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Les véritables raisons d'une déflagration programmée -1re partie
OCTOBRE 1988-OCTOBRE 2018
Publié dans Le Soir d'Algérie le 04 - 10 - 2018


Par Kamel Bouchama, auteur
On ne peut parler d'Octobre 1988, sans commenter, dans les détails, les causes qui ont fait que l'inévitable se produise et connaisse une ampleur effrayante. Les effets qui se sont répercutés en épreuves tragiques sont à énumérer pour que l'opinion publique, jusque-là restée dans l'ignorance, sache dans les moindres détails, ou peut-être dans les plus importants, ce qu'a été ce drame incommensurable qui a bouleversé le pays.
Aujourd'hui, trente années après, l'on se doit de dire la vérité, sans détours, sans ajournements, sans hésitations, mais avec simplicité, honnêteté et sincérité dans le propos. Car Octobre doit quand même livrer ses secrets, si secrets il y a, au vu du climat d'alors qui augurait de sombres lendemains. Quant à moi, ayant vécu cette difficile période, que j'ai appelée dans deux de mes écrits, à l'époque : «L'amorce d'un tournant» et, un peu plus tard, «Les ingrédients d'Octobre 1988», je me permets, trois décennies après, de proposer cette contribution que je souhaite opportune pour éclairer l'opinion publique. Inutile de rappeler aux lecteurs mes anciennes fonctions au sein du parti du FLN et de l'Etat, pendant de longues années. Cependant, il est important de leur dire, que je me situais aux premières loges pendant la crise, ce qui me donne ce naturel de faire parler ma plume pour relater, avec précision et clarté, la situation d'alors, avant l'explosion du 5 Octobre. Ainsi, de par cette position qui était mienne, je dois ne pas lésiner, tout au long de cette contribution, sur les causes endogènes qui ont participé à la survenue d'Octobre, et elles étaient nombreuses, comme je ne dois pas oublier les autres... exogènes, qui existaient également, celles qui nous ont été «savamment orchestrées» pour nous mettre à genoux.
L'amorce d'un tournant
1980, huit années avant l'explosion du 5 Octobre 1988, tout baignait, comme on dit, entre les différents responsables du pays, au sein des structures de l'Etat et du FLN. Le président Chadli, convaincu de la justesse de ses positions, en ce début de règne, s'efforçait à tout moment de les communiquer à ceux qui avaient la charge de l'exécution afin de les mettre face à leurs responsabilités pour que le travail soit réalisé dans le sérieux et l'application. On avait l'impression que tout allait bien, dans le meilleur des mondes. Au sein du FLN, le Comité central qui se réunissait périodiquement, sous la présidence de son secrétaire général et, en même temps, président de la République, se prononçait sur toutes les affaires ayant trait aux domaines vitaux de la nation. Les dossiers des hydrocarbures, du commerce intérieur et extérieur, de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la jeunesse, de la culture, du travail, de la santé, des finances publiques, de l'agriculture, de l'industrie, etc., passaient au crible, au cours de ces sessions, en des débats qui s'efforçaient d'être concrets et on ne peut plus positifs, en toutes circonstances. Jusque-là, rien ne prêtait à confusion. Tous les responsables du pays acceptaient l'autorité du FLN sur la politique nationale, hormis certains parmi les hauts dignitaires qui donnaient l'apparence, car contraints de montrer un autre visage en public. Et Chadli était là, garant de ses réformes et de cette symbiose entre le parti et l'Etat qu'il essayait d'instaurer depuis le 4e Congrès extraordinaire du FLN de juin 1980. Et, de cette date jusqu'à 1986, l'Algérie présentait cette image d'opulence. On avait l'impression qu'elle détenait tous les leviers de l'économie nationale et qu'elle allait persister encore dans l'évolution, surtout que le PAP (Programme anti-pénurie) allait concrétiser, sur le plan social, le fameux slogan du 5e Congrès du FLN de 1983, «Pour une vie meilleure». Je viens de dire : «on avait l'impression» ; en effet, et ce n'était qu'une impression, puisqu'entre autres, hélas, ce programme qui n'était qu'une importation massive de biens de consommation au profit d'une population largement frustrée — bananes du Costa-Rica et fromage rouge français, de même que de l'électroménager — dissimulait une certaine collusion entre les milieux d'affaires et quelques hauts responsables. Ainsi, ces prétendues bonnes