« Restons vigilants !»    Le ''MAK'' perd ses cadres    Signature d'une déclaration conjointe sur le renforcement des relations de partenariat et d'amitié    Examen des moyens de renforcer de la coopération bilatérale    situation de l'économie algérienne et perspectives    100.000 personnes ont fuit en deux semaines    «Plus de 260 professionnels des médias ont été tués»    Des exemplaires du Coran déchirés dans une mosquée, le CFCM dénonce une «profanation odieuse»    Coupe arabe : une entrée en matière inquiétante pour les Verts    La Coupe arabe rappelle que les hiérarchies ne sont plus éternelles    Tour d'Algérie : l'édition 2026 du 15 au 27 avril    Trois personnes sauvées dans un incendie déclaré à Bendaoud    Cinq victimes sauvées in extremis à Sidi Ali    Prévention des intoxications alimentaires en milieu scolaire    L'Algérie à la 47e session du Comité permanent à Genève    La 9e édition présente les œuvres plastiques issues de la résidence de création    Alger doute de l'intention de Paris de rétablir des relations sereines    Des progrès «tangibles», défend Lotfi Boudjemaâ    Programme TV du 4 novembre 2025 : Coupes et Championnats – Heures et chaînes    Programme TV du samedi 25 octobre 2025 : Ligue 1, Bundesliga, CAF et championnats étrangers – Heures et chaînes    Programme TV du 24 octobre 2025 : Ligue 2, Ligue 1, Serie A, Pro League – Heures et chaînes    Festival international du Malouf: fusion musicale syrienne et russe à la 4e soirée    Adhésion de l'Algérie à l'AIPA en tant que membre observateur unique: le Parlement arabe félicite l'APN    Industrie pharmaceutique : nécessité de redoubler d'efforts pour intégrer l'innovation et la numérisation dans les systèmes de santé nationaux    Conseil de sécurité : début de la réunion de haut niveau sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Examen de validation de niveau pour les diplômés des écoles coraniques et des Zaouïas mercredi et jeudi    APN : la Commission de la santé à l'écoute des préoccupations des associations et parents des "Enfants de la lune"    Réunion de haut niveau du Conseil de sécurité sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Boudjemaa reçoit le SG de la HCCH et le président de l'UIHJ    Athlétisme / Mondial 2025 : "Je suis heureux de ma médaille d'argent et mon objectif demeure l'or aux JO 2028"    Ligne minière Est : Djellaoui souligne l'importance de la coordination entre les entreprises de réalisation    Mme Bendouda appelle les conteurs à contribuer à la transmission du patrimoine oral algérien aux générations montantes    CREA : clôture de l'initiative de distribution de fournitures scolaires aux familles nécessiteuses    Poursuite du suivi et de l'évaluation des programmes d'investissement public dans le secteur de la Jeunesse    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 65.382 martyrs et 166.985 blessés    La ministre de la Culture préside deux réunions consacrées à l'examen de l'état du cinéma algérien    Le Général d'Armée Chanegriha reçoit le Directeur du Service fédéral pour la coopération militaire et technique de la Fédération de Russie    Foot/ Coupe arabe Fifa 2025 (préparation) : Algérie- Palestine en amical les 9 et 13 octobre à Annaba    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



El Meknassi, le boulanger !
C'est ma vie
Publié dans Le Soir d'Algérie le 02 - 06 - 2018

