pour arrondir ses fins de mois, fait de la baklawa dans une pâtisserie vétuste.
Avec une avalanche de séquences éclatées qui se faufilent comme clandestinement dès le début du film et qui contrastent avec des actions plus lentes, filmées pratiquement en temps réel, Tariq Téguia va à l'encontre de toutes les techniques hollywoodiennes qui saturent rétines et neurones depuis des générations.
L'absence d'intrigue proprement dit transmet au spectateur le malaise étouffant qui saisit Zina, son petit ami Kamel Rachid Amrani) et Merzak (Lali Maloufi) l'ami de son ami, au cours d'une journée qui ne veut pas finir.
Cet état d'esprit distinctif des jeunes Algériens, coincés entre malvie et violence, appelé habituellement «dégoûtage», semble être le vrai sujet du film. L'histoire qui s'étale sur deux jours entraîne à leur insu les deux amoureux vers une fin tragique. Banale, en cette période où l'actualité est ponctuée par les massacres massifs de Raïs, Bentalha, Aïn-Defla, Baraki, Remka, Had Echakkala, Beni-Messous, etc.
C'est dans une Algérie où le soleil ne brille pas souvent que Tariq filme la fugue véhiculée du couple. Le savoureux langage des acteurs et la justesse de leur jeu cassent définitivement avec les sketches «chorbas» et le jeu surfait auquel le spectateur algérien a été conditionné via l'ENTV. Féline, en jean's et corsage parachutiste, Zina semble volontairement s'effacer face à ses protagonistes masculins. Elle, qui lit un roman de Chester Himes au début du film, ne corrige pas Kamel son petit ami qui pense que Kafka est un jeune à qui on a refusé le visa. C'est lorsque les choses se gâtent qu'elle les prend en main. Son courage et son sang-froid la révèlent alors que Kamel, qui roule typiquement des mécaniques, est écrasé d'émotion lorsque l'horreur les rattrape. Dans l'Algérie des années 1990, elle ne pouvait pas les rater. La promenade que les deux amoureux font d'Alger à la Madrague s'avère loin d'être récréative. Kamel qui a déjà vécu à l'étranger ne rêve que de repartir. Il est à la recherche de Ferhat le bosco qui doit lui fournir le passeport rouge ou la carte verte, uniques clefs d'un ailleurs où l'intégrité morale et physique des êtres est respectée. Le couple roule à travers un chantier de villas en construction et de routes défoncées. Dans ce désert urbain, où ils sont de plus en plus perdus, ils ont du mal à trouver celui qu'ils cherchent. Par contre, ils rencontrent des policiers qui les traînent, état d'urgence oblige, au commissariat pour des vérifications de routine ect… les y oublient. Ils croisent également sans l'identifier le grand méchant loup : un commando terroriste qui travaille dans une imprimerie et à qui ils demandent leur chemin. En pleine infraction car le couvre-feu est de rigueur, ils vont, accompagnés de Merzak (Lali Maloufi), un ami musicien, passer la nuit dans une villa mal en point où travaille leur pote Malek (Kader Affak), le journaliste-pâtissier. Dans le décor rongé d'humidité de la villa et du bar clandestin, les quatre jeunes gens passent une nuit à danser, boire et discuter.
Le lendemain, le couple reprend sa quête. C'est sous forme de cadavre qu'ils retrouvent Ferhat le Bosco. Le marin a été assassiné par le commando islamiste qui le rackettait régulièrement. Pendant que Kamel vomit ses tripes, Zina veille à ce que le mort soit recouvert de tissu et de prières, comme il se doit. C'est également elle qui tend à Kamel les papiers d'identité étrangers qu'elle a découvert en fouinant dans la cuisine.