décisions, dans le cadre de l'ouverture, n'étaient que le résultat d'un programme d'urgence face à un climat social qui commençait petit à petit à se dégrader. A cela s'ajoutait la déperdition au sein des entreprises économiques, à cause du manque de logique et de cohérence dans leur gestion. Je vais aborder ce problème, dans les détails, dans cette présente contribution. Donc, où se trouvait la rationalité, la pondération, la bonne réflexion... ? On commençait alors à subir le diktat de l'improvisation. Et c'est dans cette ambiance de soi-disant ouverture, qu'un autre phénomène montrait immoralement son visage. Ce n'était pas le fait d'avoir le courage de ses opinions, auquel cas, ce serait une bonne chose pour la démocratie, mais ce défaitisme qui prenait son départ sur les chapeaux de roues, venant de plusieurs dirigeants, présents dans le système, et qui essayaient de s'exonérer de la responsabilité d'actes dont ils étaient les faiseurs. Par ailleurs, se déployait une autre bataille, toujours sous le prétexte de l'ouverture et du changement. Ainsi, ceux qui entouraient le Président, disons-le franchement, ceux qui le ceinturaient, après avoir gagné sa confiance, lui présentaient autrement les situations et lui soufflaient d'autres informations, malveillantes, qui allaient à l'encontre de ce que lui présentaient les services de sécurité, en place. Dans cette bataille où les maitres-mots étaient la manipulation, l'accusation et le mensonge, le FLN — qui leur était comme une arête de poisson dans la gorge — n'a pas été épargné. Il a été, jusqu'à l'explosion d'Octobre, leur souci majeur, car c'était lui qu'il fallait discréditer et des hommes qu'il fallait éliminer, puisque «quelque part» cela se posait comme une exigence. Il est vrai que la nostalgie du passé soulevait des passions et engendrait des vengeances. C'était donc le début d'une nouvelle politique, c'était l'amorce d'un tournant. Cela s'est accentué en 1986, où il fallait revoir la Charte nationale pour l'adapter aux nouvelles exigences du temps et du pays, car la Charte de 1976 n'était pas un dogme intouchable et le FLN l'avait souligné en son temps. Il fallait affiner certains aspects, reprendre d'autres pour permettre à notre pays d'être au diapason d'une «Révolution» qui se voulait être à l'écoute des masses. Ainsi, elle a été revue, corrigée et acceptée par voie référendaire. Personne ne s'y était opposé, sauf quelques mouvements – qui se trouvaient dans la «clandestinité» ? – et qui avaient donné leur avis, d'une manière assez réfractaire, mais sans plus. Le FLN, et j'en parle aisément, puisque j'occupais le poste de ministre, en même temps que membre du Comité central, a applaudi la nouvelle orientation du pays et fait sienne l'ouverture et la souplesse dans les rapports avec le monde extérieur et le privé national considéré, à juste titre, comme outil de contribution à l'économie nationale. Rien ne laissait apparaître une opposition de sa part – comme on le crie aujourd'hui, sur tous les toits – et elle n'existait pas, franchement. Au contraire, il voyait d'un bon œil cette notable avancée dans la gestion du pays qui allait dans le sens du progrès. Où était donc le problème ? Le problème existait seulement au niveau des mentalités rétrogrades qui pensaient que le frein pouvait provenir du FLN ou, à tout le moins, de certains de ses cadres qu'ils jugeaient difficiles et gênants. Suivez mon regard ! Ils croyaient également — et ils répandaient l'idée chez des porte-voix qui en assuraient une large diffusion — que le FLN ne pouvait mettre à exécution la nouvelle politique de révision, au moment où, sur le terrain de la réalité, c'était lui, en tant que garant de ces réformes, qui se trouvait être le meilleur moyen de faire bouger les masses. Nonobstant ces accusations gratuites, il faut dire, haut et fort, que certains grands responsables ont profité de cette ouverture pour s'extérioriser et dénoncer les avatars d'une politique – comprenez par là, cette coordination entre l'Etat et le Parti – qu'ils jugeaient subitement non efficiente, voire nulle et non avenue. Décidément, les mots n'avaient plus de valeur en cette période, quand ils étaient récités par «des acteurs» qui n'arrivaient à convaincre aucune autre assistance, sauf la leur, qui analysait la situation avec une conception qui nous était étrangère. Cela démontrait qu'il y avait une opposition latente qui couvait depuis fort longtemps