Il n'était ni de Fès ni de Meknès, mais plutôt, dans son domaine, il était un véritable prince ! El hadj El Meknassi, le boulanger, était un personnage atypique par son look, son intelligence et surtout son amour pour son travail.
Il contribuait énormément au décor du centre-ville de notre enfance. Etant petit, j'appréciais beaucoup ce moment où mes parents me demandaient d'aller acheter du pain chez lui. Je ne ramenais jamais les baguettes entières car je les débarrassais de leurs quignons que j'adorais et souvent ma mère me grondait pour cela.
Eh oui ! Ses baguettes étaient tellement bien cuites et croustillantes que je rasais tout ce qui dépassait du couffin. Il avait une particularité qui le distinguait des autres commerçants, c'est le fait qu'il maîtrisait parfaitement l'arabe et le kabyle.
Dès qu'il savait que le client ou la cliente était kabyle, il lui adressait la parole en kabyle chose qui les étonnait beaucoup car il ne ressemblait pas du tout à un Kabyle. Moi aussi, il me faisait douter et je me demandais souvent s'il était vraiment ou non. On m'informa plus tard qu'il ne l'était pas mais que tous ses voisins de la skayfa (impasse) où il avait vécu, au centre de Vialar, étaient kabyles et par conséquent, il avait appris parfaitement la langue.
El Meknassi confectionnait sa boulange tout seul et se faisait rarement aider par des ouvriers. Il fabriquait surtout du pain. Selon ses enfants et depuis qu'ils l'ont connu main dans la pâte, il suivait toujours la même méthode : pétrissage de la pâte, fermentation, façonnage pour donner la forme d'une baguette, repos de la pâte, décoration de la pâte et pour finir, la cuisson. Une préparation qui durait environ 4 à 5 heures. Il travaillait jour et nuit, week-end et jours fériés ; soumis à une chaleur insupportable. Eh oui, le four utilisé pour cuire le pain chauffait à plus de 200 degrés Celsius.
Tout au début, il le chauffait avec du bois, ce n'est que quelques années plus tard qu'il le modernisa en utilisant le fuel. Des fois, j'arrivais juste au moment où il le chauffait, deux gigantesques brûleurs qui crachaient du feu comme des dragons et à plein régime étaient dirigés vers le fond du four et ça durait un bon bout de temps jusqu à ce que le four devienne rouge comme de la braise.
L'hiver ça nous procurait une douce chaleur et on appréciait beaucoup ce moment, mais en été, c'était plutôt l'enfer. Il se levait tôt le matin et rentrait très tard le soir. C'était un métier très dur pour lui.
Outre son travail de véritable artisan boulanger, aâmi El Meknassi vendait lui-même son pain. Il forma des dizaines d'apprentis boulangers. Même ses fils sont passés chez lui. Il avait nourri des générations et des générations. Qu'ils soient nécessiteux, SDF, passagers occasionnels ou simples citoyens, tous passaient chez lui avec ou sans le sou, ils étaient servis. Il avait le cœur sur la main. Une baguette de chez El Meknassi, un chocolat au lait bien chaud chez Sataoui, le cafetier juste en face, et le tour était joué pour ceux qui voulaient calmer leur petite panse !
C'était un homme d'une cinquantaine d'années, plutôt grand, maigre, irascible Un visage osseux, des joues creuses et un regard toujours préoccupé mais qui reflétait sa sincérité et son honnêteté.
Il n'était pas trop bavard. Très propre, il s'habillait toujours de la même façon : un léger turban sur la tête, une montre pendentif dissimulée dans la petite poche de son gilet et surtout un pantalon traditionnel. L'hiver, sa kachabia marron à rayures ne le quittait jamais. Sage, plein d'empathie, aussi bon que le pain qu'il préparait et toujours prêt à aider autrui. Il mettait beaucoup de cœur à l'ouvrage.
Je me rappelle toujours de ces baguettes d'un kilogramme et de sa fameuse trancheuse manuelle qui les coupait en deux parts égales lorsqu'on lui demandait une demi-baguette. Je n'oublierai jamais ces journées où on patientait longtemps dans sa boulangerie avant que le pain ne sorte du four.
Entre-temps, une grande fille d'attente de clients se formait et chacun voulait être servi le premier. Malgré la bousculade de ceux qui voulaient être les premiers, il restait zen et contrôlait impeccablement la situation. Tel un véritable chef, et d'un seul coup d'œil, il arrivait à distinguer facilement ceux qui étaient en tête de file.
Et souvent, me voyant débordé par la taille des adultes, moi le petit enfant que j'étais, il me tendait sa main pour me demander mon couffin dans lequel il me mettait, sans me le demander, le nombre exact de baguettes que j'achetais quotidiennement. Il avait une mémoire d'éléphant. Les mois de ramadhan, c'était un autre son de cloche. Chez lui, c'était du pain, du sacré et du sucré. Il variait son pétrin en donnant à ses pâtons de jolies formes : rondes, ovales, tressées, des fougasses, il faisait dans l'originalité par rapport aux autres mois de l'année.
Les graines de nigelle étaient les invités d'honneur. L'odeur du pain embaumait l'air. Il préparait aussi quelques gâteaux traditionnels et le sacro-saint qelb-elouz. les maîtresses de maison ornaient leurs plateaux de pain fait à la maison et envoyaient leurs garçons chez El-Meknassi pour nous le faire cuire.
Certains ramenaient leurs galettes enveloppées dans du tissu sur de petites tables en bois qu'ils portaient sur leurs têtes. D'un coup de maître, il prenait la galette d'une main la balançait sur l'autre main et il la posait dans sa pelle en bois en l'enfonçant avec précision à la place voulue au fond du four à l'aide de sa longue manche. Je ne l'ai jamais vu rater son coup. Et la dernière semaine du mois sacré, garçons, filles et même adultes, plateaux de gâteaux (kaâk, gherabia, makrout ou tout simplement gâto tabaâ) sur la tête se ruaient vers sa boulangerie. Que c'était beau comme spectacle et c'est à travers ce va-et-vient incessant qu'on goûtait à cet avant-goût de l'Aïd Esseghir qui pointait du nez et on était très heureux.
Spectacle qui a complètement déserté notre ville depuis belle lurette. Il lui arrivait, lui ou un de ses ouvriers une fois le gâteau cuit, de demander une pièce ou deux de nos gâteaux. On les leur offrait avec plaisir.
Durant toute sa vie, sa boulangerie était son seul gagne-pain, et son métier, son unique passion. Actuellement, ses enfants et petits-enfants, en particulier Bentamra, ont pris la relève et se retrouvent dans le monde de la boulangerie et de la pâtisserie ! Bentamra, ayant hérité des qualités de son père, gère une boulangerie-pâtisserie moderne, certes pas au même endroit, mais avec l'âme du regretté qui rôde encore surtout lorsqu'on franchit la porte. Son portrait est accroché au mur et nous rappelle à jamais le regretté El hadj El Meknassi ! On y revient souvent, surtout en ce mois sacré pour acheter notre pain saupoudré de graines de nigelle et quelques pièces de son succulent qelb-elouz. n


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.