Et c'est encore elle qui prend résolument le volant de la voiture pour fuir ces lieux où la mort tournoie. Celle-ci frappe à nouveau. Cette fois-ci, les deux jeunes gens. Le spectateur comprend alors que leur isolement d'êtres perdus au milieu de nulle part n'était qu'une apparence, puisque le commando terroriste leur tend une embuscade où Kamel est grièvement blessé. Et l'on ne sait pas s'il va s'en sortir. En proie au délire, il croit entendre la musique de Cheb Hasni, le chanteur de raï assassiné en 1994. Il demande à la jeune fille d'augmenter le son. Zina plus froidement déterminée que jamais lui assène un «jayeh ! (crétin !)» qui plonge les spectateurs dans la stupeur. Les dernières images du film, un gros plan où Zina conduit la Volvo à grande vitesse, contrastent avec le rythme de l'œuvre qui musarde et lézarde comme un jeune chômeur d'Alger. Les acteurs, qui, à part Ahmed Benaïssa (dans le rôle du commissaire), sont le plus souvent des jeunes qui n'ont jamais fait de cinéma, sont époustouflants de naturel. Le harrag qui, arrêté dans le port d'Alger, raconte ses galères est, pour de vrai, un jeune qui a essayé de se tirer du pays, 16 fois déjà. Tariq Téguia inaugure un cinéma algérien tout en sobriété et rigueur, déjà annoncé par ses précédents courts-métrages : Le chien (1996), Haçla, (2002), Kech mouvement (1992), Ferrailles d'attente (1998). Ce premier long-métrage de fiction a été retenu par la sélection Horizon de la Mostra de Venise 2006. Il a ensuite obtenu le prix spécial du jury au Festival international de Fribourg en Suisse et le prix Transcendance et réconciliation au Festival international de Thessalonique en Grèce. Après une avant-première à la salle Ibn-Zeydoun en janvier 2007, il est actuellement programmé à la cinémathèque algérienne à raison de deux séances par jour, à 13 heures et 15 heures et ce,durant une vingtaine de jours.
Lorsque Zina, ( Samira Kaddour), jeune Algéroise de 22 ans, tourne le dos au port pour scruter sa ville, elle a ces yeux que l'on voit aux enfants de toutes les misères. Ce regard insoutenable semble être le principal mode de communication de la jeune fille. Peu bavarde mais caustique, à la fois décontractée et farouche, elle semble tout le long du film tenir à distance les évènements et les êtres. La caméra de Tariq Téguia semble habitée par ce regard distant et pourtant profond. Le réalisateur filme les lieux souffreteux de la souffrance sans se départir de ce parti-pris de détachement qu'il traduit par des images souvent filmées d'assez loin (en plan moyen), ce qui accentue l'effet de recul recherché tout au long du film.
Tariq Téguia fait le choix de montrer avec des images, sans ketchup ni hémoglobine, une Algérie qui saigne à flots. Sa caméra piège le marasme qui baigne le pays plongé dans «une guerre lente», comme le souligne un des personnages du film, Malek (Kader Affak), un journaliste, qui pour arrondir ses fins de mois, fait de la baklawa dans une pâtisserie vétuste.
Avec une avalanche de séquences éclatées qui se faufilent comme clandestinement dès le début du film et qui contrastent avec des actions plus lentes, filmées pratiquement en temps réel, Tariq Téguia va à l'encontre de toutes les techniques hollywoodiennes qui saturent rétines et neurones depuis des générations.
L'absence d'intrigue proprement dit transmet au spectateur le malaise étouffant qui saisit Zina, son petit ami Kamel Rachid Amrani) et Merzak (Lali Maloufi) l'ami de son ami, au cours d'une journée qui ne veut pas finir.
Cet état d'esprit distinctif des jeunes Algériens, coincés entre malvie et violence, appelé habituellement «dégoûtage», semble être le vrai sujet du film. L'histoire qui s'étale sur deux jours entraîne à leur insu les deux amoureux vers une fin tragique. Banale, en cette période où l'actualité est ponctuée par les massacres massifs de Raïs, Bentalha, Aïn-Defla, Baraki, Remka, Had Echakkala, Beni-Messous, etc.