et qu'en définitive, peu parmi les hauts dignitaires du régime étaient d'accord avec l'option socialiste de l'époque. Il a suffi d'une brèche ouverte sur le monde économique et dont le FLN était tout à fait d'accord — il faut le répéter encore une fois dans cette contribution — , pour que le débat prenne d'autres proportions. Mais qu'en était-il au fait de notre évolution économique, à l'heure des bilans et dans cette mouvance de révision et de remise en cause, par certains, de pans entiers de notre politique ? Il y a beaucoup à dire. Et, pour être franc, il faut souligner qu'à l'heure des bilans, nous avons été offusqués et par trop déçus lorsque nous avons appris que ce qui nous paraissait un dynamisme débordant n'était en fait que de l'activisme stérile qui freinait ou qui portait préjudice à notre vaste programme d'édification nationale. Justement, au contrôle efficient, les résultats affichaient lamentablement des taux très en deçà de la moyenne et ne reflétaient ni la confiance ni les moyens qui ont été mis à la disposition de ceux qui ont eu la charge des plans de développement. Ceci a confirmé les appréhensions du FLN qui a attiré, en son temps, l'attention des hauts responsables sur les retards d'application de différents projets et sur la désinvolture, l'indifférence et quelquefois la malhonnêteté des opérateurs. Cela a été considéré comme une intrusion de la part du FLN. Et, je me rappelle de cela, du temps du secrétariat permanent du Comité central, lorsque je secondais Messaâdia, comment a été bloquée cette décision de faire le bilan des activités du gouvernement en fin d'année. L'Exécutif ou le «véritable pouvoir dans le pays» voyait en cette opération de contrôle une abjecte ingérence, car le FLN, selon lui, n'avait pas droit de regard sur l'évolution et l'application des programmes de développement. Son pouvoir ne pouvait s'exercer que dans le cadre organique de ses structures et, bien évidemment, dans l'enceinte du Palais des nations, pendant les sessions du Comité central. Pas plus ! D'ailleurs, cette réaction n'était pas nouvelle pour le FLN.
Il la supportait depuis très longtemps, depuis les premiers conflits qui l'opposaient à l'administration où la plupart des walis, pour ne pas dire tous, n'admettaient pas qu'une de ses structures ou qu'un militant de base puissent dire la vérité sur les rouages administratifs, bourrés de complexes et adeptes de bureaucratie, ou sur l'économie nationale qu'ils considéraient comme étant leur propriété personnelle qu'ils ne voulaient partager avec personne. Cependant, le manque de contrôle et de coordination a mené le pays droit vers l'affaiblissement de notre économie nationale. Je n'en veux pour preuve que les résultats de la «fameuse» conférence sur le développement de juillet l987. Cette dernière conférence nationale — il y en a eu d'autres avant — a eu le mérite de faire tomber les masques à tous les responsables et les gestionnaires qui se targuaient d'être toujours les plus forts et qui se prévalaient d'une compétence hors du commun, en l'absence d'un contrôle rigoureux et strict. Les remarques du Président, confortées par des fiches bien étudiées et scrupuleusement établies, démontraient qu'à part certains domaines qui semblaient donner satisfaction dans le cadre de notre développement national, d'autres en revanche étaient «endommagés» à cause de l'inconscience, du laisser-aller, de la gabegie et très souvent de l'incompétence de leurs dirigeants. Des chiffres à l'appui ont été énoncés et c'est là où nous avons compris que l'on commençait à entrer dans une zone de grande turbulence et que l'on s'acheminait, tout droit, vers de sérieux problèmes. Entretemps la crise internationale venait de jeter son dévolu sur notre pays. Il nous fallait travailler durement pour ne pas subir les résultats de ses fâcheuses conséquences. Ce constat dévoilait donc la triste réalité. Où étaient les résultats de l'efficacité dans la mobilisation et l'emploi des ressources humaines, matérielles et financières ? Où était la prise en charge saine de tous les besoins pour faire face à l'après-pétrole ? Ces orientations ont été données au cours du 5e Congrès du FLN en décembre 1983 et donc acceptées par tout le monde comme une ligne de conduite, dotée de moyens immenses pour atteindre des objectifs destinés à faire décoller le pays. Apparemment très peu, parmi les gestionnaires, les ont suivies car, quatre années plus tard, nous avons commencé à avoir des déceptions amères. En 1987, nous avons ressenti effectivement le poids de nos problèmes et la charge de nos difficultés alors qu'auparavant, tout semblait maîtrisable dans l'euphorie du renouvellement de nos structures et de notre passage à l'économie, comme d'aucuns la qualifiaient de «savamment planifiée ». Hélas, notre autosatisfaction s'est vite estompée lorsqu'on a perçu les aléas d'un développement parsemé de déperditions énormes et, plus grave encore, lorsqu'on a été informés pour la première fois de l'existence d'une dette extérieure digne de républiques bananières, incapables de produire une quelconque richesse et se contentant de vivre sur la vente de leurs ressources naturelles, désormais insuffisantes. Le FLN continuait à attirer l'attention des responsables sur ces problèmes qui s'aggravaient. Malheureusement il se voyait objecter par ceux qui ne connaissaient le pays et ses responsables qu'à travers le prisme déformant des rapports et des bulletins de renseignements quotidiens et qui soutenaient contre toute évidence que les déclarations des responsables du FLN faisaient dans l'exagération et..., dans la dissidence ! Ils soutenaient également, dans leur inconscience, que l'Algérie ne s'était jamais bien portée comme ce temps-là et qu'il n'y avait pas de quoi s'inquiéter. D'après eux il fallait exulter et peut-être les remercier pour les excellentes garanties qu'ils nous donnaient, en amorçant le tournant vers un autre système. L'UGTA, qui se réunissait périodiquement avec le conseil interministériel sous la présidence du Premier ministre, étalait au grand jour ces problèmes et analysait consciemment la situation. Il faut le dire pour l'Histoire que le syndicat d'hier, autrement plus sérieux et engagé, n'a jamais cessé d'attirer l'attention du gouvernement et des services publics sur la dégradation de la situation économique jusqu'à paraître, dans ce système du parti unique, comme une organisation purement revendicative et combative, alors que ce n'était pas sa vocation à l'époque. Enfin, l'après-pétrole ? On y songeait, on en parlait beaucoup, mais comme on a encore de bonnes réserves de ce précieux produit, on a préféré retarder l'échéance à un avenir plus lointain. «Après moi le déluge », lançait une favorite ruineuse de Louis XV à qui on faisait remarquer que son influence sur le roi entraînait des dépenses dispendieuses, source de misère du peuple. Tel était le climat néfaste qui commençait à entraîner le pays dans la dégradation, le besoin et... la mal-vie. N'était-ce pas les ingrédients d'Octobre qui prenaient place et s'incrustaient à la consternation des masses ?
Les ingrédients d'Octobre 1988
Maintenant, pour aborder Octobre, dans les détails, allons voir ce qui a fait que l'inévitable se produise et connaisse cette ampleur effrayante. Pourtant – je peux l'affirmer –, s'il y a eu plus de concertation et moins de conseils malveillants ou de provocations et d'intrigues de certaines parties, nous aurions lavé notre «linge sale en famille », dans le calme et la concertation, comme à l'accoutumée. Tout remonte aux toutes premières élucubrations de 1986, quand nous avions abordé la discussion et la révision de certains aspects de la Charte nationale. Mon impression personnelle – bien sûr, je me tromperais si je vous disais que j'ai la certitude absolue – est que notre arrêt de mort a été signé à partir de là. C'est vrai que les esprits se sont échauffés quand l'occasion s'est présentée pour revoir ce qui devait être absolument revu et corrigé, afin de revoir notre démarche pour l'adapter aux exigences du moment. Mais ce n'était qu'un prétexte, parce que personne ne pouvait s'insurger contre le système, du fait que l'Etat et le parti du FLN étaient d'accord – peut-être pas de la même manière – pour cette révision dans tous les domaines. Il a été dit clairement que l'on aborderait les questions d'intérêt national afin de mieux gérer l'avenir et marcher de pair avec l'évolution dans le monde. Le FLN, conscient de l'impérieuse nécessité de passer à un autre stade de gestion des affaires du pays, soumettait le projet à la base, afin que celle-ci l'enrichisse et l'adapte à la situation nouvelle qui nous était imposée en ce début de crise économique internationale. Ce facteur a été pris en considération par les militants qui, de par leurs débats, ont permis aux concepteurs de la Charte de proposer