C'est dans une Algérie où le soleil ne brille pas souvent que Tariq filme la fugue véhiculée du couple. Le savoureux langage des acteurs et la justesse de leur jeu cassent définitivement avec les sketches «chorbas» et le jeu surfait auquel le spectateur algérien a été conditionné via l'ENTV. Féline, en jean's et corsage parachutiste, Zina semble volontairement s'effacer face à ses protagonistes masculins. Elle, qui lit un roman de Chester Himes au début du film, ne corrige pas Kamel son petit ami qui pense que Kafka est un jeune à qui on a refusé le visa. C'est lorsque les choses se gâtent qu'elle les prend en main. Son courage et son sang-froid la révèlent alors que Kamel, qui roule typiquement des mécaniques, est écrasé d'émotion lorsque l'horreur les rattrape. Dans l'Algérie des années 1990, elle ne pouvait pas les rater. La promenade que les deux amoureux font d'Alger à la Madrague s'avère loin d'être récréative. Kamel qui a déjà vécu à l'étranger ne rêve que de repartir. Il est à la recherche de Ferhat le bosco qui doit lui fournir le passeport rouge ou la carte verte, uniques clefs d'un ailleurs où l'intégrité morale et physique des êtres est respectée. Le couple roule à travers un chantier de villas en construction et de routes défoncées. Dans ce désert urbain, où ils sont de plus en plus perdus, ils ont du mal à trouver celui qu'ils cherchent. Par contre, ils rencontrent des policiers qui les traînent, état d'urgence oblige, au commissariat pour des vérifications de routine ect… les y oublient. Ils croisent également sans l'identifier le grand méchant loup : un commando terroriste qui travaille dans une imprimerie et à qui ils demandent leur chemin. En pleine infraction car le couvre-feu est de rigueur, ils vont, accompagnés de Merzak (Lali Maloufi), un ami musicien, passer la nuit dans une villa mal en point où travaille leur pote Malek (Kader Affak), le journaliste-pâtissier. Dans le décor rongé d'humidité de la villa et du bar clandestin, les quatre jeunes gens passent une nuit à danser, boire et discuter.
Le lendemain, le couple reprend sa quête. C'est sous forme de cadavre qu'ils retrouvent Ferhat le Bosco. Le marin a été assassiné par le commando islamiste qui le rackettait régulièrement. Pendant que Kamel vomit ses tripes, Zina veille à ce que le mort soit recouvert de tissu et de prières, comme il se doit. C'est également elle qui tend à Kamel les papiers d'identité étrangers qu'elle a découvert en fouinant dans la cuisine.
Et c'est encore elle qui prend résolument le volant de la voiture pour fuir ces lieux où la mort tournoie. Celle-ci frappe à nouveau. Cette fois-ci, les deux jeunes gens. Le spectateur comprend alors que leur isolement d'êtres perdus au milieu de nulle part n'était qu'une apparence, puisque le commando terroriste leur tend une embuscade où Kamel est grièvement blessé. Et l'on ne sait pas s'il va s'en sortir. En proie au délire, il croit entendre la musique de Cheb Hasni, le chanteur de raï assassiné en 1994. Il demande à la jeune fille d'augmenter le son. Zina plus froidement déterminée que jamais lui assène un «jayeh ! (crétin !)» qui plonge les spectateurs dans la stupeur. Les dernières images du film, un gros plan où Zina conduit la Volvo à grande vitesse, contrastent avec le rythme de l'œuvre qui musarde et lézarde comme un jeune chômeur d'Alger. Les acteurs, qui, à part Ahmed Benaïssa (dans le rôle du commissaire), sont le plus souvent des jeunes qui n'ont jamais fait de cinéma, sont époustouflants de naturel. Le harrag qui, arrêté dans le port d'Alger, raconte ses galères est, pour de vrai, un jeune qui a essayé de se tirer du pays, 16 fois déjà. Tariq Téguia inaugure un cinéma algérien tout en sobriété et rigueur, déjà annoncé par ses précédents courts-métrages : Le chien (1996), Haçla, (2002), Kech mouvement (1992), Ferrailles d'attente (1998). Ce premier long-métrage de fiction a été retenu par la sélection Horizon de la Mostra de Venise 2006. Il a ensuite obtenu le prix spécial du jury au Festival international de Fribourg en Suisse et le prix Transcendance et réconciliation au Festival international de Thessalonique en Grèce. Après une avant-première à la salle Ibn-Zeydoun en janvier 2007, il est actuellement programmé à la cinémathèque algérienne à raison de deux séances par jour, à 13 heures et 15 heures et ce,durant une vingtaine de jours.


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