une «ouverture objective» là où il était question d'une révision et non d'une remise en cause de nos principes fondamentaux. Jusque-là c'était logique. Pourquoi donc y at- il eu l'apparition de plusieurs tendances à l'intérieur du pouvoir ? Tout simplement, parce que certaines forces ont profité de ces débats et pris le relais pour casser le FLN, ce vieux rêve que caressait le colonialisme, depuis notre accession à l'indépendance. Alors, il était impératif que le FLN disparaisse du paysage politique, sans éveiller l'attention des masses et surtout des militants qui se dresseraient assurément contre toute tentative de liquidation de leur parti. Pour ce faire il n'y avait pas mieux que de fomenter des divisions sur le plan idéologique, seul moyen de creuser le fossé entre les différents responsables et surtout d'aiguiser l'appétit des sensibilités qui émergeaient de plus en plus sur l'arène politique. Comme cela, il mourra de sa belle mort ! C'est ainsi que l'on a vu des forces travailler pour le libéralisme avec cet esprit de remise en cause totale d'une politique jusque-là suivie, pendant que la plupart des militants s'arrêtaient à la modification de quelques compartiments, toujours dans le sens du progrès, de la réussite et de la continuité du programme national de développement. Les discussions sur la Charte nationale ont débouché inévitablement sur des avis différents, ce qui était un signe de bonne santé politique, s'il n'y avait ces tiraillements entre quelques tenants du pouvoir et des responsables du FLN. Le journal Le Monde, briéfé par des spécialistes en magouille – des Algériens, bien sûr –, écrivait : «Seul Messaâdia freine le processus de libéralisation du pays.» Ce en quoi ce dernier, profitant d'un discours qu'il prononçait devant les cadres syndicaux, expliquait que «cette Charte est l'œuvre des militants et elle a été plébiscitée par le Congrès et si l'on a des doutes en cela, qu'on la remette une seconde fois à la base pour la discussion ». L'incompréhension s'insinuait doucement. Le fossé s'élargissait entre les différentes tendances pour déboucher sur des humeurs difficiles et des contradictions insurmontables. On comprenait cela dans les interventions, dans les réunions et surtout dans les décisions qui émanaient de différentes sphères. Le Président, de bonne foi, ne s'en cachait pas, il montrait qu'il était exaspéré par cette situation lamentable. En Conseil des ministres, il intervenait dans un style plutôt caustique. On sentait qu'il n'était pas à l'aise, on le sentait souffrant à l'intérieur. La charge était trop forte et il la supportait péniblement. Personnellement, je voyais un président sincère, mais tiraillé par différentes tendances où abondaient le mensonge et les conflits. Les «gourous» qui l'approchaient le voulaient admonestant le FLN – dont il était le secrétaire général – et vitupérant ses responsables. Certains, parmi ces génies malfaisants le trompaient. Ils souhaitaient le voir faire le procès de son parti, en l'accusant d'entretenir le peuple avec des slogans vides et sonores et de surcroît dépassés. Alors, la bataille commençait dans les états-majors et ceux qui entouraient le Président s'en donnaient à cœur joie, avec cet immense plaisir d'amplifier certaines situations et d'en créer d'autres. Ceux-là faisaient un travail de sape qui n'avait d'égal que les paradoxes que nous avons connus, peu avant Octobre, avec le nouveau modèle d'organisation et de fonctionnement du parti et de ses organisations de masse. Ce fut un grave précédent où ils appelaient à revoir la démarche du FLN en excluant ses véritables responsables. Ensuite ce fut cette autre décision, suite à des conseils «venus d'ailleurs» qui portait sur la création des associations qui devaient noyer le pays. Le principe en lui-même, s'il n'a pas été «soufflé» pour empêcher de voir le FLN se redéployer, aurait été très noble car les associations ne pouvaient que renforcer sa présence au sein des masses. Cependant, il faut le préciser, celles-ci venaient à point — de la manière dont elles ont été conçues — pour jeter de l'huile sur le feu. Ainsi l'on a débouché sur des associations d'une valeur objectivement insignifiante, sans âme et sans projection sur l'avenir, si ce n'était, bien sûr, cette mission de créer le parallélisme et le blocage du FLN, en le noyant dans la multitude.
K. B.
(A suivre)


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